Œuvres de Saint François De Sales

 

TOME XXII. OPUSCULES - Ier VOLUME

 

 

 

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Cinquième édition pour la concordance: seulement les écrits de saint François de Sales

 

Index OCR

 

Index OCR. 2

Opuscules de Saint François de Sales. Première série : Etudes et vie intime. 10

A) Période d'études a Paris, octobre 1580-1588. 10

I. Extraits de deux manuscrits autographes du cours de philosophie. 10

1) Premier manuscrit (octobre 1585-février 1586). 10

Brevis preafatio in universam philosophiam.. 10

Procemium in logicam.. 10

Tractatus is in logicam : de quæstionibus procemii 10

2) Second manuscrit (mars 1586). 12

Quaestio 3 : An Beatitudo præsentis vitae hominis existentis in puris naturalibus consisteret in aliquo bono creato ?. 12

Questio 4 : In quo actu consistat beatitudo formalis praesentis vitae hominis existentis in puris naturalibus; ubi etiam breviter dicemus in quo consistat essentialiter beatitudo nostra supernaturalis alterius vitae. 13

II. Regles pour la reception de la Sainte Communion ; la Communion Spirituelle, [avant 1586]. 14

III. Fragments d'ecrits intimes se rapportant a la tentation de desespoir, 1586 ou 1587. 16

1) Recueil d'Oraisons jaculatoires tirees des Psaumes. 16

2) Aspirations et Prieres. 18

3) Acte d'abandon heroique (Inédit). 18

B) Période d'études a Padoue (novembre 1588-janvier 1592). 19

IV. Exercices spirituels 1590. 19

1) Exercice de la preparation. 19

2) Conduite particuliere pour bien passer la journee. 21

3) Exercice du sommeil ou repos spirituel 24

4) Regles pour les conversations et rencontres. 26

5) Communion frequente ; preparation et action de graces [1590]. 28

V. Beauregard, fin juillet-août 1590 (Inédite). 30

VI. Notes de theologie (Fragments). 31

1) 15 décembre 1590. Avec une humilité profonde, François de Sales s'affermit dans l'opinion adoptée dès l'adolescence, mais proteste d'être prêt à tout sacrifier pour se soumettre à l'Eglise. 31

2) Janvier-juin 1591 (Inédit). Précaution prise contre l'erreur possible. — Dans la crainte de se tromper, le jeune homme s'en remet à l'Esprit-Saint qui gouverne l'Eglise. — Doctrine de la prédestination — Hommage à Jésus-Christ. — Choses entendues et choses méditées. 32

3) Fragment sur la Prédestination, janvier-juin 1591. La prédestination, fondée sur les mérites prévus ; auteurs cités en faveur de cette opinion. — Preuves qui la confirment : Dieu qui ordonne la fin, ordonne aussi les moyens ; il ne réprouve que par justice et en prévision du péché ; textes de l'Ecriture à l'appui de cette doctrine. — Autre argument qui la corrobore. — Réfutation de l'opinion contraire par neuf remarques. — Sentiment de Tolet et de trois théologiens éminents entendus par saint François de Sales. 33

4) Protestation au sujet de la réprobation des méchants, 1591. 39

VII. Extraits d'un manuscrit autographe du cours de droit, 22 février-20 novembre 1591. (Inédits). 41

1) Poésie liminaire. 41

2) 22 février 1591. Indissolubilité du mariage chrétien. — Louange à la Trinité, à la Sainte Vierge et à des Saints protecteurs. 41

3) 24 mars 1591. Echo des sentiments du jeune homme en la vigile de l'Annonciation. 42

4) De verborum et rerum significatione [Tit.] XVI 42

5) 10 juillet 1591. Dieu, règle infaillible de toute justice. — Encore un hommage à Marie et aux Saints. — Un tremblement de terre et les bouleversements de l'Europe. — Cri de douleur sur la France. — La voix du Pape écho de celle du Roi des rois. 43

6) De Summa Trinitate et Fide catholica, et ut nemo de ea publice contendere audeat. 44

7) Témoignages de la haine de François de Sales pour l'hérésie, de sa vénération pour la sainte Croix et de la bonté de son cœur. 47

8) Harangue de remerciment aux docteurs de Padoue, 5 septembre 1591. 49

Extraits du manuscrit du cours de droit. 51

9) 17 septembre-20 novembre 1591. Travail interrompu. — L'itinéraire et les péripéties d'un voyage à Rome ; pourquoi il a été manqué. — Mort de Grégoire XIV et élection du nouveau Pontife. — Vœux du saint jeune homme à cette occasion. — Une «porte plus grande que tout l'édifice». 51

10) Souvenir de l'examen subi par le nouveau docteur. Un titre à relire souvent. — Les usuriers et le fisc. 54

11) [Fin novembre-décembre] 1591. Mme de Boisy. — Importance de la loi de l’inventaire ; le signe de la Croix. — Pourquoi le jeune docteur met fin à son travail. 55

C) Période du Chablais et d'Annecy 1592-1622. 57

VIII 57

1) Mourir pour vaincre [1592-1594] (Inédite). 57

2) Qu'est-ce que combattre l'ennemi spirituel ? [1592-1594] (Fragment inédit). 57

IX. Souvenirs de faveurs surnaturelles reçues. 57

1) Retraite preparatoire aux saints Ordres, 19 mai 1593. 57

2) Pendant la mission du Chablais, 19 avril [1595 ou 1596]. 58

3) En la fête du Saint-Sacrement, 25 mai 1595. 58

X. Essais de poesie. 58

1) La Transfiguration et le Cœur de Jesus, 6-15 août 1598 (Inédite). 58

2) En l'honneur du Saint-Sacrement 6-15 août 1598 (Inédite). 59

3) La Croix septembre ou octobre 1598 (Fragment inédit). 60

4) Au pied de la Croix, 1605-1608 (Fragment inédit). 60

XI. Note intime touchant une faveur surnaturelle reçue a Rome le 25 mars 1599. 60

XII. Règlement épiscopal, fin novembre-8 décembre 1602. 61

1). 61

2) Fragment du même document. 64

XIII. Premier testament, 29 novembre 1617. 64

1). 64

2) Enveloppe du testament, 29 novembre 1617. 66

XIV. Second testament de saint François de Sales, fait conjointement avec Jean-François, son frere et coadjuteur, 6 novembre 1622. 67

Deuxième série : Apostolat. 69

A) Documents relatifs au Chablais. 69

I. Mémoire adressé au Duc de Savoie, Charles-Emmanuel Ier pour le retablissement de la religion catholique (Minute inédite). Triste situation religieuse du Chablais. — Sur la demande du duc de Savoie, l'Evêque de Genève y a envoyé deux missionnaires. — Leurs travaux et leurs insuccès — Causes de ceux-ci et remèdes proposés. — Projet d'une lettre à écrire par son Altesse au corps de Ville de Thonon ; le Saint suggère au prince d'en adresser une autre au gouverneur du bailliage et une troisième au juge-maje de Thonon. 69

II. Autre memoire adressé au même, octobre 1595—Débuts de la mission. — Pourquoi l'un des prédicateurs a dû se retirer. — Espérance de succès, mais il faut des missionnaires. — Nécessité de rétablir un certain nombre de curés dans les paroisses et plusieurs prêtres à Thonon. — Comment pourvoir à leur entretien. — Le ministre et le maître d'école. — Dans quel but François de Sales propose à Son Altesse de déléguer un sénateur. — Recommandations en faveur de quelques catholiques pauvres et âgés, et de la paroisse de Mesinge. — Remplacer l'ancien «Consistoire» huguenot par un Conseil composé de prêtres et de laïques. 71

III. Requête au même en faveur du chapitre de Saint-Pierre de Genève (Fragment). Le duc a déjà déclaré sa volonté touchant la restitution des biens ecclésiastiques du Chablais ; prière d'étendre cette ordonnance en faveur du Chapitre, afin qu'il puisse rentrer en possession de ses anciens bénéfices, celui d'Armoy en particulier. — Pauvreté des Chanoines. — Concessions que trois Papes leur ont faites pour les soulager. — Somme qui leur est due, et comment elle pourrait leur être payée. 75

IV. Projet d'un mémoire a présenter au Duc de Savoie d'après les conclusions adoptées a Annemasse le 29 juillet 1597. La restitution des bénéfices ecclésiastiques est indispensable. — De quelle utilité serait l'établissement à Thonon d'un collège dirigé par les Jésuites ; le prieuré de Saint-Hippolyte pourrait lui être attribué. — La collégiale de Viry et union projetée. — Mesures à prendre pour une conférence avec les ministres de Genève. — Charges du curé d'Annemasse ; comment l'en dédommager. 76

V. Avertissement aux hérétiques qui désirent rentrer dans le sein de l'eglise. Retour de quelques âmes à la foi catholique. — Ce qui en arrête beaucoup d'autres dans leur désir de conversion. — Calomnie contre l'Eglise. — François de Sales déclare que nul, après l'abjuration, ne sera soumis aux peines encourues par le fait de l'hérésie. 77

VI. Articles présentés au duc de Savoie en faveur de la religion catholique, et réponses de Son Altesse. Restitution et destination des bénéfices ecclésiastiques du Chablais. — Le maître d'école de Thonon et les écoliers. — Priver les hérétiques des charges publiques. — Pourquoi le ministre doit être éloigné de la ville. — Droit de bourgeoisie pour les habitants catholiques. 79

VII. Autres articles présentés au Duc de Savoie pour la conservation et propagation de la religion catholique, et réponses de Son Altesse. Mesures à prendre à l'égard des habitants du Chablais et de Ternier qui ne professent pas la vraie foi. — A quelles conditions sont permises les disputes en matière religieuse. — Ne pas détourner les catholiques de l'assistance aux Offices. — Ordonnances diverses touchant l'observation des commandements de Dieu et de l'Eglise, les livres hérétiques, la sanctification des jours de fête et l'instruction religieuse. — Confirmation de l'Edit qui exclut des charges publiques les «reformés». Réparations et restitutions. — Règlement pour la distribution des aumônes en «graines». — Les cloches. — Prière au duc de prendre sous sa protection l'Évêque, le clergé, les prédicateurs et leurs familiers. — Injonction aux magistrats du Chablais d'avoir à faire observer les instructions susdites. 80

VIII. Mémoire présenté a Sa Sainteté Clément VIII au nom de Mgr de Granier (Minute inédite). L'Evêque de Genève demande au Saint-Siège, pour lui, l'autorisation d'assigner des prébendes monacales vacantes, à l'entretien de théologaux et de curés ; pour ses chanoines, celle de posséder des bénéfices avec leur canonicat. — Il sollicite, à cause de ses charges, l'exemption du payement des décimes au duc de Savoie. — Avantages qu'il y aurait à libérer de diverses servitudes certains sujets de l'évêché. — Pourquoi il serait bon que le Prélat et plusieurs ecclésiastiques désignés par lui, eussent d'amples pourvoira pour absoudre les hérétiques. — Nécessité de la réforme des Monastères ; moyen à prendre pour y arriver. 83

IX. Autre mémoire présenté au même Pontife au nom de Mgr de Granier (Minute). Une Bulle de Grégoire XIII concernant les revenus ecclésiastiques des provinces de Gex, du Chablais et de Ternier. — La conversion des deux derniers bailliages exige que l'union de ces bénéfices à l'Ordre des saints Maurice et Lazare soit annulée. — Prébendes théologales à constituer, et par quel moyen. — Comment subvenir à la pauvreté des prêtres. — Divers pouvoirs demandés. — L'Evêque implore l'exemption du payement des décimes au souverain, l'autorisation pour ses chanoines de posséder d'autres bénéfices et l'affranchissement de certaines servitudes pour les sujets de l'évêché. — Mesures proposées pour la réforme urgente des Monastères. 86

X. Supplique du Prévôt et du Chapitre de la Cathédrale de Saint-Pierre de Genève au même Pontife (Minute). Projet du transfert du Chapitre a Thonon ; Francois de Sales et ses confreres demandent au Pape de l'autoriser, et d'unir a la mense capitulaire l'ancienne eglise des Augustins avec leur couvent ruine. — Ordre a donner au sujet des autres ecclesiastiques attaches au service de la Cathedrale. 92

XI. Mémoire concernant différentes affaires du Diocèse de Genève adressé a Mgr Riccardi, Nonce de Savoie, au nom de l'Evêque. Les requêtes de Mgr de Granier touchant les décimes et les taillables de l'évêché renvoyées au Nonce de Savoie. — Oubli persévérant du cardinal Aldobrandini. — La question des prebendes théologales en suspens. — Abus des prébendes laïques dans les Monastères. — Situation particulière du prédicateur d'Evian. — Une clause nuisible dans les pouvoirs d'absoudre concédés au Prévôt de Genève. 94

XII. Réponse a une requête des Chevaliers des Saints Maurice et Lazare (Minute). Fière protestation. — Le Bref de Clément VIII, rapporté de Rome par le Prévôt, est de tous points conforme à celui de Grégoire XIII qu'allèguent les Chevaliers. — Des «motz considerables». — Ce que la Milice trouve dur. — Pourquoi elle n'avait pas le droit d'être consultée avant que le Bref fût rendu. — Les raisons qu'elle apporte ne doivent pas en retarder l'exécution. — Prix de la moindre des âmes et d'une seule Messe. — Le salut du peuple avant tout. — Instante supplication au Duc et aux Chevaliers. 97

XIII. Requête au Duc de Savoie, Charles-Emmanuel Ier (Minute). Le Sénat et la Chambre des Comptes entravent l'exécution d'un ordre de Son Altesse, et celle-ci enjoint de surseoir à un ordre du Pape. — Moyen suggéré par François de Sales pour acheminer heureusement la restitution des revenus ecclésiastiques du Chablais, sans léser les droits des Chevaliers des saints Maurice et Lazare. — A quelles règles s'obligera l'Evêque en l'exécution du Bref Apostolique. 99

XIV. Mémoire adressé a Monseigneur Riccardi, Nonce de Savoie. Un meurtre à Talloires et une prébende vacante. — Pour établir des chanoines théologaux dans les Collégiales d'Annecy, Sallanches et La Roche, d'autre prébendes pourraient se prélever sur quelques prieurés et abbayes. — Evian, Rumilly et Seyssel ont besoin du même secours, et pour quelles raisons. — Faut-il s'inquiéter des réclamations des Religieux ?. 100

XV. Mémoire adressé aux Chevaliers des Saints Maurice et Lazare [1607-1608]. 104

XVI. Requête au Prince de Piémont, Victor-Amédée en faveur des Curés d'Armoy et de Draillant (Minute). Cession aux Genevois des bénéfices d'Armoy et de Draillant, malgré un Arrêt contraire du Sénat. — Les cent écus annuels assignés aux deux curés en dédommagement n'ont été payés que trois ans. — La piété et la justice exigent qu'il soit désormais pourvu à leur entretien. 105

XVII. Autre requête au même minute pour les Curés d'Armoy et de Draillant (Inédite). Un Arrêt du Sénat contre les détenteurs des revenus d'Armoy et de Draillant, annulé par le duc de Savoie. — Maigre coupensation accordée aux curés «sur la gabelle a sel du Chablaix.» — Insouciance des gabeliers et sollicitations inutiles des prêtres. — Pourquoi la déclaration récente d'un agent à l'Evêque de Genève ôte aux suppliants tout espoir. — Humble exposé de leur misère et appel pressant à Son Altesse. 105

B) Documents relatifs aux pays de Gex. 107

I. Mémoire remis a Monseigneur del Bufalo, Nonce de France pour le rétablissement du culte catholique (Minute inédite). Deux choses demandées au Roi. — Réponses aux objections prévues, contre le rétablissement du culte catholique dans tout le pays de Gex. — Pourquoi certaines appréhensions n'ont pas de fondement. — Exposé des difficultés que présente la restitution des revenus ecclésiastiques du bailliage : les unes, insurmontables ; la justice de Sa Majesté peut triompher des autres. — Celle-ci et les droits de l'Eglise doivent l'emporter sur la crainte de mécontenter les Genevois. 107

II. Requête au Roi de France, Henri IV au nom de Mgr de Granier (Minute inédite). Le calvinisme dans le pays de Gex. — Mgr de Granier a déjà imploré le secours du Roi pour le rétablissement de la religion catholique et la restitution, pour l'entretien des prêtres, des revenus confisqués. — Ce qu'a fait le baron de Lux, délégué par Sa Majesté. — Pourquoi l'Evêque s'adresse de nouveau à elle. — Il réclame le libre exercice du culte dans toute la province, suivant la teneur de l'Edit de Nantes. — Un traité passé entre Emmanuel-Philibert, duc de Savoie, et les Bernois, annulé. — Trois bailliages où fleurit le catholicisme. — Les détenteurs des revenus n'ont aucune raison à alléguer contre la justice et le droit. 109

III. Autre minute de la même requête (Inédite). 111

IV. Requête au Roi Henri IV et a son Conseil Privé (Minute inédite). Même sujet. 112

V. Mémoire présenté a Monsieur de Villeroy pour le rétablissement de la religion catholique (Minute). Rétablir la religion catholique dans le pays de Gex, c'est mettre à exécution l'Edit de Nantes. — Il serait injuste de respecter les «reformés» plus que les autres et d'excepter de, la règle générale «ce seul coin du royaume». — Traités entre les ducs de Savoie et les Bernois. — Usurpation par ceux-ci des revenus ecclésiastiques ; quels sont ceux qui peuvent être restitués à leurs propriétaires légitimes. 113

VI. Mémoire adressé au Conseil Privé du Roi de France (Minute inédite). Le bailliage de Gex, incorporé à la France, doit jouir de tous les privilèges du royaume. — Comment Henri IV répondit à une requête de l'Evêque de Genève. — Nouveau recours de celui-ci au Roi. — Réponse à une objection de quelques membres du Conseil de Sa Majesté. — Concessions faites aux Bernois par Emmanuel-Philibert et Charles-Emmanuel, ducs de Savoie. — Restitution du culte catholique et des biens de l'Eglise dans les bailliages soumis au second. — On espère du Roi de plus grandes faveurs pour les prêtres qui seront installés dans le pays de Gex. — Une raison pressante. 114

VII. Conventions relatives a la cession du Prieuré d'Asserens au Curé de Farges (Minute inédite). 115

VIII. Requête a Monsieur François Briet (Inédite). L'Evêque réclame, pour le curé de Gex, le presbytère et le jardin attenant, encore occupés par le ministre hérétique. 116

IX. Autre requête au même (Inédite). Plaintes et demandes au sujet du cimetière de Gex disputé aux catholiques et violé par les protestants. 116

X. Requête aux Députés du Clergé de France (Minute inédite). Quelle partie du diocèse de Genève est soumise au roi de France depuis le traité de paix de Lyon. — Dans le pays de Gex, quelques paroisses seulement ont été rendues au culte catholique. — Les «mille traverses» des ministres contraignent l'Evêque à des recours fréquents aux autorités de la province, au Parlement de Dijon, et même à Sa Majesté. — La présence ordinaire des députés de Genève à la cour complique les difficultés. — Découragement des convertis. — Saint François de Sales demande l'union de cette partie de son diocèse au corps du Clergé du royaume. — La situation topographique du bailliage de Gex augmente l'intérêt que la chrétienté entière, et surtout la France, doivent avoir pour sa conversion. — A quoi seront tenus les procureurs généraux du Clergé députés à la cour. 117

XI. Mémoire adressé aux mêmes (Minute inédite). Péripéties du bailliage de Gex au cours de soixante-dix ans. — La guerre l'a privé du culte catholique ; le traité de paix doit le lui rendre. — Trois paroisses rétablies depuis quatre ans ; les habitants de quatre autres ont demandé l'exercice de la vraie religion, toujours différé cependant, malgré l'autorisation du Roi. — Les revenus ecclésiastiques affectés à l'entretien des adversaires de l'Eglise. — Une saisie et un procès. 119

XII. Requête au Roi de France, Louis XIII. Les commissaires royaux au pays de Gex pour l'exécution de l'Edit de Nantes. — Oppositions des réformés et voyage infructueux de l'Evêque. — Deux autres délégués remettent celui-ci en possession des églises et des revenus ecclésiastiques du bailliage. — Une requête à laquelle ils n'ont pas fait droit. — Renvoyé au Roi pour ce qui regarde les biens de l'évêché et du Chapitre, injustement usurpés par Genève, saint François de Sales expose ses raisons et demande qu'ils soient rendus à leurs propriétaires légitimes. 120

XIII. Requête a Monseigneur André Frémyot, Archevêque de Bourges (Minute). Réclamation de mandats pour le payement d'une pension assignée au curé de Gex. 122

XIV. Ordonnances pour le service divin a Gex et dans les autres paroisses du bailliage. 123

XV. Mandat a Monsieur Claude Jacquin pour le payement d'une somme (Inédit). 128

XVI. Délégation de M. Claude de Nambride, curé de divonne a l'administration d'une partie des biens ecclésiastiques du bailliage de Gex (Inédite). 129

C) Mémoire pour la conversion des hérétiques et leur réunion a l'Eglise (Minute). Prédication que fit l'Evêque de Genève à Sion ; réflexion d'un auditeur. — Comment ramener à la foi les provinces où ne peuvent pénétrer les prêtres, où l'hérésie devient raison d'Etat. — Lutter contre le mal avant qu'il soit incurable. — François de Sales propose une ligue pacifique entre les princes catholiques et en montre les avantages. — Afin de la réaliser, convoquer des conciles nationaux, non pour argumenter sur les questions de controverse, mais pour discuter les moyens de conversion. — Rôle du Saint-Siège. — Conduite à tenir avec les ministres. — Tenter au moins cette entreprise en Suisse. — Par quels moyens surtout obtenir cette union. 130

Appendice. 135

A) Documents relatifs au Chablais et au voyage de saint François de Sales a Rome. 137

I. Lettre de Charles-Emmanuel Ier, Duc de Savoie, aux Syndics et Bourgeois de Thonon. 137

II. Lettre de Mgr Jules-Cesar Riccardi, Archevêque de Bari, Nonce Apostolique a Turin, au Cardinal Pierre Aldobrandini 137

III. Mémoire du Père Chérubin de Maurienne, Capucin. 139

Memoires a Monsieur le Prevost de Geneve pour traitter tant avec Sa Saincteté qu'avec Monsr l'Illme Nonce a Turin et les Illustrisses Cardinaux a Rome. 139

Qu'il importe sur tout abattre Geneve - Chapitre 1. 139

De plusieurs moyens particuliers pour la confusion des heresies de Geneve - Chapitre 2. 139

Du moyen de faire donner une eglise dans Geneve pour la foy Catholique et recevoir l'Interim - Chapitre 3  140

De ce qu'il faut adjouxter afin que la paix reussisse acceptantz l'Interim - Chapitre 4. 140

IV. Lettre de Claude de Granier, Evêque de Genève a Mgr Riccardi, Nonce Apostolique a Turin. 141

V. Lettre de Charles-Emmanuel Ier, Duc de Savoie a M. Pierre-Jerome de Lambert, Gouverneur du Chablais, le Duc de Savoie. 142

VI. Lettres patentes du meme a M. Claude Marin, Procureur fiscal du Chablais. 143

VII. Autres lettres patentes du meme (Fragment). 144

VIII. Bref de Sa Sainteté Clément VIII a Mgr Claude de Granier, Evêque de Genève. 145

IX. Requete des Chevaliers des Saints Maurice et Lazare au Duc de Savoie. 147

X. Lettres de Mgr Jules-César Riccardi, Archevêque de Bari, Nonce Apostolique a Turin au Cardinal Pierre Aldobrandini 149

XI. Requete des Cures d'Armoy et de Draillant a la Chambre des Comptes de Savoie et arret de celle-ci 152

B) Documents relatifs au pays de Gex et a la mission de saint François de Sales a Paris en 1602. 154

I. Lettres du President Antoine Favre a Mgr Claude de Granier, Evêque de Genève. 154

II. Lettre de Messieurs Milletot et de Brosses a la Seigneurie de Genève. 156

III. Reponse de la Seigneurie de Geneve a la lettre precedente. 156

IV. Memoires pour les affaires de Gex, adresses a saint François de Sales par le Cure Etienne Dunant  158

V. Establissement des Cures du bailliage de Gex fait Annessi le mercredy [15 décembre] 1621. 158

1. La cure de Versoy, 158

2. La cure de Versonnex, 158

3. La cure d'Ornex, 159

4. La cure de Sacconex, 159

5. La cure de Meyrin, 159

6. La cure de Chevry, 159

7. La cure de Prevessin, 159

8. La cure de Crozet, 159

9. La cure de Thoiry, 160

10. La cure de Challex. 160

VI. Estat de l'office estably en l'Eglise parrochiale de saint Pierre de Gex fait le mercredy [15] decembre 1621  160

 

 

Opuscules de Saint François de Sales. Première série : Etudes et vie intime

 

A) Période d'études a Paris, octobre 1580-1588

 

 

I. Extraits de deux manuscrits autographes du cours de philosophie

 

 

1) Premier manuscrit (octobre 1585-février 1586)

 

†       †

 

IHS † MAA

 

Brevis preafatio in universam philosophiam

 

            Quœ de singulis difficultatibus dici possunt, ea omnia tradere discipulis neque brevitas temporis ad totam Philosophiam percurrendam nobis concessi patitur, neque utilitas auditorum exposcit. Ideo semper quoad fieri potest studebimus brevitati, multa veluti solum attingentes [3] ut occasionem demus acutis ingeniis inde multa alia deducendi; alia quae bene tradita reperiemus in authoribus quorum omnibus communiter est copia solum citantes, ut in propriis originibus videntur; alia tandem, tanquam inutilia relinquentes, conabimur tamen ea quae utilia videbuntur exacte examinare et omnia ea claritate explanare qua facillime a discipulis percipiantur.

            Hoc autem ut melius assequi possem, hunc ordinem statui servare, ut libros in tractatus, tractatus demum disputationes, si opus erit, plures ponere, ac demum disputationes in questiones, prout rerum tractandarum diversitas postulaverit dividam. Eas autem sententias ubi diversitas erit opinionum, eligam quse et authoritate et rationibus et consonantia cum rebus fidei examinatis videbuntur preponendae. Omnia vero quae dixero, correctioni SS. Matris Ecclesiae et melius sentientium judicio submitto, petendo ab O. M. Deo ut ipse, quemadmodum de infinita ejus misericordia et de obedientiae virtute quae hoc nobis munus imposuit confidimus et speramus, specialissime nobis semper auxilietur et ad prosperum concedat finem pervenire.

 

Procemium in logicam

 

            Quaestiones illas quae ex metaphysica, aut naturali philosophia, et libentius quae ex theologia petitae, in Logica a nonnullis solent misceri, propriis suis locis tractandas ommittemus. Si vero questio aliqua Logica ex principiis metaphisicse aut fisicae ex earumve conclusionibus dependeat, ut ea credita accipiat logicus opportebit postea discutienda cum eorum librorum explicationem aggrediamur. Verum, quamvis ita procedendum sit et Logicae naturam ac proprietates inquirere non ad Logicam sed ad metaphisicam spectet, tamen, quia imperfecta posset merito censeri illius artificis cognitio qui quid sit id quod tractat ignoraret, et manca ejus hominis doctrina qui postea quam totam aliquam disciplinam sit edoctus quid fiat adhuc nesciat, ideo prima disputatio de Logica est habenda in qua ipsa aliarum scientiarum viribus adjuta, quod ad sui perfectam cognitionem attinet manifestet. [4]

 

 

 

Tractatus is in logicam : de quæstionibus procemii

 

            Disputatio prior: De essentia et existentia Logicae Questio Ia: An Logica sit et quomodo fuerit juncta, et a quo?

            Notandum est primo: Logicam ita dici a nomine greco logos, quae vox licet multas habet significationes, apud Aristotelem tamen 4 precipuas videtur sortiri: primo enim significat sermonem, seu orationem, ut I. Perili., c. 4, et aliis in locis; secundo, rationem seu argumentationem, ut ait Al. Aphro, in 1. c. I. 1. Priorum, et Burana, ibidem; tertio, definitionem, ut Amonius et fere caeteri interpretantur in Categoriis, maxime c. 1 in definitione univocorum et sequivocorum; quarto, rationem ipsam seu mentem. Quas omnes significationes, pneter secundam, tradit Plato in Tecteto, ad finem.

            Hinc ergo Logicam latine interpretari possumus facultatem sermocinantem, facultatem rationandi vel definiendi, vel quod omnia haec simul munera prestet. Fortasse tamen melius interpretabimur Logicam ita nominatam ab ultima significatione, eoquod sit facultas mentis, id est, quae circa mentis actiones versatur easque dirigit, et agit de iis quae in solo mentis intuitu consistunt. Notandum secundo: ista secundo nomina Logica et dialectica apud authores aliquando rem eandem, aliquando diversam sifgnificare, cum eum logos, a quo Logica dicta fuit, sermonem significet; Logica in quadam lata significatione scientia rationalis, seu sermocinans dici solet, ita ut comprenhendat sub se Grammaticam, Rethoricam, Poesim et Dialecticam, quia omnes illae agunt de vocibus aliquomodo, et similiter de orationibus. Quod si strictius Logica sumatur pro scientia quae agit de operibus rationis, comprehendet etiam sub se Rethoricam et Poesim; illae enim argumenta aliquomodo conficiunt et menti persuadere conantur. Unde a D. Thoma, in Prologo poster, scientiae rationales dicuntur.

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Revu sur l'Autographe conservé à Paris, au Séminaire de Saint-Sulpice. [5]

 

2) Second manuscrit (mars 1586)

 

Quaestio 3 : An Beatitudo præsentis vitae hominis existentis in puris naturalibus consisteret in aliquo bono creato ?

 

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            Et nonnulli philosophi existimarunt nostram faelicitatem consistere in contemplatione scientiarum vel Angelorum, ut refert D. Th., 4. Contra Gentes, c. 54, a qua opinione non videtur multum alienus Plato. Nam in Philebo facit duplex summum bonum: unum simpliciter, quod in se continet omnem rationem boni, qualis est Deus; alterum humanum, in quo videtur ponere nostram beatitudinem, quod definit esse optimam divinorum possessionem ex sapientia constantem et voluptate. Quod ibi ostendit ex eo quod nemo appeteret sapientiam ita [ut] voluptate deberet carere, et nemo appeteret voluptatem ita ut deberet ignorare id ex quo voluptas nascitur; idemque videtur sentire in Phaedos (sic), significans sapientiam per ambrosiam, et voluptatem per necter (sic). In Alcibiade vero, I, faelicitatem in sapientia et probitate videtur ponere; ait enim neminem faelicem dicendum nisi sapientem et bonum, malos autem miseros esse, quia faelicitas in bono est. Et duo esse maxima mala animi docet in Sophista, scilicet, improbitatem et ignorantiam. Verum hanc foelicitatem hujus vitae imperfectam esse censebat Plato, quia, ut ait in Phædone, perfectam beatitudinem nequeunt homines in praesenti vita habere, eo quod animus noster in corpore res a materia omnino separatas non valet comprehendere aut perfecte cognoscere, et multis perturbationibus impeditus sapiens fieri non potest. Nam, ut etiam tradidit Aristoteles, 7. Phis., tit. 20, quiete fimus sapientes.

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            Beatitudo ergo practica nullo modo beatitudo essentialis debet vocari. Quod vero de theoretica beatitudine tradit Aristoteles, eam non solum consistere in contemplatione Dei, sed etiam in contemplatione intelligentiarum, de beatitudine formali debet intelligi, non de [6] objectiva; et adhuc est falsum ioquendo de beatitudine essentiali: non enim nostra foelicitas consistit in cognitione Angelorum, tum quia sunt finitas perfectionis et imperfecta bona, tum quia homo non dependet ab Angelis, nec horum existentiam requirit aut ab illis fit. Reliquum igitur est ut objectum nostrae beatitudinis essentialis, etiam si in puris naturalibus relinqueremur, esset Deus ipseque solus: quod praeter refutationem omnium aliarum sententiarum probatur, quia Deus est primum principium hominis, maxime animi humani; effectus autem maxime perficitur in reditu ad suum primum principium: ergo in hoc consistet maxima hominis perfectio. Praeterea, ratione D. Th., supra, q. 2. a. 8, quia intellectus et voluntas sunt facultates universales, extendunt enim se ad omne verum et ad omne bonum; sed Deus est objectum universalissimum, continens in se omnem bonitatem et veritatem: ergo est objectum harum facultatum quod solum eas valeat satiare, quia reliqua omnia particularia non satiant praedictas facultates. Quod optime significavit S. Aug., I. Confess., c. I: FECISTIS NOS, inquit, DOMINE, AD TE, ET INQUIETUM EST COR NOSTRUM DONEC REVERTATUR AD TE. Videatur D. Th., tertio Contra Gentes, c. 17. et 25, qui idem docet quod tradidimus.

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Et rationes factae universaliter procedunt ostenduntque Deum tantum esse objectum omnis nostrae beatitudinis essentialis, tam hujus vitae quam sequentis, tam naturalis quam supranaturalis.

            Sed contra praedicta objicio: quia beatitudo nostra debet consistere in aliquo bono quod possimus secundum rectam rationem agendo nobis diligere hujusmodi autem non videtur Deus, nam amare Deum propter nostram beatitudinem esset inordinatus amor et contra rectam rationem. Objicio 2°: quia solus Deus non videtur explere appetitum nostrum, illo enim habito adduc (sic) appeteremus alia. Tertio objicio: quia Deus videtur improportionatum objectum nostrae voluntatis et nostri intellectus, Angelus vero videtur magis proportionatum [7] objectum: ergo Angelus potius erit objectum totius beatitudinis.

            Ad primam objectionem, concessa majori, nego minorem: potest enim homo secundum rectam rationem amare Deum sibi ut illo fruatur, idque non est referre Deum ad se, sed potius referre seipsum ad Deum; nam aliter amat sibi homo Deum, aliter sanitatem et alia particularia bona, quia haec ordinat ad seipsum tanquam ad finem, eoquod vel ex natura vel ex Dei ordinatione hae res ipsum habent pro fine; Deum vero non ordinat ad se ut ad finem, sed illum amat ut ultimum finem cui cupit uniri, unde eo amore non se diligit plusquam Deum, cum amet Deum ut ultimum finem. Ad secundam nego antecedens: habito enim Deo essentialiter satiatur appetitus hominis et habet omne bonum, etiam bona extrinseca distinctaque a Deo in radice saltem et fonte; quare non obstat quod homo posset appetere alias perfectiones praeter Deum, quia ille etiam dimanant a Deo et ordinantur ad Deum tanquam ad ultimum finem. Ad tertiam objectionem respondeo: in ratione ultimi finis Deum habere majorem proportionem cum natura humana quam Angelum, ut ostendunt argumenta supra facta, licet in ratione naturae magis conveniat homo cum Angelo quam cum ipso Domino Deo.

 

Questio 4 : In quo actu consistat beatitudo formalis praesentis vitae hominis existentis in puris naturalibus; ubi etiam breviter dicemus in quo consistat essentialiter beatitudo nostra supernaturalis alterius vitae.

 

            Ex praedictis facile resolvemus hanc quaestionem. Nam jam ostendimus debere consistere praesentem beatitudinem in aliquo actu circa Deum, qui tantum poterit esse voluntatis vel intellectus. Quibus positis, respondeo ad quaestionem: beatitudinem hominis in puris naturalibus existentis et in praesenti vita necessario requirere veram Dei cognitionem, amorem et delectationem naturalem; essentialiter tamen solum consistere in actu cognitionis qui habeat suo modo rationem comprehensionis et consecutionis, seu tentionis, ut theologi loquuntur. Unde debet [8] esse cognitio rei amatae et concupitae; quod si aliquis cognosceret Deum non amatum, non esset beatus, quia non esset consecutio; solum enim dicitur aliquis consequi quod volebat, non quod nolebat aut non amabat. Tota haec doctrina est satis communis, et probatur quia beatitudo naturalis consistit in consecutione naturali Dei, ut ex praecedentibus constare debet quatenus est ultimus finis naturae et bonum summe dilectum. Ergo illa beatitudo requirit necessario amorem Dei naturalem et ejusdem cognitionem, ex quibus necesse est ut oriatur magna delectatio. Quod vero essentialiter tantum consisteret in cognitione Dei, probatur quia ita asserit Aristoteles, ut multi interpretantur, 1. Ethic., c. 7, dum aperte tradit beatitudinem consistere in optima operatione optimae potentiae. Docet autem 6. Ethic., intellectum esse optimam potentiam et sapientiam, id est cognitionem divinorum, esse perfectissimam virtutum; idemque potest colligi ex 7. Polit., c. 3, et ex 12. Met., tit. 36, usque ad quadragesimum secundum. Unde Canus, 9° de locis, c. 9, qui oppositum sentit fatetur se asserere contra Aristotelem; licet Scotus, d. 43. 4. q. 3. a. 2, dicat tantum velle Aristotelem locis citatis beatitudinem esse in parte rationali, non tamen determinare an in voluntate vel in intellectu. Eandem nostram doctrinam tenet D. Th., sup., q. 3. a. 5. et 2a 2æ, q. 182. a. 1. Deinde ratione arguitur, quia non consistere essentialiter in delectatione patet ex eo quod delectatio supponit consecutionem ex eaque sequitur et non est precipuum bonum nec per se primo intentum. Amor etiam est quaedam tendentia, non consecutio, in qua tamen essentialiter debet sita esse beatitudo; haec autem volitio in qua beatitudo essentialiter consisteret, esset perfectissima quam homo viribus naturae habere valeret. In qua praeterea tantum essentialiter consistere beatitudinem, probo ex proportione hujus beatitudinis cum supernaturali quam habent Beati in Caelo. Quia supernaturalis beatitudo, secundum communiorem sententiam theologorum et meo judicio veriorem, essentialiter solum consistit in cognitione qua clare Deus a Beatis videtur, ex Jo., c. 17: Haec est vita æterna, [9] ut cognoscant te. Quem locum esse intelligendum de cognitione clara quam habent Beati in patria, exponunt D. Aug., De spiritu et littera, c. 33, et I. De Trinitate, c. 8, et Sermone 112, De Tempore; Hilarius, 3. De Trinitate, circa medio (sic); Rupertus, D. Th., Lyranus et allii in dicta verba, c. 17. S. Laurentius Justinianus, in Fasciculo amoris, c. 26, indicat Innocentius 3, lib. 3 De sacro altaris Misterio, c. 8. et 9. Idem probatur ex Ia Joannis, 3°: Similes ei erimus, quia videbimus eum sicuti est; et Joannis, 14, loquens Christus de prsemio charitatis, inquit: Manifestabo ei meipsum; et c. 17: Ubi ego sum, illic sint mecum, ut videant, etc.; Psal. 16: Satiabor cum apparuerit gloria tua, et 90: Longitudine dierum replebo eum, et ostendam illi salutare meum. Idem docent multi Sancti: ut D. Aug., I De Trinitate, c. 8. 9. 10 et 13; 22 De Civitate, c. 29; De qualitate animæ, c. 25; 2° De libero arbitrio, c. 13; D. Gregorius hoc indicat homil. 10 in Ezechielem, et 2° Dialog., c. 35; D. Hieronimus, Esaiae, 1; D. Bernardus, lib. 5 De Consideratione, et homil. 5. de Assumpsione (sic), et epist. 18; D. Basilius, in Constitutione monast., c. 19; Damascenus, lib. 2 De fide, c. 12, et lib. 4, c. ultimo; Cirillus, lib. 3 Contra Julianum, in initio, ubi affert et exponit ad hoc propositum illud Exodi, 33: Si inveni gratiam coram te, ostende mihi faciem tuam. Videantur aliquae rationes apud D. Th., q. 3. a. 4.

            Ex iis ergo omnibus colligimus essentialiter beatitudinem supernaturalem hominum ut et Angelorum tantum consistere in visione clara Dei, ut est comprehensio, non ita ut comprehensio significet adaequatam cognitionem objecti, sed prout significat tentionem, ut ita dicam, objecti desiderati et sperati, juxta id Canticorum, 3: Tenui illum, neque dimittam.

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Revu sur l'Autographe conservé au Grand-Séminaire de Grenoble. [10]

 

 

 

II. Regles pour la reception de la Sainte Communion ; la Communion Spirituelle, [avant 1586]

 

            Je tascheray par tous moyens de recevoir reveremment le plus souvent que fayre se pourra le tres auguste et tressaint Sacrement de l'autel, me resouvenant qu'il est institué pour la reparation de l'[humeur] radical spirituel de nostre ame, et a iceluy est attribuee la conservation et perseverance de la vie spirituelle militante, [11] jusques a ce qu'on soit en la spirituelle triomphante. Et considereray de pres mon imbecillité et neantise, laquelle j'ay experimenté tant de foys que je n'ay poinct besoin d'autres preuves; et partant je confirmeray souventesfoys mon cœur de ceste sainte viande, selon ce qui est escrit: Panis cor hominis confirmans; Psal. 103.

            2. Que si je ne peux plus souvent, au moins tous les moys je ne failliray poinct, estimant que les douze signes du zodiaque ne m'advisent et signifient autre sinon de me preparer, a fin qu'une foys je puysse arriver la haut, sur cest arc du pont celeste sous lequel le fleuve des mutations de ce monde passe, qui s'appelle vanité. Et communieray encores chaque moys a fin de loüer Dieu de chaque revolution de la lune, et a fin que, par ce nombre d'université, je consacre mon universel aage a Dieu. Et chaque Communion me remettra en memoyre la vie et mort de quelqu'un des bienaymés douze Apostres, et quelqu'un des douze articles de la foy.

            3. Je n'estimeray pas legitime empeschement de ceste sainte devotion toute sorte d'incommodité, mays seulement celle qui sera telle qu'avec icelle on ne puysse communier; sçachant que ce n'est pas grand service celuy que l'on faict seulement quand on en a commodité, par maniere d'inadvertance et occurrence.

            4. Que si je ne puys, par quelque legitime empeschement, aller a la table de Nostre Seigneur et me refectionner de ceste sainte viande quand sera le tems ordinaire, je feray quelque extraordinaire bonne œuvre en contreschange: comme sera quelque effort de prieres, de misericorde tant spirituelle que corporelle, d'austerité, d'humilité et abjection, et autres semblables; imitant en cecy ceux lesquelz en hyver n'ont pas du feu pour se garder du froid, qui s'advisent de fayre d'autant plus d'exercices et mouvemens: ainsy, ne pouvant m'approcher du Saint Sacrement, qui est le feu que Nostre [12] Seigneur vint mettre au monde, je feray d'autant plus d'exercice et mouvement en la vertu, a fin que le froid et vent de bize a quo omne malum panditur, qui est le peché, ne me gele interieurement; et particulierement je feray a la façon des François, qui passent la faim en chantant, car je passeray la faute de ce Pain celeste faysant d'autant plus de prieres.

            Item, je me conforteray en la Communion spirituelle, c'est a dire au desir des Sacremens : comme ceux qu'on nourriroit quelque espace de tems avec l'odeur des choses aromatiques et vaporeuses, m'enivrant a l'odeur seule d'un si puyssant et fort vin qu'est celuy la ; et, ne recevant l'onction, je ne lairray de courir in odorem unguentorum Domini.

 

Revu sur le texte inséré dans le IId Procès de Canonisation. [13]

 

III. Fragments d'ecrits intimes se rapportant a la tentation de desespoir, 1586 ou 1587

 

1) Recueil d'Oraisons jaculatoires tirees des Psaumes

 

            Numquid in æternum obliviscetur misereri Deus, aut continebit in ira sua misericordias suas?

            Exurgat Deus, et dissipentur inimici ejus; et [14] fugiant qui oderunt eum a facie ejus. Sicut deficit fumus, deficiant ; sicut fluit cera a facie ignis, sic pereant dæmonis impetus a facie Dei.

            Deus noster refugium et virtus; adjutor in tribulationibus, quæ invenerunt nos nimis. Propterea non timebimus dum turbabitur terra, et transferentur montes in cor maris.

            Miserere mei, Deus, quoniam conculcavit me inimicus; tota die impugnans, tribulavit me. A fortitudine daemonis timebo; ego vero in te sperabo. Deus, vitam meam annuntiavi tibi; posuisti lachrymas meas in conspectu tuo.

            Laqueum paraverunt pedibus meis, et incurvaverunt animam meam; foderunt ante faciem meam foveam, ut incidam in eam.

            Eripe, Domine, animam meam de morte, et pedes meos de lapsu, ut placeam coram te in lumine viventium.

            Miserere mihi, Deus, miserere mei, quoniam in te confidit anima mea; et in umbra alarum tuarum sperabo, donnec transeat iniquitas. Clamabo ad [15] Deum altissimum, Deum qui benefecit mihi. Mittet de cælo, et liberabit me; dabit in opprobrium conculcantes me. Mittet Deus misericordiam suam et veritatem suam, et eripiet animam meam de medio catulorum leonum; dormiam conturbatus.

            Salvum me fac, Deus, quoniam intraverunt aquæ usque ad animam meam. Infixus sum in limo profundi, et non est subdtantia; veni in altitudinem maris, et tempestas demersit me. Ego vero orationem meam ad te, Domine; tempus beneplaciti Deus. In multitudinem misericordiæ tuæ exaudi me, in veritate salutis tuæ. Eripe me de luto ut non infigar; libera me ab iis qui oderunt me, et de profundis aquarum. Non me demergat tempestas aquæ, neque absorbeat me profundum, neque urgeat super me puteus os suum. Exaudi me, Domine, quoniam benigna est misericordia tua; secundum multitudinem miserationum tuarum respice in me, et ne avertas faciem tuam a puero tuo; quoniam tribulor, velociter exaudi me. Intende animae meae, et libera eam; propter inimicos meos eripe me. [16]

            Ego dixi: Domine, miserere mei, sana animam meam, quia peccavi tibi.

            Deus, in adjutorium meum intende; Domine ad adjuvandum me festina. Confundantur et revereantur qui qucerunt animam meam. Ego vero egenus et pauper sum; Deus, adjuva me. Adjutor meus et liberator meus es tu; Domine, ne moreris.

            Ne tradas bestiis animam confitentem tibi, et animam pauperis tui ne obliviscaris in finem. Usquequo, Deus, improperabit inimicus, et irritabit adversarius nomen tuum in finem?

            Da nobis, Domine, auxilium de tribulatione, quia vana salus hominis. In Deo faciemus virtutem, et ipse ad nihilum deducet tribulantes nos.

            Nonne Deo subjecta erit anima mea? ab ipso enim salutare meum. Nam et ipse Deus meus, et salutaris meus; susceptor meus, non movebor amplius. Verumtamen Deo subjecta esto, anima mea; quoniam ab ipso patientia mea. Quia ipse Deus meus, et salvator meus; adjutor meus, non emigrabo. In Deo salutare [17] meum, et gloria mea; Deus auxilii mei, et spes mea in Deo est. In te, Domine, speravi; non confundar in æternum.

 

Revu sur le texte inséré dans le IId Proces de Canonisation.

 

 

 

            Dieu oubliera-t-il d'avoir pitié? ou retirera-t-il, dans sa colère, ses miséricordes?

            Que Dieu se lève et que ses ennemis soient dissipés; et que ceux qui le [14] haïssent fuient devant sa face. Comme s'évanouit la fumée, qu'ils s'évanouissent; comme la cire fond à la face du feu, qu'ainsi périssent les assauts du démon à la face de Dieu.

            Dieu est notre refuge et notre force, notre aide dans les tribulations qui nous ont assailli très violemment. C'est pour cela que nous ne craindrons pas, tandis que la terre sera bouleversée et que des montagnes seront transportées au cœur des mers.

            Ayez pitié de moi, ô Dieu, parce que l'ennemi m'a foulé aux pieds; tout le jour m'attaquant, il m'a tourmenté. Contre la puissance du démon, je craindrai; mais j'espérai en vous. O Dieu, je vous ai exposé ma vie; vous avez mis mes larmes en votre présence.

            Ils ont préparé un lacs pour mes pieds et ils ont courbé mon âme; ils ont creusé devant ma face une fosse, afin que j'y tombe.

            Arrachez, Seigneur, mon âme à la mort et mes pieds à la chute, afin que je me rende agréable devant vous dans la lumière des vivants.

            Ayez pitié de moi, ô Dieu, ayez pitié de moi parce que mon âme s'est confiée en vous; et à l'ombre de vos ailes, j'espérerai jusqu'à ce que l'iniquité soit passée. Je crierai au Dieu très-haut, au Dieu qui m'a fait [15] du bien. Il enverra du ciel et il me délivrera; il donnera en opprobre ceux qui me foulaient aux pieds. Dieu enverra sa miséricorde et sa vérité et il arrachera mon âme du milieu des petits des lions; j'ai dormi tout troublé.

            Sauvez-moi, ô Dieu, parce que les eaux sont entrées dans mon âme. Je suis enfoncé dans une boue profonde et sans consistance; je suis venu dans la profondeur de la mer, et une tempête m'a submergé. Pour moi, je vous adresse ma prière, Seigneur; c'est le temps de votre bienveillance, ô Dieu. Selon la grandeur de votre miséricorde, exaucez-moi, selon la vérité de votre salut. Retirez-moi de la fange afin que je n'y demeure pas enfoncé; délivrez-moi de ceux qui me haïssent, et du fond des eaux. Qu'une tempête d'eau ne me submerge pas, qu'un abîme ne m'engloutisse pas, qu'un puits ne referme pas sa bouche sur moi. Exaucez-moi, Seigneur, parce que votre miséricorde est bienfaisante; selon la multitude de vos bontés, jetez un regard sur moi et ne détournez pas votre face de votre serviteur; parce que je suis tourmenté, exaucez-moi promptement. Approchez-vous de mon âme et délivrez-la; à cause de mes ennemis, délivrez-moi. [16]

            Moi j'ai dit: Seigneur, ayez pitié de moi, guérissez mon âme parce que j'ai péché contre vous.

            O Dieu, songez à me secourir; Seigneur, hâtez-vous de me venir en aide. Qu'ils soient confondus et qu'ils soient couverts de honte, ceux qui cherchent mon âme. Pour moi, je suis indigent et pauvre; ô Dieu, aidez-moi. C'est vous qui êtes mon aide et mon libérateur; Seigneur, ne tardez pas.

            Ne livrez pas aux bêtes féroces mon âme qui vous loue; et l'âme de votre pauvre serviteur, ne l'oubliez pas à jamais. Jusques à quand, ô Dieu, l'ennemi se livrera-t-il à l'outrage? et mon adversaire irritera-t-il toujours votre nom?

            Donnez-nous, Seigneur, du secours pour nous retirer de la tribulation, parce que vain est le salut de l'homme. En Dieu nous ferons preuve de valeur, et lui-même réduira au néant ceux qui nous tourmentent.

            Est-ce que mon âme ne sera pas soumise à Dieu? car c'est de lui-même que vient mon salut, car lui-même est mon Dieu et mon Sauveur; mon soutien, je ne serai plus ébranlé. Cependant, sois soumise à Dieu, ô mon âme, puisque de lui vient ma patience. Parce que lui-même est mon Dieu et mon sauveur; mon aide, je n'émigrerai pas. En Dieu est mon [17] salut et ma gloire: il est le Dieu de mon secours, et mon espérance est en Dieu. C'est en vous, Seigneur, que j'ai espéré; je ne serai pas confondu a jamais.

 

 

 

2) Aspirations et Prieres

 

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            Moy, miserable, helas! seray je donques privé de la grace de Celuy qui m'a faict gouster si souefvement ses douceurs, et qui s'est monstré à moy si aymable ? O Amour! o Charité ! o Beauté a laquelle j'ay voué toutes mes affections, hé, je ne jouyray donques plus de vos delices, et je ne seray plus enyvré de l'abondance de vostre mayson, et vous ne m'abbreuveres plus du torrent de vostre volupté ? O les bienaymés tabernacles du Dieu des vertus, hé donques, je ne passeray jamais au lieu de ce tabernacle admirable, jusques en la mayson de Dieu?

            O Vierge, aggreable entre les filles de Hierusalem, des delices de laquelle l'enfer ne peut estre resjouy, hé, je ne vous verray donques jamais au royaume de vostre Filz, belle comme la lune et esleuë comme le soleil?

            Et jamais donques je ne seray faict participant de cest immense benefice de la Redemption?... Et mon doux Jesus n'est il pas mort aussi bien pour moy que pour les [18] autres?... Ah! quoy qu'il en soit, Seigneur, pour le moins que je vous ayme en ceste vie, si je ne puis vous aymer en l'eternelle, puysque personne ne vous loüe en enfer.

 

 

 

3) Acte d'abandon heroique (Inédit)

 

            Quidquid sit, o Domine, in cujus manu cuncta sunt posita et cujus omnes viæ justitia et veritas; quidquid de illo æterno prædestinationis ac reprobationis arcana cujus judicia abyssus multa circa me statutum a te fuerit, qui semper es justus Judex et misericors Pater, diligam te, Domine, saltem in hac vita, si diligere non dabitur in aeterna; et saltem, te hic amabo, o Deus meus, et in [19] misericordia tua semper sperabo, et semper adjiciam super omnem laudem tuam, quidquid in oppositum angelus Satanæ suggerere non desinat. O Domine Jesu, tu eris semper spes mea et salus mea in terra viventium. Si meis exigentibus meritis maledictus de maledictorum numero sum futurus qui faciem tuam suavissimam non videbunt, da mihi saltem ut ex numero eorum non sim qui maledicent nomini sancto tuo.

 

Revu sur le texte inséré dans le IId Proces de Canonisation. [20]

 

 

 

            Quoi qu'il arrive, Seigneur, vous qui tenez tout dans votre main, et dont toutes les voies sont justice et vérité; quoi que vous ayez arrêté à mon égard au sujet de cet éternel secret de prédestination et de réprobation; vous dont les jugements sont un profond abîme, vous qui êtes toujours juste Juge et Père miséricordieux, je vous aimerai, Seigneur, au moins en cette vie, s'il ne m'est pas [19] donné de vous aimer dans la vie éternelle ; au moins je vous aimerai ici, ô mon Dieu, et j'espérerai toujours en votre miséricorde, et toujours je répéterai toute votre louange, malgré tout ce que l'ange de Satan ne cesse de m'inspirer là-contre. O Seigneur Jésus, vous serez toujours mon espérance et mon salut dans la terre des vivants. Si, parce que je le mérite nécessairement, je dois être maudit parmi les maudits qui ne verront pas votre très doux visage, accordez-moi au moins de n'être pas de ceux qui maudiront votre saint nom. [20]

 

B) Période d'études a Padoue (novembre 1588-janvier 1592)

 

IV. Exercices spirituels 1590

 

 

1) Exercice de la preparation

 

            Je prefereray tousjours a toute autre chose l'Exercice de la Preparation, et je le feray au moins une foys le jour, c'est a sçavoir le matin; que s'il se presente quelque occasion extraordinaire, je m'en serviray particulierement et la prendray pour sujet de ce mien Exercice. Et pour [21] ce que la Preparation est comme un fourrier a toutes nos actions, je m'y occuperay selon la diversité des occurrences et tascheray, par le moyen d'icelle, de me disposer a bien et loüablement traitter et prattiquer mes affayres.

            La premiere partie de cest Exercice est l'invocation; partant, reconnoissant que je suis exposé a une infinité de dangers, j'invoqueray l'assistance de mon Dieu et diray: Domine, nisi custodieris animam meam, frustra [22] vigilat qui custodit eam; Seigneur, si vous n'aves soin de mon ame, c'est en vain qu'un autre en aura du soin. De plus, reconnoissant que la conversation m'a autresfoys faict tomber en beaucoup d'imperfections et de manquemens, je m'escrieray: Sœpe expugnaverunt me a juventute mea, dicat nunc anima mea; O mon ame, dites hardiment: des mon bas aage on m'a grandement et fort souvent persecutee. Et de plus: Domine, esto mihi in Deum protectorem, et in domum refugii, ut salvum me facias; O mon Dieu, soyes mon protecteur, soyes moy lieu de refuge, sauves moy des embusches de mes ennemis. Domine, si vis, potes me mundare; Seigneur, pourveu que vous le voulies, vous me pouves rendre net. En somme, je le prieray de me fayre digne de passer la journëe sans l'offencer; a quoy servira ce qui est escrit au Psalme cent quarante troysiesme: Notam fac mihi viam in qua ambulem, quia ad te levavi animam meam. Eripe me de inimicis meis, Domine, ad te confugi; doce me facere voluntatem tuam, quia Deus meus es tu. Spiritus tuus bonus deducet me in terrant rectam; propter nomen tuum, Domine, vivificabis me in æquitate tua. J'ay eslevé mon cœur a vous; pour cest effect, delivres moy, o mon Dieu, de mes adversaires; apprenes moy a fayre vostre volonté, puysque vous estes mon bon Dieu; vostre bon esprit me conduira par la main au bon chemin, et vostre divine Majesté me donnera la vraÿe vie par son indicible amour et par son immense charité.

            La seconde partie est l'imagination, qui n'est autre chose qu'une prevoyance ou conjecture de tout ce qui [23] peut arriver le long de la journée. Donques, je penseray serieusement aux incidens qui me pourront survenir, aux compaignies ou, possible, je seray contrainct de me trouver, aux affayres qui peut estre se presenteront, aux lieux ou je seray sollicité de me transporter; et ainsy, avec la grace de Nostre Seigneur, j'iray sagement et prudemment au devant des difficultés et des occasions dangereuses qui me pourroyent surprendre et prendre.

            La troysiesme partie est la disposition. C'est pourquoy, apres avoir discrettement conjecturé les divers labirinthes ou aysement je m'esgarerois et courrois risque de me perdre, je considereray diligemment et rechercheray les meilleurs moyens pour esviter les mauvais pas; je disposeray aussy et ordonneray a part moy de ce qu'il me conviendra fayre, de l'ordre et de la façon qu'il faudra observer en telz et telz negoces, de ce que je diray en compaignie, de la contenance que je tiendray, de ce que je fuyray ou rechercheray.

            La quattriesme partie est la resolution, en suitte dequoy je feray un ferme propos de ne jamais plus offencer Dieu, et specialement en ceste presente journee. Pour [24] ceste fin je me serviray des parolles du Prophete royal David: Nonne Deo subjecta eris, anima mea? ab ipso enim salutare meum; eh bien, mon ame, n'obeyres vous pas de bon cœur aux saintes volontés de Dieu, veu que de luy depend vostre salut? Ah, que c'est une grande lascheté de se laisser persuader et conduire a mal fayre, contre l'amour et desir du Createur, par crainte, amour, desir et hayne des creatures, quelles qu'elles soyent! Certainement, ce Seigneur d'infinie majesté estant reconneu de nous digne de tout honneur et service, ne peut estre mesprisé qu'a faute de courage. A quel propos contrevenir a ses equitables loix pour eviter les dommages du cors, des biens et de l’honneur ? Que nous peuvent fayre les creatures? Or sus, consolons nous et fortifions nous tout ensemble, sur ce beau verset du Psalmiste: Dominus regnavit, irascantur populi; qui sedet super Cherubim, moveatur terra; Que les meschans facent du pis qu'ilz pourront contre moy, le Seigneur est puyssant pour les tous royalement subjuguer; que le monde gronde tant qu'il voudra contre moy seulement, il ne m'en chaut, puysque Celuy qui domine sur tous les Espritz angeliques est mon protecteur.

            La cinquiesme partie est la recommandation; voyla pourquoy je me remettray, et tout ce qui depend de moy, entre les mains de l'eternelle Bonté et la supplieray de m'avoir tousjours pour recommandé. Je luy laisseray [25] absolument le soin de ce que je suys et de ce qu'il veut que je sois ; je diray de tout mon cœur: Unam petii a te, Domine Jesu, hanc requiram, ut faciam voluntatem tuam omnibus diebus vitae meœ; Je vous ay demandé une chose, o Jesus, mon Seigneur, et derechef je vous la redemanderay: a sçavoir, que j'accomplisse, fidelement vostre amoureuse volonté tous les jours de ma pauvre et chetifve vie. In manus tuas, Domine commendo spiritum meum; Je vous recommande, o benin Seigneur, mon ame, mon esprit, mon cœur, ma memoyre, mon entendement et ma volonté; hé, faites qu'avec et en tout cela je vous serve, je vous ayme, je vous playse et honnore a jamais.

 

Revu sur le texte inséré dans le IId Procès de Canonisation. [26]

 

 

 

DE LA PREPARATION

 

            L'Exercice de la Preparation sera preferé tousjours a tous autres, et se doit faire au moins une foys le jour, c'est a sçavoir le matin; et s'il se presente quelque extraordinaire occasion, il sera bon [21] de le fayre particulierement pour icelle. Or, j'appelle Preparation, en cest endroit, un Exercice particulier par lequel on se dispose a bien et loüablement prattiquer, converser et fayre les affayres; et iceluy a plusieurs parties.

            La premiere est l'invocation de Dieu, laquelle se fera connoissant les dangers esquelz journellement nous sommes, qui nous fera dire: Domine, nisi custodieris animam meam, frustra vigilat qui [22] custodit eam. Item, connoissant les péchés et imperfections que la conversation nous a apporté autresfoys, nous pourrons dire: Sœpe expugnaverunt me a juventute mea, dicat nunc anima mea: Domine, esto mihi in Deum protectorem et in domum refugii, ut salvum me facias; Domine, si vis, potes me mundare.

            La seconde: apres avoir ainsy invoqué Dieu et l'ayant prié de nous fayre dignes de passer la journëe sans l'offencer (a quoy [23] pourra encores servir l'orayson «Actiones nostras,» et fort commodement les versetz du Psalme 142: Notam fac mihi viam in qua ambulem; Eripe me; Spiritus tuus bonus), alhors l'on fera l'imagination, ou prevoyante conjecture, se representant et discourant sur ce qu'en toute la journee nous pourrons penser nous devoir advenir: c'est a dire, les lieux ou nous nous devons trouver, les compaignies, les affayres que nous devons traitter, allant recherchant ce qui nous pourra survenir.

            La troysiesme sera l'advis et disposition providente, c'est a dire la diligence que nous prendrons a considerer quel meilleur moyen, ordre et façon nous pourrons tenir a fayre ce que nous penserons devoir fayre, disposant ce que nous pourrons dire, quelle contenance tenir, quoy fuyr, quoy chercher.

            La quattriesme sera la discretion et separation, par laquelle, de tout ce qui se pourra presenter a fayre, nous rejetterons ce qui [24] est contre l'honneur de Dieu et la charité du prochain, ce qui est scandaleux et vituperable.

            La cinquiesme sera la resolution et ferme propos de ne jamais offencer Dieu, et particulierement en toute ceste journee, disant a bon escient a l'ame: Nonne Deo subjecta eris, anima mea? ab ipso enim salutare tuum ; et pensant combien c'est grande lascheté, par crainte, amour, desir et hayne des creatures, quelles qu'elles soyent, se laisser persuader et conduire a mal fayre, contre l'amour et desir du Createur, lequel, estant reconneu pour digne de tout service, ne peut estre mesprisé que par faute de courage de resister [25] au mal du cors et de l'honneur que nous peut fayre la creature. Et a ce propos, faudra dire: Dominus regnavit, irascantur populi; qui sedet super Cherubim, moveatur terra.

            Sixiesmement: apres il faudra recommander tout l'affayre a Dieu, disant: Unam petii a te, Domine Jesu, hanc requiram, ut faciam voluntatem tuam omnibus diebus vitae meœ. In manus tuas, Domine, commendo, etc.

            Or, quant a la Preparation, estant icelle comme un fourrier a toutes actions, il la faudra fayre selon la diversité des occurrences, principalement selon les poinctz qui s'ensuyvent, esquelz est traitté de ce qui se doit observer. [26]

 

 

 

2) Conduite particuliere pour bien passer la journee

 

            Premier article. — Le matin, aussy tost que je seray esveillé, je rendray graces a mon Dieu avec ces parolles du Psalmiste royal David : In matutinis meditabor in te, quia fuisti adjutor meus; c'est a dire: Des l'aube du jour vous seres le sujet de ma meditation, d'autant que vous aves esté ma sauvegarde. Par apres, je penseray a quelque sacré mistere, signamment a la devotion des pasteurs qui vindrent sur le lever de l'aurore adorer le divin Poupon; a l'apparition qu'il fit a Nostre Dame, sa douce Mere, le jour de sa triomphante resurrection, et a la diligence des Maries, lesquelles, esmeües de pieté, se leverent de bon matin pour honnorer le sepulchre du vray Dieu de la vie, trespassé. En suitte dequoy je considereray que nostre amoureux Sauveur est la lumiere des Gentilz et la lumiere qui dissipe les tenebres du peché; sur quoy, faysant une sainte resolution pour toute la journee, je chanteray avec David: Mane adstabo tibi et videbo, quoniam non Deus volens iniquitatem tu es; Je me leveray de bonne heure, et me mettant en vostre presence, je considereray que vous estes le Dieu auquel desplait l'iniquité; partant je la fuyray de tout mon possible, comme chose souverainement desaggreable a vostre infinie Majesté.

            Second article. — Je ne manqueray tous les jours [27] d'oüyr la sainte Messe, et a fin d'assister convenablement a cest ineffable mistere, j'inviteray les facultés de mon ame d'y faire leur devoir, avec cest excellent verset: Venite et videte opera Domini quœ posuit prodigia super terram; Venes voir les œuvres du Seigneur, venes admirer les merveilles qu'il daigne fayre en nostre terre. Transeamus usque Bethlehem, et videamus hoc Mot quod factum est, quod Dominus ostendit nobis; Allons a l'eglise, car c'est la ou l'on faict le pain supersubstantiel avec les saintes parolles que Dieu a mises en la bouche des prestres pour nostre consolation.

            Troysiesme article. — Comme le cors a besoin de prendre son sommeil pour delasser et soulager ses membres travaillés, de mesme est il necessaire que l'ame ayt quelque tems pour sommeiller et se reposer entre les chastes bras de son celeste Espoux, a fin de restaurer par ce moyen les forces et la vigueur de ses puyssances spirituelles, aucunement recreües et fatiguëes; partant je destineray tous les jours certain tems pour ce sacré sommeil, a ce que mon ame, a l'imitation du bienaymé Disciple, dorme en toute asseurance sur l'amiable poitrine, voire dans le cœur amoureux de l'amoureux Sauveur. Or, tout ainsy que par le sommeil corporel toutes les operations corporelles se resserrent tellement dans le cors qu'elles ne s'estendent rien pour tout au dela [28] d'iceluy, aussy donneray je ordre que mon ame, en ce tems la, se retire tout a faict en soy mesme, et qu'elle ne face autre fonction que de ce qui luy touchera et appartiendra, obeyssant humblement au dire du Prophete: Surgite postquam sederitis, qui manducatis panem doloris ; O vous qui manges volontier le pain de douleur, ou en la doleance de vos fautes, ou en la condoleance de celles du prochain, ne vous leves pas, n'alles pas aux occupations exterieures de ce siecle laborieux, que vous ne vous soyes au prealable suffisamment reposés en la contemplation des choses eternelles.

            Quatriesme article. — Que si, comme il advient souvent, je ne puis trouver autre heure pour ce repos spirituel, a tout le moins desrobberay je une partie du repos corporel pour l'employer fidellement en un si vigilant sommeil. Voyci donques comme je feray: ou je veilleray, mesmement dans le lict, quelque peu apres les autres, si autrement je ne puis fayre, ou je m'esveilleray apres le premier sommeil, ou bien le matin je me leveray devant les autres, et me resouviendray de ce que Nostre Seigneur a dict a ce propos: Vigilate et orate, ne intretis in tentationem; Veilles et faites orayson, de peur que vous ne soyes vaincuz par la tentation. [29]

            Cinquiesme article. — Si Dieu me faict la grace de m'esveiller parmy la nuict, je resveilleray incontinent mon cœur avec ces parolles: Media nocte clamor factus est: Ecce Sponsus venit, exite obviant ei; Sur la minuict, on a crié: Voyla l'Espoux qui vient, alles au devant de luy. Puys, par la consideration des tenebres exterieures entrant dans la consideration de celles de mon ame et de tous les pecheurs, je formeray ceste priere: Illuminare his qui in tenebris et in umbra mortis sedent, ad dirigendos pedes nostros in viam pacis; Hé, Seigneur, puysque les entrailles de vostre misericorde vous ont faict descendre du Ciel en terre pour nous venir visiter, de grace, illumines ceux qui gisent estenduz de leur long dans les tenebres d'ignorance et dans l'ombre de la mort eternelle, qui est le peché mortel; conduises les aussy, s'il vous plaist, au chemin de la paix interieure. Je tascheray encores de m'exciter, prononçant ces parolles du saint Prophete Roy: In noctibus extollite manus vestras in sancta, et benedicite Dominum; Esleves et estendes de nuict vos mains vers le Ciel, et benisses le Seigneur. Je mettray peyne d'effectuer son commandement: Quae dicitis in cordibus vestris, in cubilibus vestris compungimini; Ayes repentance, mesme dans le lict, des pechés que vous commettes avec la seule pensee: ce que pour deüement accomplir, a l'imitation de cest harmonieux cygne penitent, lachrimis meis stratum meum rigabo; je baigneray ma couche de mes larmes.

            Sixiesme article. — Parfoys je me retourneray a [30] mon Dieu, mon Sauveur, et luy diray: Ecce non dormitabit neque dormiet, qui custodit Israel; Non, vous ne dormes ny ne sommeilles poinct, o vous qui gardes l'Israel de nos ames. «Dum medium silentium tenerent omnia, et nox in suo cursu medium iter haberet, omnipotens Sermo tuus, Domine, a regalibus sedibus venit.» Les plus sombres tenebres de la minuict ne peuvent donner aucun obstacle a vos divins effectz; à ceste heure la, vous naquistes de la Vierge sacree vostre Mere, a ceste heure la aussy vous pouves fayre naistre vos celestes graces dans nos ames et nous combler de vos plus cheres faveurs. Ah! Redempteur pitoyable, illumina oculos meos ne unquam obdormiam in morte; nequando dicat inimicus meus: Prœvalui adversus eum. Illumines tellement mon pauvre aveuglé cœur des beaux rayons de vostre grace, que jamais il ne s'arreste en façon quelcomque en la mort du peché; hé, ne permettes pas, je vous prie, que mes ennemis invisibles puissent dire: Nous avons eu barre dessus luy. En fin, apres avoir consideré les tenebres et les imperfections de mon ame, je pourray dire les parolles qui sont en Esaïe: Custos, quid de nocte? custos, quid de nocte? c'est a dire : O surveillant, surveillant, reste il encores beaucoup de la nuict de nos imperfections? Et j'entendray qu'il me respondra: Venit mane et nox, le matin des bonnes inspirations est venu; pourquoy est ce que tu aymes plus les tenebres que la lumiere?

            Septiesme article. — D'autant que les nocturnes [31] frayeurs ont accoustumé d'empescher telles devotions, si par fortune je m'en sentois saysy, je m'en deslivreray avec la consideration de mon bon Ange gardien, disant: Dominus a dextris est mihi, ne commovear; Mon Seigneur est a mon costé droict a fin que je ne craigne de rien; ce qu'aucuns docteurs ont expliqué du bon Ange. Je me souviendray encores de ce verset: Scuto circumdabit te veritas ejus, non timebis a timore nocturno; L'escu de la foy et ferme confiance en Dieu me couvrira, c'est pourquoy je ne dois avoir peur de chose quelcomque. D'abondant, je me serviray de ces saintes parolles de David: Dominus illuminatio mea et salus mea, quem timebo? qui est autant que si on disoit: Le soleil ny ses rayons ne sont pas ma lumiere principale, ny la compaignie ne me sauve pas, [32] mays Dieu seul, lequel m'est aussy propice la nuict comme le jour.

 

 

 

            1. Tous les jours je ne failliray d'oüyr Messe tant que je pourray, disant a mes autres occupations et encores a mes compaignons: Venite et videte quae posuit Dominus prodigia super terram. Transeamus usque Bethlehem, et videamus Mot quod factum est nobis a Domino ; c'est a dire: Allons a l'eglise, la ou on faict ce pain substantiel avec ces divines parolles que Dieu a donné en la bouche des prestres pour nostre consolation.

            2. Item: comme le cors a besoin de son sommeil pour delasser [27] et soulager les membres travaillés, aussy prendray je tous les jours quelque tems pour le repos et sommeil de mon ame, a fin que si, comme par le sommeil corporel toutes les operations corporelles se resserrent dans le cors, ne s'estendant rien plus loin qu'iceluy, ainsy en ce tems la, l'ame estant retirëe en soy mesme, ne face autre operation que de ce qui luy touche et appartient, obeyssant au dire du Prophete: Surgite postquam sederitis.

            3. Que si, comme il advient souvent, je ne puys trouver autre heure pour ce repos spirituel, je desrobberay quelque partie du repos corporel, veillant (mesme dans le lict, si autrement on [28] ne peut) quelque peu apres les autres, ou s'esveillant apres le premier sommeil, ou bien le matin avant les autres, me resouvenant a ce propos de ce que disoit Nostre Seigneur: Vigilate et orate, ne intretis in tentationem.

            4. Mays si je me puys esveiller parmy la nuict, je m'exciteray avec ces parolles: Media nocte clamor factus est: Ecce Sponsus venit, exite obviam ei; dressant ces parolles a mon ame. Et puys, par la consideration des tenebres exterieures venant a considerer les interieures de mon ame premierement, puys celles de tous les pecheurs, je crieray en l'amertume de mon cœur: Illuminare his qui in tenebris et in umbra mortis sedent, ad dirigendos pedes nostros; obeyssant en cela au Prophete qui dict: Et in cubilibus vestris [29] compungimini; In noctibus extollite manus vestras in sancta, et benedicite Dominum; lachrimis meis stratum meum rigabo.

            5. Ou bien je m'exciteray disant: «Dum medium silentium» cuncta teneret, «omnipotens Sermo tuus, Domine,» factus est. Illumina oculos meos ne unquam obdormiam, etc.; ou disant: Et tenebræ factæ sunt super universam terram; et inclinato capite, Jesus tradidit spiritum. [30]

            6. Parfoys encores, me retournant a mon Dieu, mon Sauveur, lequel ne dort point ni ne sommeille gardant l'Israel de nos ames, apres avoir consideré les tenebres de l'imperfection de mon cœur, je pourray dire les parolles qui sont en Esaïe: Custos, quid de nocte? custos, quid de nocte? Et j'entendray quil me dira : Venit mane et nox; c'est a dire, le matin de mes inspirations et de ma grace est venu; pourquoy est ce que tu aymes mieux les tenebres que la lumiere?

            7. Le matin, m'esveillant, je pourray remercier Dieu avec ces parolles: In matutinis meditabor in te, quia fuisti adjutor meus. Et puys, penser a quelque saint mistere, signamment a l'apparition [31] que fit Nostre Seigneur a Nostre Dame apres sa resurrection, et a la diligence des Maries qui se levoyent orto jam sole; puys aux pasteurs qui vindrent la mattinëe adorer l'Enfant. Et lhors, considerant que Nostre Seigneur est la lumiere pour revelation des Gentilz et la lumiere qui destruit les tenebres de peché, faysant resolution pour toute la journëe, m'imaginant d'assister a quelqu'un des saintz misteres, je diray avec devotion et crainte: Mane adstabo tibi et videbo, quoniam [non] Deus volens iniquitatem tu es, a fin que, considerant que le peché desplaist a ce grand Dieu, je me garde la journëe d'en fayre.

            8. D'autant que les frayeurs nocturnes ont accoustumé d'empescher les exercices, si par fortune je m'en sentois saysy, je m'en deslivreray avec la consideration de mon bon Ange protecteur, disant: Dominus a dextris meis, ne commovear, qu'aucuns docteurs ont entendu de l'Ange; et considereray encores que scuto circumdabit me veritas ejus, nec timere debeo a timore nocturno (90 Ps.), qui est l'escu de la foy et confiance. Dominus illuminatio mea et salus mea, quem timebo? comme disant: Le soleil [32] ny ses rayons ne sont pas ma lumiere principale, ny la compaignie ne me sauve pas, mays Dieu seul, qui m'est aussy propice la nuict comme le jour.

            L'Exercice quant au tems.

 

 

 

3) Exercice du sommeil ou repos spirituel

 

            Premierement: ayant pris le tems commode pour ce sacré repos, avant toute autre chose je tascheray a raffraischir ma memoyre de tous les bons mouvemens, desirs, affections, resolutions, projetz, sentimens et douceurs qu'autresfoys la divine Majesté m'a inspiré et faict experimenter en la consideration de ses saintz misteres, de la beauté de la vertu, de la noblesse de son service et d'une infinité de benefices qu'elle m'a tres liberalement departi; je mettray ordre aussy a me ramentevoir de l'obligation que je luy ay de ce que, par sa sainte grace, elle a quelquefoys debilité mes sens en m'envoyant certaines maladies et infirmités lesquelles m'ont grandement prouffité. Apres cela je conforteray et confirmeray le plus qu'il me sera possible ma volonté au bien et au propos de ne jamais offencer mon Createur. [33]

            Secondement: cela faict, je me reposeray tout bellement en la consideration de la vanité des grandeurs, des richesses, des honneurs, des commoditées et des voluptés de ce monde immonde; je m'arresteray a voir le peu de durëe qui est en ces choses la, leur incertitude, leur fin, et l'incompossibilité qu'elles ont avec les vrays et solides contentemens; en suitte dequoy mon cœur les desdaignera, les mesprisera, les aura en horreur et dira: Alles, alles, o diaboliques appas, retires vous loin de moy, cherches fortune ailleurs; je ne veux poinct de vous, puysque les plaisirs que vous promettes appartiennent aussy bien aux folz et abominables qu'aux hommes sages et vertueux.

            Troysiesmement: je me reposeray tout doucement en la consideration de la laydeur, de l'abjection et de la deplorable misere qui se retrouve au vice et au peché, et aux miserables ames qui en sont obsedëes et possedëes; puys je diray, sans me troubler et inquieter aucunement: Le vice, le peché est chose indigne d'une personne bien nëe et qui faict profession de merite, jamais il n'apporte contentement qui soit veritablement solide, ains seulement en imagination; mais quelles espines, quelz scrupules, quelz regretz, quelles amertumes, quelles inquietudes et quelz supplices ne traisne il quant et soy! Voire, et quand tout cela ne seroit pas, ne nous doit il pas suffire qu'il est desaggreable a Dieu? Oh, cela doit estre plus que suffisant pour le nous faire detester a toute outrance.

            Quatriesmement: je sommeilleray souëfvement en la connoissance de l'excellence de la vertu; vertu qui est si belle, si gratieuse, si noble, si genereuse, si attrayante, si puyssante. C'est elle qui rend l'homme interieurement, et encor exterieurement, beau; elle le rend incomparablement aggreable a son Createur; elle luy sied extremement [34] bien, comme propre qu'elle luy est. Mays quelles consolations, quelles delices, quelz honnestes playsirs ne luy donne elle pas en tout tems! Ah, c'est la chrestienne vertu qui le sanctifie, qui le change en ange, qui en faict un petit dieu, qui luy donne des icy bas le Paradis.

            Cinquiesmement: je m'arresteray en l'admiration de la beauté de la rayson que Dieu a donné a l'homme, a fin qu'esclairé et enseigné par sa merveilleuse splendeur, il haïsse le vice et ayme la vertu. Hé, que ne suyvons nous la lumiere brillante de ce divin flambeau, puysque l'usage nous en est donné pour voir ou nous devons mettre le pied! Ah! si nous nous layssions conduire au dictamen d'icelle, rarement chopperions nous, difficilement ferions nous jamais mal.

            Sixiesmement: je peseray attentivement la rigueur de la divine Justice laquelle, sans doute, ne pardonnera pas a ceux qui se trouveront avoir abusé des dons de nature et de grace; telles gens doivent concevoir une tres grande apprehension des divins jugemens, de la mort, du Purgatoire et de l'enfer. Je feray en sorte de m'exciter et de resveiller ma paresse, en repetant souvent ces parolles: En morior, quid mihi proderunt primogenita, sive omnia ista? Voyla que tous les jours je m'en vay mourant; dequoy est ce que me serviront les choses presentes et tout ce qui est d'esclattant et de spectable en ce monde? Il vaut beaucoup mieux que je les mesprise courageusement et que, vivant en crainte filiale sous l'observance des commandemens de mon [34] Dieu, j'attende avec accoysement d'esprit les biens de la vie future.

            Septiesmement : je contempleray, en ce repos, la sapience infinie, la toute puyssance et l'incomprehensible bonté de mon Dieu, et particulierement je m'occuperay a voir comme quoy ses beaux attributz reluisent aux sacrés misteres de la vie, mort et passion de Nostre Seigneur Jesus Christ, en la tres eminente sainteté de Nostre Dame la bienheureuse Vierge Marie, et aux imitables perfections des fidelles serviteurs de Dieu. De la, passant jusques dans le Ciel empyree, j'admireray la gloire du Paradis, la felicité perdurable des angeliques Espritz et des ames glorieuses, et combien la tres auguste Trinité se monstre puyssante, sage et bonne aux loyers eternelz dont elle recompense ceste benite trouppe.

            Huictiesmement: finalement, je m'endormiray en l'amour de la seule et unique bonté de mon Dieu; je gousteray, si je puys, ceste immense bonté, non en ses effectz, mays en elle mesme; je boiray ceste eau de vie, non dans les vases ou fioles des creatures, mays en sa propre fontayne; je savoureray combien ceste adorable Majesté est bonne en elle mesme, bonne a elle mesme, bonne pour elle mesme; voire, comme elle est la bonté mesme et comme elle est la toute bonté, et bonté qui est eternelle, intarissable et incomprehensible. O Seigneur, diray je, il n'y a que vous de bon par essence et par [36] nature, vous seul estes necessairement bon; toutes les creatures qui sont bonnes, tant par la bonté naturelle que par la surnaturelle, ne le sont que par participation de vostre aymable bonté.

 

 

 

DE LA MATIERE

 

            Ce que je feray en ce Sommeil et Repos sera de considérer:

            [1.] La bonté de Dieu en quelque mistere chrestien, de la vie de Nostre Seigneur et passion, de Nostre Dame, des Saintz; la gloire du Ciel, la création. [33]

            2. Sa puyssance et toute sagesse en iceux mesmes.

            3. Sa justice en l'enfer, mort, jugement et Purgatoire.

            4. Combien la vertu est digne de l'homme et combien elle le [34] rend beau et aggreable, comme luy estant propre; combien est grande la consolation qu'elle luy donne en tout tems.

            5. Et au contraire, combien le vice est indigne d'un homme bien né et qui faict profession de merite; comme le vice n'apporte jamais contentement solide, mays seulement en imagination.

            6. Combien sont vaynes toutes les grandeurs, richesses, honneurs, commodités et voluptés de ce monde, pour le peu de leur durëe, l'incertitude d'icelles, le bout et terme, l'incompossibilité qu'elles ont avec les vrays et solides contentemens, la participation [35] d'icelles, qui appartient autant aux folz et abominables qu'aux honnestes et vertueux.

            7. Que la beauté de la rayson et usage d'icelle nous est donné a fin que nous la suyvions.

            Item, je tascheray a raffraischir ma memoyre de tous les bons desirs, mouvemens, affections, resolutions et projetz, suavités et douceurs que Dieu m'a inspiré autresfoys en la consideration de ses saintz misteres, de la vertu et de son service, avec tous ses autres benefices, principalement lhors qu'il avoit, de sa grace, debilité les sens par maladies.

            Item, je conforteray et confirmeray le plus quil me sera possible ma volonté au bien et au propos de ne jamais offencer Dieu.

            Et cecy se fera plus briefvement ou longuement, selon la commodité.

 

 

 

4) Regles pour les conversations et rencontres

 

            Premier poinct. — Il y a difference entre rencontre et conversation; car le rencontre se faict fortuitement et par occasion, la ou la conversation est de choix et d'eslection. Au rencontre, la compaignie n'est pas de durëe, on ne s'y familiarise gueres, on ne s'y engage trop d'affection; mays en la conversation on se void souvent, on use de privauté, on s'affectionne aux personnes choysies, on les frequente pour vivre loüablement et s'entretenir ensemblement. [37]

            Second poinct. — Je ne mespriseray jamais ny monstreray signe de fuyr totalement le rencontre de quelque personne que ce soit, d'autant que cela donne bruict d'estre superbe, hautain, severe, arrogant, scindiqueur, ambitieux et contrerolleur. Je me garderay soigneusement, aux rencontres, de fayre le compaignon avec personne, ny mesme avec les familiers, s'il s'en rencontroit quelqu'un parmy le reste de la trouppe; car ceux qui considereront cela l'attribueront a legereté. Je ne me donneray licence de dire ou fayre chose qui ne soit bien reglëe, parce qu'on pourroit dire que je suys un insolent, me layssant transporter trop tost a trop de familiarité. Sur tout je seray soigneux de ne mordre, picquer ou me mocquer d'aucun, veu que c'est une lourdise de penser se mocquer sans hayne de ceux qui n'ont poinct de sujet de nous supporter. J'honnoreray particulierement chacun, j'observeray la modestie, je parleray peu et bon, a fin que la compaignie s'en retourne plustost avec appetit de nostre rencontre qu'avec ennuy. Si le rencontre est brief et que quelqu'un ayt desja pris la parolle, quand je ne dirois autre chose que la salutation, avec une contenance ny austere ny melancholique, ains [38] moderement et honnestement libre, ce ne seroit que le mieux.

            Troysiesme poinct. — Quant a ma conversation, elle sera de peu, de bons et honnorables, d'autant qu'il est malaysé de reuscir avec plusieurs, de n'apprendre de se corrompre avec les mauvais, et d'estre honnoré sinon des personnes honnorables; specialement je garderay, pour le regard du rencontre et de la conversation, ce precepte: Amy de tous et familier a peu. Encores me faudra il par tout exercer le jugement et la prudence, puysqu'il n'y a regle si generale qui n'aye quelquefoys son exception, sinon celle ci, fondement de toute autre: RIEN CONTRE DIEU. Donques, en conversation, je seray modeste sans insolence, libre sans austerité, doux sans affectation, souple sans contradiction, si ce n'est que la rayson le requist; cordial sans dissimulation, parce que les hommes se playsent de connoistre ceux avec lesquelz ilz traittent; toutesfoys il se faut ouvrir plus ou moins, selon que sont les compaignies.

            Quatriesme poinct. — Puysque l'on est souvent quasi [39] contrainct de converser avec personnes de differentes qualités, il faut que je sçache qu'à certains il ne faut monstrer que l'exquis, aux autres que ce qui est bon, aux autres que l'indifferent, mais a personne ce qui est mauvais. Aux superieurs, ou d'aage, ou de profession, ou d'authorité, il ne faut fayre paroystre que ce qui est exquis; aux semblables, que ce qui est bon ; aux inferieurs, que ce qui est indifferent. Quant a ce qui est mauvais, il ne le faut jamais descouvrir a qui que ce soit, d'autant qu'il ne peut qu'offencer les yeux qui le voyent et rendre laid celuy auquel il est. Et de faict, les grans et sages n'admirent que l'exquis; les esgaux l'attribueroyent a affectation et les inferieurs a trop de gravité. Il y a bien certains melancholiques qui se playsent qu'on leur descouvre les vices que l'on a: toutesfoys, c'est a ceux la qu'il les faut davantage cacher, car ayant l'impression plus forte, ilz rumineront et philosopheront dix ans sur la moindre imperfection. Et puys, a quel propos descouvrir les imperfections ? ne les voit on pas asses? ne se descouvrent elles pas asses d'elles mesmes? Il n'est [40] donques nullement expedient de les manifester, mays il est bon de les advoüer et confesser. Or, nonobstant ce que nous avons dict, on peut, conversant avec les superieurs, les esgaux et inferieurs, temperer parfoys l'entretien de ce qui est exquis, bon et indifferent, pourveu que le tout se fasse discrettement. En fin, il se faut accommoder a la diversité des compaignies sans prejudicier neantmoins aucunement a la vertu.

            Cinquiesme poinct. — S'il me convient converser avec personnes insolentes, libres ou melancholiques, j'useray de ceste precaution: aux insolentes, je me cacheray tout a faict; aux libres, pourveu qu'elles soyent craignantes Dieu, je me descouvriray tout a faict, je leur parleray a cœur ouvert; aux sombres et melancholiques, je me monstreray seulement, comme on dict en commun proverbe, de la fenestre: c'est a dire, qu'en partie je me descouvriray a elles, parce qu'elles sont curieuses de voir les cœurs des hommes, et si on faict trop le rencheri elles [41] entrent incontinent en soupçon; en partie aussy je me cacheray a elles, a cause qu'elles sont sujettes, ainsy que nous avons desja dict, a philosopher et remarquer de trop pres les conditions de ceux qui les frequentent.

            Sixiesme poinct. — Si la necessité me force de converser avec les grans, c'est alhors que je me tiendray soigneusement sur mes gardes, car il faut estre avec eux comme avec le feu : c'est a dire, qu'il est bien bon parfoys de s'en approcher, mais ne faut pas aussy que ce soit de trop pres; partant, je me comporteray en leur presence avec beaucoup de modestie, meslëe neantmoins d'une honneste liberté. Ordinairement, les grans seigneurs se playsent d'estre aymés et respectés. L'amour, certainement, engendre la liberté, et le respect la modestie; il n'y a donques poinct de mal d'estre en leur compaignie un peu libre, pourveu qu'on ne s'oublie poinct du respect, et pourveu que le respect soit plus grand que la liberté. Entre les esgaux, il faut estre esgalement libre et respectueux; avec les inferieurs, il faut estre plus libre que respectueux; mais avec les grans et superieurs, il faut estre beaucoup plus respectueux que libre. [42]

 

 

 

DE LA CONVERSATION

 

Des personnes avec lesquelles il faut faire conversation

 

            Il ne faut jamais mespriser le rencontre de personne, ni monstrer signe de fuyr totalement et rejetter aucun, pource que cela donne bruict de superbe, hautain, severe, arrogant, ambitieux, contrerolleur. Mays il y a difference entre un rencontre et la conversation; car la conversation doit estre d'eslite et de choix, mays le rencontre se faict par fortune et occasion; le rencontre estant une compaignie faicte a cas, sans aucune familiarité, ny affection, ny durëe, et la conversation estant une frequentation, avec familiarité, de personnes choysies, pour loüablement vivre et s'entretenir. [37]

            La conversation donques doit estre de peu, de bons et honnorables, d'autant quil est malaysé de reuscir avec plusieurs, de n'apprendre a se corrompre avec les mauvais, et estre honnoré sinon de personnes honnorables ; gardant en la conversation et rencontre ce qui doit estre gardé en la familiarité et amitié : Amy de tous, familier a peu.

 

De la maniere comme il se faut comporter es rencontres

 

            Le rencontre est une partie de la conversation generale, lequel estant sans familiarité, il se faut garder d'y fayre le compaignon avec personne, ny mesme avec les familiers, s'il s'en rencontroit un parmy le reste du rencontre; car ceux qui le considerent pensent cela estre legereté. [38]

            Estant rare et de peu de durëe, il ne se faut donner licence de dire ny fayre chose qui ne soit bien reglëe; autrement on pourroit dire que celuy qui se laysse transporter en peu de tems en conversation doit estre insolent. Garder sur tout d'y mordre et picquer, ny se mocquer de personne, car c'est vrayement une lourdise de penser se mocquer sans hayne de ceux qui n'ont poinct d'occasion de vous supporter.

            Honnorer particulierement chacun du rencontre, et monstrer grande modestie, et parler peu et bon, a fin qu'il s'en retourne plustost avec appetit de vostre rencontre qu'avec ennuy. Et si le rencontre est brief et quelqu'un autre a pris la parolle, quand on ne diroit autre que la salutation, avec une contenance ny austere ny melancholique, mays modeste et honnestement libre, ce ne sera que le mieux. [39]

Comme il se faut comporter en conversation

 

            Il faut par tout exercer le jugement et la prudence, ne se faysant regle si generale qui ne doive avoir son model d'exception, sinon ceste regle, fondement de toute autre: RIEN CONTRE DIEU. Si est ce que la conversation doit estre modeste, sans aucune insolence; libre, sans austerité; douce et souëfve, sans monstrer affectation ny effort, et souple, sans contredite sans rayson; ouverte et cordiale, d'autant que les hommes se playsent de connoistre ceux avec lesquelz ilz traittent. Mais il se faut ouvrir plus ou moins, selon que sont les compaignies: car aux personnes insolentes ils se faut cacher du tout; aux libres, se monstrer du tout; aux melancholiques et sombres, se monstrer seulement de la fenestre: ausquelz il se faut bien monstrer en partie, d'autant que ceste sorte [40] de gens se playsent de voir les cœurs des hommes, et partant sont volontier soupçonneux; il ne se faut toutesfoys du tout monstrer, d'autant quilz se playsent a philosopher et vont remarquant trop au pres les conditions des hommes.

            Et pour autant qu'il nous faut converser hommes et femmes, superieurs et inferieurs, il est bon de sçavoir qu'a certains il ne faut monstrer que l'exquis, aux autres le bon, aux autres l'indifferent, mais a personne le mauvais. Aux superieurs, ou d'aage, ou de profession, ou d'authorité, l'exquis; aux semblables, le bon; aux femmes et inferieurs, l'indifferent: car les grans et sages n'admirent que l'exquis; les semblables appelleroyent affectation la monstre de l'exquis seulement; les moindres et les femmes se playsent plus en l'indifferent. Non quil ne faille par tout mesler l'exquis, le bon et l'indifferent, mays pour autant quil faut s'accommoder a le mesler selon la diversité des personnes.

            Mays quant au mauvais, il ne le faut jamais monstrer, pour familier qu'on soit, d'autant quil ne peut qu'offencer les yeux qui le voyent et rendre laid celuy auquel il est. Il y a certains melancholiques [41] qui se playsent qu'on leur descouvre les vices qu'on a; mays c'est a ceux qu'il les faut plus cacher, car ilz ont l'impression plus forte, et rumineront dix ans la moindre imperfection. Quant aux imperfections, on n'a que fayre de les descouvrir, car on les descouvre tousjours asses, mays il est bon de les confesser.

            Avec les grans il faut estre plus modeste, et neantmoins entre-mesler un'honneste liberté; car il faut estre avec eux comme avec le feu, ny trop pres ny trop loin, et si, ilz se playsent de voir qu'on les respecte et ayme: or, le respect engendre modestie et l'amour liberté. Le mesme doit estre avec les esgaux, sinon qu'avec iceux la liberté doit estre esgale avec le respect, comme avec les moindres et femmes elle doit estre plus grande. [42]

 

 

 

5) Communion frequente ; preparation et action de graces [1590]

 

            Premier poinct. — De si loin que je verray une eglise, je la salueray par ce verset de David: Je vous salue, eglise sainte, dont Dieu a mieux aymé les portes que tous les tabernacles de Jacob. De la, je passeray a la consideration de l'ancien Temple, et compareray combien est plus auguste la moindre de toutes nos eglises que n'estoit le Temple de Salomon, parce que, sur nos autelz, le vray Aigneau de Dieu est offert en hostie pacifique pour nos pechés. Si je ne peux entrer dans l'eglise, j'adoreray de loin le tressaint Sacrement, mesme par quelque acte exterieur, ostant mon chapeau et fleschissant le genou, si l'eglise est proche, sans me soucier qu'en diront mes compaignons.

            Second poinct. — Je communieray le plus souvent que je pourray, par l'advis de mon Pere confesseur. Au moins ne lairray je poinct passer le Dimanche sans manger ce pain sans levain, vray pain du Ciel; car, comme pourroit le Dimanche m'estre un jour de sabbat et de repos, si je suis privé de recevoir l'Autheur de mon repos eternel?

            Troysiesme poinct. — La veille du jour de ma Communion, je mettray hors de mon logis toutes les immondices de mes pechés par une soigneuse confession, a laquelle j'apporteray toute la diligence requise pour n'estre poinct troublé des scrupules; mays, d'autre part, [43] j'esviteray l'inutilité des recherches curieuses et empressëes.

            Quatriesme poinct. — Si je m'esveille la nuict, je donneray de la joye a mon ame, disant, pour la consoler dans les frayeurs nocturnes qui me travaillent: Mon ame, pourquoy es tu triste? pourquoy me troubles tu? Voyci ton Espoux, ta joye et ton salutaire, qui vient; allons au devant par une sainte allegresse et amoureuse confiance.

            Cinquiesme poinct. — Le matin estant venu, je mediteray la grandeur de Dieu et ma bassesse, et d'un cœur humblement joyeux je chanteray avec la sainte Eglise: «O chose admirable! le pauvre et vil serviteur loge son Seigneur, le reçoit et le mange.» La dessus, je feray divers actes de foy et de confiance sur les parolles du saint Evangile: Si quelqu'un mange ce pain, il vivra eternellement.

            Sixiesme poinct. — Ayant receu le tressaint Sacrement, je me donneray tout a Celuy qui s'est tout donné a moy; j'abandonneray d'affection toutes les choses du Ciel et de la terre, disant: Que veux je au Ciel? que me reste il a desirer sur la terre, puysque j'ay mon Dieu qui est mon tout? Je luy diray simplement, respectueusement et confidemment tout ce que son amour me suggerera, et me resoudray de vivre selon la sainte volonté du Maistre qui me nourrit de luy mesme.

            Septiesme poinct. — Finalement, quand je me sentiray sec et aride a la sainte Communion, je me serviray de l'exemple des pauvres, quand ilz ont froid ; car, n'ayant pas dequoy fayre du feu, ilz marchent et font de l'exercice pour s'eschauffer : je redoubleray mes prieres et la lecture de quelque traitté du tressaint Sacrement que, tres humblement et d'une ferme foy, j'adore. [44]

 

V. Beauregard, fin juillet-août 1590 (Inédite)

 

De Beauregard voyoit ceste ronde machine

N'avoir de beauregard, n'estre que vanité;

Il vit que d'icy bas il n'avoit origine,

Et mont' au beauregard de la Divinité.

Pendant quil fust cy bas, la jeunesse il dressa

D'un grand Conte, aux vertus, a lhonneur, a la gloyre ;

Ce Conte, tres faché, par apres luy dressa

Ce tombeau, par honneur quil porte a sa memoyre.

 

Revue sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy. [45]

 

VI. Notes de theologie (Fragments)

 

 

 

1) 15 décembre 1590. Avec une humilité profonde, François de Sales s'affermit dans l'opinion adoptée dès l'adolescence, mais proteste d'être prêt à tout sacrifier pour se soumettre à l'Eglise.

 

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            Atque haec tremens timensque notabam, anno 1590, 15 Decembris, ne si postea sententia ea quam confirmavi cum adolescerem, cum aetate, doctrina experitior, judicio vel sententia Ecclesise verior videri perseveret, ut visa est tunc in infantia mea; ex qua in ejus confirmatione meditatus sum quaeque rem astringere videntur a me forsan desiderarentur; id enim aliquando speculando accidit in puncto quod non accidit in anno. [46]

            Haec ergo ita scripsi humillime, ut pro sententia quam Ecclesia Catholica, Apostolica et Romana, Mater mea et columna veritatis amplexa est, aut deinceps amplectetur, non modo omnes, omnino omni meo renitente intellectu, quas habeo aut habiturus sum conclusiones, sed etiam caput ipsum a quo manant prorsus abjicere sum paratissimus, nec quidquam unquam dicturus sum, dum Deus dabit intellectum, nisi id quod fidei Catholicae conformius videbitur. Credidi enim, propter quod locutus sum, non, locutus sum propter quod credidi; hoc est: fides debet esse regula credendi, sed claudat omnia humilitas: ego autem humiliatus sum nimis. Amen, amen.

            Mense primo Pontificatus Sanctissimi Domini nostri Gregorii XIV.

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Revu sur le texte inséré dans le Procès de non-culte. [47]

 

 

 

            J'ai noté ceci avec crainte et tremblement, l'an 1590, le 15 décembre, pour ne pas avoir peut-être à en regretter la perte, si dans la suite cette façon de penser, dans laquelle je me suis affermi quand j'eus atteint l'adolescence et quand j'eus acquis plus d'expérience par l'âge et par la science, continue à paraître vraie selon le jugement et la décision de l'Eglise, comme elle m'a paru vraie alors, dans mon enfance. Car dès cette époque, en m'y affermissant, j'ai médité tout ce qui paraît serrer de près la question ; mais dans ces études spéculatives, il arrive souvent en un instant ce qui n'était pas arrivé en un an. [46]

            Ces choses, donc, je les ai écrites très humblement, étant tout prêt à abandonner non seulement les conclusions que j'ai prises ou prendrai, mais la tête même qui les a conçues, et cela, même si toute mon intelligence y répugne, pour embrasser l'opinion qui est ou qui sera à l'avenir adoptée par l'Eglise Catholique, Apostolique et Romaine, ma Mère et la colonne de vérité. Et jamais je ne dirai aucune chose, tant que Dieu me donnera l'intelligence, que ce qui sera le plus conforme à la foi catholique, car j'ai cru, c'est pourquoi j'ai parlé, et non j'ai parlé parce que j'ai cru; ce qui revient à dire: la foi doit être la règle de la croyance; mais que l'humilité soit la conclusion de tout: et je suis grandement humilié. Amen, amen.

            Le premier mois du Pontificat de notre très saint Seigneur Grégoire XIV. [47]

 

 

 

2) Janvier-juin 1591 (Inédit). Précaution prise contre l'erreur possible. — Dans la crainte de se tromper, le jeune homme s'en remet à l'Esprit-Saint qui gouverne l'Eglise. — Doctrine de la prédestination — Hommage à Jésus-Christ. — Choses entendues et choses méditées.

 

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            Haec ita si fidei sanctae Romanae. Ecclesiae consona sint; si secus faxit, pereant haec scripta, et cum caeteris non conserventur. Quae dicta sunt ad majorem cauthelam, videtur enim opinio tam consona Scripturis, Patribus, modo tractandi Ecclesiae, nostri saeculi Doctoribus, ut eam sine trepidatione recipiam, aut sine aliqua formidine. Quia tamen possem ita decipi, ut quod videtur non esset, me per omnia Spiritui Paraclito qui per Ecclesiam nostram moderatur ingenia, committo. Ipse sapientiam dat parvulis, non superbis; ipse est «Lumen cordium, Pater pauperum, Dator» luminum, in cujus lumine videbimus lumen: ipsi laus in saecula saeculorum, cum Patre et Filio. Fiat, fiat. Et Beatae Dominae nostrae Deiparae Mariae, quae cum sit Mater Verbi, verba nostra dignetur secundum Mot Filium suum praecibus [48] dirigere; beatis Petro et Paulo, Augustino, Thomae ac divo Bonaventurae, Doctori inclito, beato item Joseph. Fiat, fiat.

            Atque haec omnia in honorem Dei et animarum consolationem adnotavi. Deus autem ipse est Pater totius consolationis, nec inde gloriari nos oportet quasi quid-quam sit ex nobis tanquam ex nobis, nam, ut alibi ostendi, omnis sufficientia nostra a Deo; non enim liberi arbitrii seclusa gratia, opera prsevisa dicuntur ratio praedestinationis, sed semper opus est praevisione gratiae Domini, per cujus misericordiam in domum ejus ibimus si in hac vita pedes nostri in atriis tuis, Hierusalem, fuerint, sine enim Christo nihil possumus facere.

            «Tu Rex gloriae Christe; tu Patris sempiternus es Filius; tu ad liberandum suscepturus hominem, non horruisti Virginis uterum;» Jesu, fili David, osanna, osanna. Amen. [49]

            Quae iis notis'' includuntur, audivi a Patre Gesualdo caetera meditabar, in Domino ponens spem meam, paratus contraria meditari si contraria vera diceret Ecclesia: haec forsam. Beatus vir quem tu erudieris, Domine, et de lege tua docueris eum. Mirabilia testimonia tua, Domine; propterea scrutata est ea anima mea. Illumina oculos, ne obdormiant in morte, aut dicat inimicus: Prævalui adversus. Emitte Spiritum tuum et creabuntur, et renovabis faciem terrae. Amen.

 

Revu sur le texte insere dans le Proces de non-culte. [50]

 

 

 

            Que ces choses soient ainsi, si elles sont conformes à la foi de la sainte Eglise Romaine; sinon, que ces écrits périssent et ne soient pas conservés avec les autres. Ceci dit par surcroît de précaution; car l'opinion paraît si conforme aux Ecritures, aux Pères, à la façon adoptée par l'Eglise pour traiter ces sujets, aux Docteurs de notre siècle, que je peux la recevoir sans trouble et sans aucune crainte. Cependant, comme je peux me tromper, de telle sorte que ce qui paraît ne soit pas, je me remets en tout à l'Esprit Paraclet qui gouverne les intelligences par notre Eglise. C'est lui qui donne la sagesse aux petits, non aux orgueilleux; c'est lui qui est la «Lumière des cœurs,» le «Père des pauvres,» le «Distributeur des» lumières, dans la lumière de qui nous verrons la lumière. A lui gloire dans les siècles des siècles, avec le Père et le Fils. Qu'il en soit ainsi, qu'il en soit ainsi. Et à notre Bienheureuse Dame, Marie, Mère de Dieu; étant Mère du Verbe, qu'elle daigne par ses prières [48] diriger mes paroles selon le Verbe, son Fils; aux bienheureux Pierre et Paul, Augustin, Thomas, au divin Bonaventure, Docteur illustre, et de même au bienheureux Joseph. Qu'il en soit ainsi, qu'il en soit ainsi.

            Et j'ai noté toutes ces choses pour l'honneur de Dieu et la consolation des âmes. Or, Dieu lui-même est le Père de toute consolation, et nous ne devons pas nous glorifier comme si quoi que ce soit venait de nous comme de nous, puisque, comme je l'ai montré ailleurs, toute notre suffisance vient de Dieu; car si la doctrine de la prédestination dit que nos actions sont prévues, ce n'est pas au préjudice de la grâce du libre arbitre, mais il est toujours besoin de la prévision de la grâce du Seigneur, par la miséricorde de qui nous irons dans sa maison, si, en cette vie, nos pieds ont été dans tes parvis, Jérusalem, car, sans le Christ, nous ne pouvons rien faire.

            «Vous, Roi de gloire, ô Christ; vous êtes le Fils éternel du Père; afin de revêtir la nature de l'homme pour le délivrer, vous n'avez pas dédaigné le sein d'une Vierge;» ô Jésus, fils de David, hosanna, hosanna. Amen. [49]

            Les choses comprises entre ces signes", je les ai entendues du Père Gesualdi; les autres, je les méditais, plaçant dans le Seigneur tout mon espoir, prêt à penser le contraire si l'Eglise déclarait vrai le contraire: cela, peut-être. Heureux l'homme que vous avez instruit, Seigneur, et à qui vous avez enseigné votre loi. Vos témoignages sont admirables, Seigneur; c'est pourquoi mon âme les a scrutés. Eclairez mes yeux, de peur qu'ils ne s'endorment dans la mort, ou que l'ennemi ne dise: J'ai triomphé contre lui. Envoyez votre Esprit, et ils seront créés, et vous renouvellerez la face de la terre. Amen. [50]

 

 

 

3) Fragment sur la Prédestination, janvier-juin 1591. La prédestination, fondée sur les mérites prévus ; auteurs cités en faveur de cette opinion. — Preuves qui la confirment : Dieu qui ordonne la fin, ordonne aussi les moyens ; il ne réprouve que par justice et en prévision du péché ; textes de l'Ecriture à l'appui de cette doctrine. — Autre argument qui la corrobore. — Réfutation de l'opinion contraire par neuf remarques. — Sentiment de Tolet et de trois théologiens éminents entendus par saint François de Sales.

 

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            Quae pag. XV, LXII et LXX ex multis observavimus de praedestinatione praevisis meritis confirmari possunt authoritate D. Petri Emotte, doctoris theologi Parisiensis, in sua egregia Confessione fidei, titulo hac de re, ubi diserte id quod nos asserit: non modo scilicet [51] reprobationem fieri praevisis demeritis, sed etiam praedestinationem praevisis meritis, idque constanter probat. Deinde, in eam sententiam Henricum citat Tartaretus in Reportatis, et citat etiam [52] Ochamum, et ipse eam probabilem esse asserit, nec cum Scoto pugnare. Caeterum supposita tanquam verissima ea sententia, quae ait reprobationem fieri praevisis demeritis, superior sententia facile confirmabitur. Suppositum autem illud evidenter probatur.

            Primo: Cujus est ordinare finem, ejus est ordinare media ad finem. Ordinat Deus finem, scilicet damnationem; ergo media ad finem, scilicet peccata. Consequens absurdissimum, ergo antecedens explicatur; nam in contraria opinione damnatio non est finis nec absolute per se volita, sed est medium castigandorum malorum et suppositis malis volita. Exemplum sit: Volo absolute medicinam; si statutum extaret ne quispiam medicinam acciperet insegrotus, deberem velle segritudinem tanquam medium, aut sane medicinam non volo efficaciter. Similiter: Volo aliquem condemnare, ego judex; quia non possem [53] condemnare nisi citetur, debeo citationem facere. Si vero quispiam absolute nollet medicinam, sed tantum eam vellet ad recuperandam sanitatem, nihil esset opus ut segritudinem vellet ob medicinam, cum potius vellet medicinam ob morbum. Ita in simili.

            Secundo probatur: Deo non placet damnatio aut reprobatio ut reprobatio est, maxime quatenus dicit privationem, sed tantum quatenus justa est; at justa esse non potest sine ordine ad culpam, ut per se patet: ergo neminem reprobat sine ordine ad culpam, non ad culpam non praevisam, quia ad non praevisum nihil ordinare possumus, ergo ad culpam praevisam. Major patet, quia Deus cum sua natura sit communicabilis, non potest ei per se et suapte natura grata esse privatio sui, et quia modus loquendi Scripturarum repugnat, quae Deum glorificationis nostrae avidum praedicant ubique, et nostri interitus miserantem atque paratum id avertere aversis peccatis. Tum vero ait Psaltes: Non mortui laudabunt te, Domine, nec omnes qui descendunt in infernum. [54]

            Tertio: Perditio tua ex te, Israel; Plantavi vineam, expectabam ut faceret uvas, fecit lambruscas; Cunctos fecit vocare ad convivium; Omnes vult salvos fieri; Venite ad me omnes: hae sane locutiones proprie nec congrue intelligi possunt si prius quibusdam determinaverit non dare gloriam; esset enim illudere eum ad nuptias vocare quem nullis suis meritis excludere constituisti. Hae porro sunt vulgares locutiones Ecclesiae, quas qui in sensu adeo recondito et elusorio explicaverit, Ecclesiam simplicium deceptricem faciet cum passim eas Ecclesia in concionibus, Officiis et praecibus omnibus aequaliter proponat. Deinde, quid hoc est: Deus tibi non deest nisi tibi desis? Sane mihi defuit in fundamento, cum nec mihi affuissem aut defuissem, si vera esset ea opinio, durior omni ferro. Denique, nonne Deus fecit hominem ut eum videret? cur ergo eum ad non videndum sine alia praevia causa determinavit? [55] Deinde, quotiescumque duae causae ita se habent, ut posita una sine alia causa effectum consequi non possit, qui unam non habet non dicitur effectum posse consequi, et qui unam tollit, effectum tollit. Sed sine Dei voluntate nihil possumus; ergo ea sublata, salvari non possumus, et ea sublata et remota negatave a Deo, effectus negatus videtur, scilicet gloria, quod absurdissimum est. Id autem in nostra sententia nihil urget, cum non neget voluntatem ante peccata nostra praevisa.

            Sed ut clare alio argumento idem probemus. Si Deus ordinavit aliquos ad poenam ante culpae praevisionem, quare dictum est: Prout gesserit quisque in corpore suo, sive bonum; sive malum? Quomodo enim factum ut poenae quam Deus sine ulla ratione culpae ordinavit, tam juste corresponderet culpa ex libero nostro arbitrio? Sane opportuit Deum ordinare culpam ut responderet poenae jam ordinatae, aut committere libero arbitrio nostro ut sine culpa damnaremur, ut clarum est. Haec autem [56] omnia blasphemiae sunt; ergo, Deus non reprobat sine praevisis peccatis. Exemplum est si Rex velit occidere Titium, et tamen nolit eum occidere injuste: opportet ut praevideat ejus culpam, aut ut cogat ut culpam admittat, vel sane se committet periculo non occidendi Titium juste ut decreverat. Et hic juste sumo apparenter.

            In hanc + sententiam notandum est: Primo, posse [57] forsan hanc sententiam, quod scilicet praedestinatio fiat sine praevisis operibus, reprobatio autem minime, hoc modo explicari, ut Deus primo det cunctis hominibus auxilium sufficiens; deinde, cum videat multos eo non utentes, hos reprobet; alios vero, tam utentes quam non utentes, per media efficacia salvet: ita ut inter non utentes, quosdam damnet, alios efficaciter a praecipiti damnationis cursu retrahat. Aliter sane sententia haec intelligi nequit. Atque ita satis intelligibilis est, nec cuiquam injuriam faciet Dominus: nam quos damnabit, suis demeritis damnabit; quos salvabit, sua misericordia, et conquaerenti dicet: Amice, tolle quod tuum est; si autem iis volo dare, quid ad te?

            Sed notandum est secundo, non respondere hanc sententiam ei sententiæ Domini: Nonne si bene egeris [58] recipies? quia potius dicendum esset: Non[ne] si recipies bene ages?

            Notandum tertio, non esse jam ullo testimonio Scripturae firmam hanc sententiam; cum enim necesse sit eam respondere authoritati Pauli ad Romanos, et ea authoritas non magis probet unum quam aliud, necesse est dicere neutrum probare.

            Notandum quarto, hoc modo talem decisionem seu sententiam remanere ex iis quas jurisconsulti apellant (sic), quibus lex non resistat nec assistat (imo resistit etiam aliquo modo, et fortiter, ut deinde comprobari posset).

Notandum quinto: Si Deus alioquin damnandos salvet, ubi justitia? Quomodo retribuet unicuique secundum opera sua, cum potius deberet dici unumquemque operaturum secundum retributionem suam? Deinde, quare Deus vidit damnandos peccare, non videndo alios? bene facere quare quosdam vidit, potius quam alios? et si vidit, quare potius dicemus ex peccatis præordinasse poenam quam ex meritis pæmium? [59]

            Notandum sexto: Quomodo praemium, merces, bravium, triumphus, sine laboris ratione? Erit quidem liberalitas, sed non praemium, et operae nostrae essent compensatoriae munificentiae Dei, non meritoriae proprie.

            Notandum septimo, probabile esse multos ordinasse Deum optimum ad gloriam dando potentius medium, quibus si dedisset tenuius et ordinarium non condigne operati fuissent. Nam haec ad bonitatem Dei spectant (licet ad justitiam Dei non spectet damnare quemquam denegando media ei, ei, inquam, necessaria: nam quid ad rem si sufficiant aliis, non eis? Nec ad potentiam, cum tantum eluceat imo magis potentia Dei in salvando quam in damnando). Sed non omnes ita vocatos existimandum est.

            Notandum octavo: Cum nec ad justitiam Dei spectet nec ad potentiam (magis quam salvatio) aliquem sine demeritis damnare, irrationabile prorsus est reprobationis modum quem nonnulli tenent. [60]

            Notandum nono, mirum in modum urgere pro opinione quae asserit praevisis meritis et demeritis homines, et angelos etiam, damnari et salvari, quae hactenus dicta sunt. Nam, si verum est non damnari homines sine praevisione, cum respondendum sit ad Epistolam ad Romanos, remanet sine impugnatione posita sententia. Et urget validissime si una vera est veram esse alteram, quod quinto notabili notavi, et innumera quae afferri possent. Atque neminem damnari sine previsis peccatis tenuit P. + Gesualdus, Ordinis Minorum Conventualium, vir doctus et devotus. Itemque memini [61] Alphonsum Carrillium, e Societate Jesu, summum theologum et Thomistis addictissimum atque item piissimum [62], eandem sententiam tenuisse. Passimque omnes fere nostra aetate id concedunt et ex antiquis multi.

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Revu sur l'Autographe conservé à l'Oratoire de Naples.

 

 

 

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            Les enseignements que nous avons tirés de nombreux auteurs, au sujet de la prédestination fondée sur les mérites prévus, enseignements exposés aux pages XV, LXII et LXX, peuvent être confirmés par l'autorité de Pierre Emotte, docteur en théologie de Paris. Dans son excellente Confession de foi, sous le titre en question, il [51] affirme expressément la même chose que nous: à savoir, que non seulement la réprobation a lieu par suite des démérites prévus, mais aussi que la prédestination se fonde sur les mérites prévus, et il prouve cela avec force. En outre, Tartaretus cite en faveur de cette thèse Henri, in Reportatis, et aussi [52] Occam, et il affirme que cette opinion est probable et ne contredit pas Scot. Du reste, en supposant comme très sûre l'opinion qui admet comme base de la réprobation la prévision des démérites, l'opinion ci-dessus est facilement confirmée. Or, la supposition en question peut se prouver avec évidence.

            En premier lieu: A celui à qui appartient le droit d'ordonner la fin, appartient aussi celui d'ordonner les moyens à cette fin. Dieu ordonne la fin, à savoir la damnation; c'est donc lui qui ordonne les moyens à cette fin, à savoir les péchés. Le conséquent est tout a fait absurde, donc l'antécédent demande à être expliqué. En effet, dans l'opinion contraire, la damnation n'est pas la fin et n'est pas voulue absolument pour elle-même, mais elle est un moyen pour châtier les méchants, et est voulue pour des êtres supposés méchants. Exemple: Je veux absolument un remède; s'il était défendu à quiconque n'est pas malade de recevoir un remède, je devrais vouloir la maladie comme moyen d'avoir ce remède: sans quoi, je ne le veux pas efficacement. Autre exemple: Je veux, moi juge, condamner quelqu'un; comme je ne pourrais [53] le condamner sans le faire citer, je dois lui envoyer une citation. Si cependant quelqu'un ne voulait pas d'une manière absolue le remède, mais le voulait seulement pour regagner la santé, il ne serait nullement nécessaire qu'il voulût la maladie en vue du remède, car il voudrait plutôt le remède à cause de la maladie. Même raisonnement pour des exemples semblables.

            Deuxième preuve: La damnation ou réprobation ne plaît pas à Dieu comme telle, surtout en tant qu'elle dit privation, mais elle lui plaît seulement en tant qu'elle est juste ; par ailleurs, elle ne peut évidemment être juste sans relation avec la faute. Donc, Dieu ne réprouve personne sans relation avec la faute; non avec la faute non prévue, rien ne pouvant être ordonné à quelque chose de non prévu: donc, avec la faute prévue. La majeure est évidente, d'abord parce que Dieu, étant de sa nature communicable, ne peut avoir pour agréable sa propre privation prise en elle-même; ensuite, parce qu'autrement l'on irait contre les expressions de l'Ecriture qui partout présentent Dieu comme ayant soif de notre glorification et compatissant à notre condamnation, tout prêt qu'il est à [54] détourner cette dernière si seulement nos péchés disparaissent. De son côté, Je Psalmiste dit: Ce ne sont pas les morts, Seigneur, qui vous loueront, ni tous ceux qui descendent en enfer.

            En troisième lieu, [ces textes]: Ta perte vient de toi-même, ô Israël; J'ai planté une vigne, j'attendais qu'elle porterait des raisins, elle a donné des fruits sauvages; Il fit appeler tout le monde au festin; Il veut que tous soient sauvés; Venez à moi, vous tous, sont certes des expressions qui ne peuvent être proprement et convenablement comprises, si l'on suppose que Dieu avait tout d'abord déterminé de ne pas accorder la gloire à certains individus: ce serait, en effet, se moquer de quelqu'un que de l'inviter à un repas de noces, tout en ayant résolu de l'exclure à cause de l'absence de mérites de sa part. Et cependant les expressions ci-dessus sont couramment employées par l'Eglise; en sorte que si on les expliquait dans le sens si caché et si décevant des adversaires, ce serait accuser l'Eglise de tromper les gens simples, elle qui à tout bout de champ les présente à tous également dans les prédications, les Offices et les prières. Et puis, que signifie cet adage: Dieu ne te fait pas défaut si tu ne te fais pas défaut? En vérité, pourrait-on dire, il m'a fait défaut au commencement, alors que je ne pouvais ni m'être utile, ni m'être nuisible, si nous supposons que l'opinion ci-dessus, plus dure que le fer, est vraie. Enfin, Dieu n'a-t-il pas créé l'homme [55] pour jouir de sa vue? pourquoi donc a-t-il pu déterminer qu'il ne le verrait pas, et cela en dehors de toute cause préalable? En outre, toutes les fois que deux causes sont en de telles relations entre elles que l'une étant posée elle ne peut obtenir son effet en l'absence de l'autre, celui qui n'a pas l'une des deux en son pouvoir ne peut être dit en mesure d'obtenir l'effet voulu, et celui qui écarte l'une d'elles écarte par le fait même l'effet voulu. Mais sans la volonté de Dieu nous ne pouvons rien; par conséquent, une fois cette volonté de Dieu écartée, nous ne pouvons être sauvés, et une fois cette volonté de Dieu écartée et enlevée, ou refusée par Dieu, son effet paraît refusé, c'est-à-dire la gloire: ce qui est parfaitement absurde. Tandis que dans notre opinion ce raisonnement n'a pas de force, attendu que nous ne supposons pas le refus de la volonté de Dieu avant la prévision de nos péchés.

            Mais prouvons clairement la même vérité par un nouvel argument. Si Dieu en a destiné certains à la peine avant la prévision de la faute, pourquoi a-t-il été dit: Comme chacun aura agi dans son corps, soit en bien soit en mal? Comment peut-il se faire qu'à une peine ordonnée par Dieu sans aucune relation avec la faute, corresponde aussi justement cette faute provenant de notre libre arbitre? Il a fallu certainement, ou que Dieu ordonnât la faute [56] pour qu'elle répondît à la peine déjà ordonnée, ou bien qu'il abandonnât à notre libre arbitre le soin de décider si nous devrions être condamnés sans faute, comme cela est clair. Or, tout cela est blasphématoire; donc, Dieu ne réprouve pas en dehors de la prévision des péchés. Exemple: si un roi voulait mettre à mort un individu et ne voulait cependant pas le faire injustement, il faudrait, ou qu'il prévît sa faute, ou qu'il l'obligeât à la commettre, sans quoi il se mettrait dans le cas de ne pas faire mourir justement, comme il l'avait décidé, l'individu en question. Et ici, j'entends le mot justement, selon les apparences.

            Au sujet de la même opinion, il faut noter: Premièrement, [57] cette opinion, étant que la prédestination a lieu sans la prévision des œuvres, mais non la réprobation, pourrait peut-être s'expliquer en ce sens que Dieu tout d'abord donne à tous les hommes un secours suffisant; qu'ensuite, voyant que beaucoup n'en usent pas, il réprouve ceux-ci, et que les autres, soit qu'ils usent, soit qu'ils n'usent pas de ce secours, il les sauve par des moyens efficaces: en sorte que parmi ceux qui n'usent pas du secours suffisant, Dieu en damne certains, et les autres, il les retire efficacement du chemin de damnation où ils se précipitent. L'opinion ci-dessus ne peut être comprise autrement. Telle que nous venons de la présenter, elle est suffisamment intelligible, et ainsi le Seigneur ne fera tort à personne; car ceux qu'il damnera, il les damnera à cause de leurs démérites, et ceux qu'il sauvera, il les sauvera par sa miséricorde, et à celui qui se plaindra il répondra: Mon ami, prends ce qui te revient; si je veux donner quelque chose à ceux-ci, que t'importe?

            Mais il faut remarquer, en second lieu, que l'opinion des adversaires ne s'accorde pas avec cette parole du Seigneur: Est-ce que si tu fais le bien, tu n'en recevras pas la récompense? car il faudrait [58] plutot dire: Est-ce que, si tu reçois la recompense, tu ne feras pas le bien?

            Troisieme remarque. Cette opinion n'est basee sur aucun temoignage de 1'Ecriture. Comme, en effet, elle doit s'accorder avec 1'autorite de Paul dans son Epitre aux Romains et que cette autorite ne prouve pas davantage une these que l'autre, il faut avouer qu'elle ne favorise directement ni l'une ni l'autre des deux theses.

            Quatrieme remarque. Ainsi, la decision ou opinion en question doit etre comptee parmi celles dont les jurisconsultes disent que la loi ni ne s'y oppose, ni ne les favorise (quoique d'une certaine façon elle s'oppose, et fortement, a ce que notre sentence puisse etre ulterieurement prouvee).

            Cinquieme remarque. Si Dieu sauve ceux qui autrement auraient du etre damnes, ou est la justice? Comment rendra-t-il à chacun selon ses oeuvres, puisqu'il faudrait dire plutot que chacun agira suivant ce qu'il recevra? Et puis, pourquoi Dieu a-t-il prevu les peches des futurs damnes, et non ceux des autres? pourquoi en a-t-il vu certains faire le bien, plutot que d'autres? et s'il a tout vu, pourquoi dirons-nous qu'il a preordonne le chatiment d'apres les peches, plutot que la recompense d'apres les merites? [59]

            Sixième remarque. Comment peut-il y avoir prix, salaire, récompense, triomphe, sans relation avec un travail accompli? Ce sera de la libéralité, mais non un prix, et nos travaux seraient une compensation offerte à la munificence de Dieu, mais ne seraient pas proprement méritoires.

            Septième remarque. Il est probable que Dieu, dans sa très grande bonté, en a ordonné plusieurs à la gloire en leur accordant un moyen plus puissant, lesquels, s'il leur en avait concédé seulement un moindre et ordinaire, n'auraient pas agi convenablement. Cela convient, en effet, à la bonté de Dieu (bien qu'il ne convienne pas à la justice de Dieu de damner quelqu'un en lui refusant les moyens, à lui, dis-je, nécessaires : en effet, qu'importe si ces moyens suffisent à d'autres, non à ceux dont il s'agit? Cela ne convient pas davantage à sa puissance, attendu que la puissance de Dieu se manifeste tout autant, et même davantage, en sauvant qu'en damnant). Mais on ne peut supposer que tous aient été appelés de la façon dont nous parlions tout-à-l'heure.

            Huitième remarque. La damnation (plus encore que le salut) de quelqu'un en dehors de démérites de sa part ne convenant ni à la justice de Dieu ni à sa puissance, il est déraisonnable d'admettre le mode de réprobation que certains admettent. [60]

            Neuvième remarque. On peut très bien faire davantage ressortir la force de tout ce qui a été dit jusqu'ici, en faveur de l'opinion admettant que les hommes, et aussi les anges, sont damnés et sauvés suivant la prévision de leurs démérites et de leurs mérites. Si, en effet, il est vrai que les hommes ne sont pas damnés en dehors de la prévision [de leurs démérites], comme d'un autre côté il faut, [pour les adversaires,] pouvoir répondre à l'autorité tirée de l'Epître aux Romains, il reste que l'opinion que nous avons énoncée est inébranlable. Ce qui la renforce considérablement, c'est ce que j'ai noté à la cinquième remarque, ci-dessus, que si l'une des propositions est vraie, l'autre l'est également, et aussi d'innombrables preuves qui pourraient être apportées. Or, le P. Gesualdi, de l'Ordre des Mineurs Conventuels, homme savant et pieux, a [61] enseigné que la damnation n'a pas lieu sans la prévision des péchés. Je me souviens aussi qu'Alphonse Carrillo, de la Compagnie de Jésus, très grand théologien, très attaché aux thomistes, et aussi fort pieux, a soutenu cette opinion. Presque tous les [62] auteurs à notre époque concèdent cela, comme beaucoup parmi les anciens ……………………………………………………………………………………………..

 

 

4) Protestation au sujet de la réprobation des méchants, 1591

 

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            Est locus uspiam in Scriptura Veteri, in quo praedicens Propheta futuram Christi redemptionem, ait non [63] dicendum amplius eo tempore, comedisse patres uvas non bonas, et dentes filiorum obstupuisse; quia, inquit, Christo veniente, filius non portabit iniquitatem patris, sed anima quae peccaverit, ipsa morietur.

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Haec omnia forsan.

            Ad pedes beatorum Augustini et Thomse provolutus, paratus omnia ignorare ut illum sciam qui est scientia Patris, Christum crucifixum, quanquam enim quae scripsi non dubito vera esse, quia nihil video quod de eorum veritate solidam possit facere dubitationem; quia tamen non omnia video et tam reconditum misterium est [64] clarius quam fixe ab oculis meis victicoracis inspici possit, si postea contrarium appareret (quod nunquam futurum existimo); imo, si me damnatum (quod absit, Domine Jesu!) scirem voluntate illa quam ponunt Thomistae in Deo ut ostenderet Deus justitiam suam, libenter, obstupescens et suspiciens altissimum Judicem, post Prophetam dicerem: Nonne Deo subjecta erit anima mea? Amen, Pater, quia sic placitum est ante te; fiat voluntas tua. Et haec, in amaritudine animse meae toties dicerem, donec Deus mutans vitam meam et sententiam suam responderet mihi: Confide, fili; nolo mortem peccatoris, sed magis ut convertatur et vivat. Non mortui laudabunt me, neque omnes qui descendunt in infernum. Te feci, ut caetera omnia, propter meipsum, imo etiam impios qui ad diem malum sua culpa destinati sunt, feci propter meipsum. Non est voluntas mea nisi sanctificatio tua, nihilque odivit anima mea eorum quae fecit. Quare tristis est anima tua et quare conturbatur? Spera in Deo, quia adhuc confiteberis ei, salutare vultus tui et Deus [65] tuus. Non descendes, sed ascendes ad montem Domini, tabernaculum Dei Jacob. Non es mortuus, sed dormis; infirmitas non est ad mortem, sed ut conversus glorifices Deum. Euge, serve parve, indigne quidem, sed fidelis; quia sperasti in me, confidens de misericordia mea, et quia in pauca (scilicet in glorificando me patiendo et per damnationem, si ita mihi placeret) fuisti fidelis, supra multa te constituam; et quia voluisti magnificare nomen meum, etiam patiendo, si opus esset (quandoquidem in eo parva est magnificatio et glorificatio nominis mei, qui non est damnator, sed JESUS), supra multa te constituam, ut beatitudine perpetua laudes me, in qua multa est gloria nomini meo. Per memetipsum juravi: quia fecisti rem hanc, id est, praeparasti cor tuum in obsequium justitiae meae, et non pepercisti tibi, acquiescens voluntati mese etiam usque ad gehennam propter me, benedicam tibi benedictione perpetua, et intres in gaudium Domini tui.

            Nec tunc aliter respondere deberem quam prius: Amen, Pater, quia sic placitum est ante te. Paratum cor [66] meum, Deus, ad pcenam propter te; paratum cor meum ad gloriam propter nomen tuum, JESU. Quasi jumentum factus sum coram te, et ipse, Domine, sis semper mecum. Nonne tibi subjecta erit anima mea? ate enim salutare meum. O Domine, quia servus tuus, fiat mihi secundum Mot tuum; Nolo mortem peccatoris, sed magis ut convertatur et vivat. In nomine ergo tuo levabo manus meas in sancta. Amen, JESUS, MARIA.

 

Revu sur le texte insere dans le Proces de non-culte et dans le IId Proces de Canonisation. [67]

 

 

 

            Il y a un passage quelque part dans l'Ancien Testament, où le Prophète, prédisant la future rédemption du Christ, affirme qu'il [63] ne faudra plus dire alors que les pères ont mangé de mauvais raisins et que les dents des fils en ont été agacées; parce que, dit-il, le Christ arrivant, le fils ne portera pas l'iniquité du père, mais c'est l'âme pécheresse qui mourra d'elle-même.

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Tout cela, peut-être.

            Prosterné aux pieds des bienheureux Augustin et Thomas, je suis prêt à tout ignorer pour connaître Celui qui est la science du Père, le Christ crucifié. En effet, quoique je ne doute pas que les choses que j'ai écrites ne soient vraies, parce que je n'y vois rien qui puisse former un doute solide au sujet de leur vérité; cependant, parce que je ne vois pas tout et qu'un mystère si profond est trop brillant [64] pour pouvoir être regardé en face par mes yeux de chouette, si, dans la suite, le contraire apparaissait (ce qui, je pense, n'arrivera jamais); bien plus, si je me savais damné (que cela n'arrive pas, Seigneur Jésus!) par cette volonté que les thomistes placent en Dieu afin que Dieu montre sa justice, frappé de stupeur et levant les yeux vers le Juge suprême, volontiers je dirais avec le Prophète: Mon âme ne sera-t-elle pas soumise à Dieu? Amen, Père, parce qu'il vous paraît bon ainsi; que votre volonté soit faite. Et je dirais cela tant de fois dans l'amertume de mon cœur, jusqu'à ce que Dieu, changeant ma vie et sa sentence, me réponde: Aie confiance, mon fils, je ne veux pas la mort du pécheur, mais plutôt qu'il se convertisse et qu'il vive. Les morts ne me loueront pas, ni tous ceux qui descendent dans l'enfer. Je t'ai fait, comme toutes les autres choses, pour moi-même; bien plus, même les impies qui, par leur faute, sont destinés au jour de malheur, je les ai faits pour moi-même. Ma volonté n'est autre que ta sanctification, et mon âme ne hait rien de ce qu'elle a fait. Pourquoi ton âme est-elle triste, et pourquoi se trouble-t-elle? Espère en Dieu, parce que tu le loueras encore; il est le salut de ta face [65] et ton Dieu. Tu ne descendras pas, mais tu monteras à la montagne du Seigneur, au tabernacle du Dieu de Jacob. Tu n'es pas mort, mais tu dors; ton infirmité n'a pas pour but la mort, mais que, converti, tu glorifies Dieu. Courage, petit serviteur, indigne certes, mais fidèle; puisque tu as espéré en moi, ayant confiance en ma miséricorde, et parce que tu m'as été fidèle en peu de choses (à savoir, en me glorifiant par la souffrance et par la damnation, s'il me plaisait ainsi), je t'établirai sur beaucoup; et parce que tu as voulu glorifier mon nom, même en souffrant, s'il en était besoin (bien qu'en cela, cette glorification et l'exaltation de mon nom qui n'est pas «damnateur», mais «SAUVEUR», soient petites), je t'établirai sur beaucoup, afin que tu me loues dans la perpétuelle béatitude où la gloire rendue à mon nom est abondante. Par moi-même j'ai juré: parce que tu as fait cela, c'est-à-dire, parce que tu as préparé ton cœur à obéir à ma justice, et que tu ne t'es pas épargné, acquiesçant à ma volonté, même jusqu'à la géhenne à cause de moi, je te bénirai d'une perpétuelle bénédiction, et tu entreras dans la gloire de ton Seigneur.

            Alors non plus je ne devrai pas répondre autrement qu'auparavant [66]: Amen, Père, parce qu'il vous paraît bon ainsi. Mon coeur est prêt, ô Dieu, à la peine à cause de vous; mon cœur est prêt à la gloire à cause de votre nom, JESUS. Je suis devenu comme une bête de somme devant vous, et vous-même, Seigneur, soyez toujours avec moi. Mon âme ne vous sera-t-elle pas soumise? car c'est de vous que vient mon salut. O Seigneur, parce que je suis votre serviteur, qu'il me soit fait selon votre parole: Je ne veux pas la mort du pécheur, mais plutôt, qu'il se convertisse et qu'il vive. En votre nom, donc, je lèverai mes mains vers les saintes hauteurs. Amen, JÉSUS, MARIE. [67]

 

VII. Extraits d'un manuscrit autographe du cours de droit, 22 février-20 novembre 1591. (Inédits)

 

 

1) Poésie liminaire

 

FRANC. DE SALES

 

            Invigilate, viri, subito nam tempora cursu

            Prœtereunt, nulloque sono dilabitur annus.

                        Sus, veilles compagnons, car les tems a la foule

                        Vont passant, et l'annee, sans bruict fayre, s'escoule.

            Vidi jam juvenem premeret cum serior ætas,

            Mœrentem tardos prœteriisse dies.

                        Un jadis juvenceau, pressé de sa viellesse,

                        Je vis pleurer les jours ja passés en paresse.

                        Hac animadversione percutitur peccator, quod

            moriens obliviscitur sui qui vivens oblitus est Dei.

                        Ah! l'ame du pecheur doit bien estre advertie

                        En ce poinct, que mourant c'il soymesme s'oublie

                        Qui n'avoit de son Dieu souvenance en sa vie.

                                   FOI SANS DES-CALER. [68]

 

 

 

2) 22 février 1591. Indissolubilité du mariage chrétien. — Louange à la Trinité, à la Sainte Vierge et à des Saints protecteurs.

 

TIT. II. DE DIVORTIIS ET REPUDIIS

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Matrimonia dirimebantur apud Gentes qua erat levitate idololatria; nunc autem indissolubile est matrimonium quod ad vinculum attinet, paucissimis exceptis casibus. Quo ad torum vero difficillime dissolvitur, quia quod erat contractus purus inter gentes quæ Deum non noverunt et nomen sanctum Dei non invocaverunt, et pura fides per consensum, nunc est augustissimum Sacramentum per Christum Dominum nostrum, cui, cum Patre et Spiritu Sancto, laus, honor, imperium; Beatissimae Dominae nostrse Mariae Deiparae Virgini, Sanctisque Petro et Paulo Apostolis, quorum hodie celebris memoria est ex Chatedra (sic) Sancti Petri in [69] Ecclesia; Sanctis Fabiano et Sebastiano, martiribus; Sanctis Joseph, Francisco et Bonaventurae, confessoribus. Amen.

            Anno Christiano 1591, 22 Feb.

 

 

 

Titre II. DIVORCES ET REPUDIATIONS

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Le mariage pouvait être annulé chez les Gentils à cause de la légèreté de mœurs du paganisme; mais aujourd'hui il est indissoluble, en ce qui concerne le lien, un très petit nombre de cas étant exceptés. En ce qui concerne la cohabitation, il est très difficilement dissous, parce que ce qui était un pur contrat chez ces nations qui n'ont pas connu Dieu et n'ont pas invoqué le saint nom de Dieu, et ce qui n'était consenti que par un simple engagement, est aujourd'hui un très auguste Sacrement par le Christ notre Seigneur, à qui, ainsi qu'au Père et à l'Esprit-Saint, soit louange, honneur, puissance; et à notre Bienheureuse Dame la Vierge Marie, Mère de Dieu, aux saints Apôtres Pierre et Paul, dont aujourd'hui même la mémoire est célébrée dans toute l'Eglise, à raison de la chaire de [69] saint Pierre [à Antioche]; aux saints Fabien et Sébastien, martyrs; aux saints Joseph, François et Bonaventure, confesseurs. Amen.

            En l'année chrétienne 1591, le 22 février.

 

 

 

3) 24 mars 1591. Echo des sentiments du jeune homme en la vigile de l'Annonciation.

 

TIT. XVIII. AD SENAT. TERTYLLIANUM ET ORFICIANUM

 

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……….…………………… Atque ita cursus nostri per universos Infortiati titulos exitum facimus.

            Laus Deo opt. max., Christo Jesu ac Dominae nostrae Virgini Mariae, ejus Matri potentissimae, cujus annunciatae [70] salutataeque ab Angelo solemnitatem hac Vigilia incepimus; Sanctis Petro, Paulo, Fabiano, Sebastiano, Francisco, Bonaventurae, sed et ipsi Sanctissimo Joseph, et Archangelo Gabrieli qui annunciavit Mot abbreviatum in sacratissimo Virginis utero; ipsi gloria! Amen.

 

 

 

TITRE XVIII. POUR LE SENATUSCONSULTE TERTYLLIEN ET ORPHITIEN

 

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…………………… Et ainsi nous mettons fin à notre course à travers tous les titres de l'Infortiat.

            Gloire à Dieu très bon, très grand, au Christ Jésus et à Notre-Dame la Vierge Marie, sa très puissante Mère (nous avons [70] commencé à célébrer la solennité et la Vigile de son Annonciation et de sa salutation par l'Ange), aux saints Pierre, Paul, Fabien, Sébastien, François, Bonaventure, mais spécialement au grand saint Joseph et à l'archange Gabriel qui annonça que le Verbe s'était resserré dans le sein très sacré de la Vierge; gloire à lui! Amen.

 

 

 

4) De verborum et rerum significatione [Tit.] XVI

 

            Compilatores Digestorum cum in variis legibus supra toto opere collectis collocatisque multa obscura ex ignoratione ambiguitateve nominum aut verborum fore prospicerent, hic, ad totius operis calcem, ex jurisconsultis iisdem ex quibus leges sumpserant, ad explicationem rerum ac verborum nonnulla annotarunt. Idque ita praecise ac concise, ut colligere ex iis precipua, cum omnia precipua sunt nullaque superflua operae pretium non videatur; maxime quia iis terendis initio tirocinii nostri bonas insumpserimus horas. [71]

 

 

 

De la signification des mots et des choses, [Titre] XVI

 

            Les compilateurs des Digestes ayant aperçu dans les différentes lois ci-dessus recueillies et réunies beaucoup d'obscurités provenant de l'ignorance ou de l'ambiguité soit des noms soit des termes, ont mis en note ici, à la fin de tout l'ouvrage, pour l'explication des choses et des mots, quelques éclaircissements tirés de ces mêmes jurisconsultes chez lesquels ils avaient pris les lois. Et cela, avec tant de précision et de concision, que j'ai trouvé inutile de recueillir les principales de ces notes, car toutes sont principales et aucune n'est inutile; d'autant plus qu'à ce travail minutieux, j'ai, au début de notre apprentissage, consacré de bonnes heures. [71]

 

 

 

5) 10 juillet 1591. Dieu, règle infaillible de toute justice. — Encore un hommage à Marie et aux Saints. — Un tremblement de terre et les bouleversements de l'Europe. — Cri de douleur sur la France. — La voix du Pape écho de celle du Roi des rois

 

DE REGULIS JURIS. TIT. XVII

 

            Infallibili, rectissimae, primae aeternaeque totius boni et aequi Regulae, DEO TRINO UNO, laus et gratiarum actio. Sine ejus gratia ac lumine, omnia indigesta sunt et incondita.

            Benedicta sit Sanctissima Virgo Maria Deipara; honor sit Beatissimo Gabrieli et Angelo custodi, Joanni Baptistæ, Petro, Paulo et Evangelistae Joanni, Sanctis Stephano, Fabiano et Sebastiano, Joseph, Francisco, Bonaventurae et Annae ac Mariae Magdalenae. Amen.

            Absolvi, Deo volente, Sanctissima Deipara Sanctisque Patronis faventibus, leves has utcumque in se, mihi vero tironi satis graves et laboriosas notulas in ff, anno a salutifero Virginis Partu 1591, Jullio (sic) [72] mense, die decimo, terrae motu, quem hora quinta et dimidia post meridiem persensimus, et Sanctorum septem Fratrum foestiva celebratione memorabili.

            Et vere, conturbatæ sunt gentes et inclinata sunt regna; dedit vocem suam, et mota est terra. Instruunt copias bellicas Itali Principes et Germani; jam Anglus, Hispanus, Gallus, strictis gladiis, aerem terramque gemitibus et sanguine conturbant; regnum Scotiae, Angliae, Daniae in horrendum haeresum baratrum prolapsum est Polonicum, Ungaricum, Boemicum; ac quod omnem superat dolorem, Christianissimum olim Gallorum diadema in caput haeretici, aut potius in miserandum [73] exitii genus inclinatum, non sine lachrimis sentimus et contemplamur!

            Deus, Rex regum, opt., max., per Gregorium clamat, arguit, increpat : Haereticum hominem devita. Qui mecum non est, contra me est; an (sic) non Belial mecum est. Ut quid diligitis vanitatem, dicentes: Quis ostendit nobis bona? Ego vulpecula non demoliar vineas. Ut quid diligitis mendacium non servatæ promissionis experientia cognitum? Cur quaeritis et diligitis mendacium quo in futurum decipiamini? Quid ergo superest? Et mota est terra. Quærite ergo primo regnum Dei, et omnia adjicientur vobis, ut constituatur rex a Deo super montem [74] sanctum Sion, qui prædicet praeceptum ejus et credat in nomine ejus et non ex sanguinibus, sed ex Deo natus sit.

DEO LAUS. AMEN.

 

 

 

REGLES DU DROIT. TITRE XVII

 

            A l'infaillible, très droite, première et éternelle Règle de tout bien et justice, au DIEU TRIPLE ET UN, louange et action de grâces. Sans sa grâce et lumière, tout est confus et sans ordre.

            Bénie soit la Très Sainte Vierge Marie, Mère de Dieu. Honneur au bienheureux Gabriel et à mon Ange gardien, à Jean-Baptiste, Pierre, Paul et à Jean l'Evangéliste, aux saints Etienne, Fabien, Sébastien, Joseph, François, Bonaventure et à Anne et à Marie-Madeleine. Amen.

            J'ai achevé, par la volonté de Dieu et avec la protection de la Très Sainte Mère de Dieu et de mes saints Patrons, ces petites notes sur les Pandectes, très légères par elles-mêmes, mais assez [72] pénibles et laborieuses pour moi, novice, l'an 1591 après le salutaire Enfantement de la Vierge, au mois de juillet, le dixième jour, mémorable par le tremblement de terre que nous avons perçu à cinq heures et demie de l'après-midi, et par la solennité des sept Saints Frères.

            Et véritablement, les nations ont été troublées et les royaumes ont chancelé; il a élevé sa voix, et la terre a été remuée. Les Princes Italiens et Germains lèvent des troupes guerrières; déjà l'Anglais, l'Espagnol, le Français, ayant tiré le glaive, troublent l'air et la terre de gémissements et de sang; les royaumes d'Ecosse, d'Angleterre, de Danemarck sont tombés dans l'horrible gouffre des hérésies, ainsi que ceux de Pologne, de Hongrie, de Bohème; et, ce qui est au-dessus de toute douleur, nous voyons et contemplons avec larmes la couronne autrefois très chrétienne de France prête à se placer [73] sur la tête d'un hérétique, ou plutôt penchée vers un désastre lamentable!

            Dieu, Roi des rois, très bon et très grand, crie par la voix de Grégoire, accuse, gourmande: Evite l'hérétique. Qui n'est pas avec moi est contre moi; et Bélial n'est pas avec moi. Pourquoi aimez-vous la vanité, disant: Qui nous montre le bien? Je ne suis pas le renardeau qui saccagera les vignes. Pourquoi aimez-vous le mensonge connu par l'expérience de la promesse non gardée? Pourquoi recherchez-vous et aimez-vous le mensonge qui vous causera tant de déceptions dans l'avenir? que reste-t-il donc? Et la terre a été remuée. Cherchez donc d'abord le royaume de Dieu, et tout vous sera [74] donné par surcroît, afin qu'un roi soit établi par Dieu sur la sainte montagne de Sion, un roi qui proclame sa loi, qui croie en son nom et ne soit pasde la chair, mais de Dieu.

GLOIRE A DIEU. AMEN.

 

 

 

6) De Summa Trinitate et Fide catholica, et ut nemo de ea publice contendere audeat

 

TIT. PRIMUS

 

            Quandoquidem omne imperium Deo recteque de Deo sapientiae, veluti fundamento nititur, juxta illud Sapientis: Per me reges regnant (L. IIII), et: «Ab Jove principium,» ac etiam digniora praeferenda sint, jam initio recte ab ea tractatione exorditur Imperator [75] quae constitutiones ad rectae fidei dignitatem illaesam conservandam sanciendamque continet.

            Quia vero illis temporibus fides catholica de augustissimo Trinitatis misterio ab haereticis impugnabatur atque ab iisdem haereticis authoritas Sanctse Sedis Apostolicae et catholicorum Conciliorum contemnebatur, primum primi Libri titulum posuit: «DE SUMMA TRINITATE ET FIDE CATHOLICA. » Atque «Summam» appellat Trinitatem, quia cum plures sint trinitates in rebus creatis (trinitas enim non unitatem, sed trium realem distinctionem notat), «de Summa» ait cum de Divina tractat, quia caeterae ejus respectu infimae sunt. Eccli., 1: Unus est Altissimus.

            «Catholica» autem fides ea dicitur quae tam locorum quam hominum et temporum ratione universalis est et illimitata, hoc est quae omni tempore ex quo incepit ab universis hominibus Christianis (nam differentia Catholici et haeretici inter eos qui Christianam profitentur fidem tantum est) et in omni loco praecepta fuit atque confessa.

            Jam vero quod additur: «ET UT NEMO DE EA PUBLICE CONTENDERE AUDEAT,» ita intelligitur, ut contendere quidem non liceat de fide, cum vetemur esse contentiosi, id est, pertinaciter et verbose, opinioni propriæ adhaerentes. Licet enim de relligionis (sic) misteriis humiliter et cum submissione disserere, etiam aliquando publice, in concionibus contra haereticos, in publicis disputationibus et lectionibus; id enim non est de fide contendere, sed disputare, illustrandae veritatis gratia.

            Ergo, in ea «religione versari» quisque debet quam Petri successor tenet quamque Petrus Romanis tradidisse claret: haec est, ut Trinitatem in Unitate, et Unitatem in Trinitate veneremur. «Hanc legem sequentes,» soli Christiani Catholici dicendi sunt; reliqui, [77] insani et «dementes.» Item, «haeretici infames» appellentur qui a Principe ut res sese offeret punientur. Lex I.

            «Nulla haereticis ad exercendam animi obstinatioris dementiam pateat occasio; nullus haereticis ministeriorum locus;» quanto minus locus regius. Quicquid impetrant irritum est ac nullum; ac adeo jusjurandum illud a nobilibus Gallis obtentum, ex se nullum est.

            Concilii Niceni fides «ubique celebretur.» Porro, id Concilium «Filium Dei Christum, Deum de Deo» et «Lumen de Lumine» praedicat, itemque Spiritum Sanctum colit ac veneratur. Quod autem ait Imperator: «Quem ex summo rerum Parente speramus et accipimus,» non innuit opinionem illam Grecorum de processione Spiritus Sancti a Patre tantum, cum illa multis post seculis exorta sit; sed loquitur de receptione Spiritus Sancti gratiae; ita enim dicitur hominibus dari Spiritus Sanctus a Patre per Filium, quem mittet Pater in nomine meo. Tandem, «incorruptae,» id est perfectae, [78] «Trinitatis indivisa substantia» omnino credenda est. L. II.

            Plane L. III contentiones de fide prohibentur, quia contentiosus perfidus est et fractionis fidei causam quaerit. Prohibentur etiam disputationes publice coram turbis de fide disputare, ubi scilicet, vel scandali occasio daretur, vel prophanerentur misteria dum ante promiscuam Judeorum et infidelium porcorum turbam margaritae Christianae philosophiae progierentur. [L.] III.

            Imperium religione firmatur; Romana Ecclesia «caput est Ecclesiarum.» Quae L. I, II, III dicta sunt, imo toto hoc Titulo decreta authoritate Summi Pontificis confirmata sunt. L. IIII.

            «Filium Dei Patri consubstantialem secundum Divinitatem, et nobis secundum humanitatem» confitetur; Beatissimam etiam Virginem Mariam vere et proprie Dei Genitricem ac Matrem esse, nimirum ex qua Filius Dei, ex Patre «ante secula natus, incarnatus est» in tempore «de Spiritu Sancto.» …………………………………………................................................. [79]

            «Æquum est ut qui» statutis Summi Pontificis non parent, «ab Ecclesia habeantur extorres;» verumtamen «Ecclesia nunquam redeuntibus gremium suum claudit.» L. VI.

            Aureus est hic Titulus et plane augustus, saepeque legendus adversus novatores et sciolos ac politicos; quare pressius haec ex singulis Legibus adnotavi.

 

 

 

De la Souveraine Trinite et de la Foi catholique que personne ne doit se permettre d'en discuter en public

 

TITRE PREMIER

 

            Etant donné que tout pouvoir appartient à Dieu et s'appuie avec raison sur le Dieu de sagesse comme sur un fondement, selon ce mot du Sage: C'est par moi que régnent les rois (L. IV), et celui-ci: «De Jupiter vient le principe du pouvoir,» et que d'autres preuves majeures puissent être mises en avant, c'est avec raison que l'Empereur commence par cette considération le texte qui [75] contient les constitutions destinées à maintenir et sanctionner intégralement la dignité de la vraie foi.

            Mais parce que, à cette époque, la foi catholique au sujet du très auguste mystère de la Trinité était attaquée par les hérétiques, et que ces mêmes hérétiques méprisaient l'autorité du Saint-Siège Apostolique et des Conciles catholiques, il pose comme premier titre du premier Livre: «DE LA SOUVERAINE TRINITE ET DE LA FOI CATHOLIQUE.» Et il donne à cette Trinité le nom de «Souveraine» parce que, comme il y a plusieurs trinités dans les choses créées (car trinité désigne non l'unité, mais la réelle distinction des trois parties), il emploie le mot «Souveraine» quand il parle de la Trinité divine, parce que les autres sont infimes en comparaison de celle-ci. Ecclésiastique, 1: Le Très-Haut est unique.

            Or, la foi appelée «catholique» est celle qui, en raison tant des [76] lieux que des hommes et des temps, est universelle et sans limites, c'est-à-dire, qui à toutes les époques, depuis qu'elle a commencé, et en tous lieux, fut enseignée et confessée par tous les Chrétiens (car la différence du catholique de l'hérétique existe seulement parmi ceux qui professent la loi chrétienne).

            Quant à ces paroles ajoutées: «QUE PERSONNE NE SE PERMETTE D'EN DISCUTER EN PUBLIC,» voici comment il faut les entendre: il n'est pas permis de discuter de la foi, puisqu'il nous est défendu d'être contentieux, c'est-à-dire de nous attacher à notre opinion personnelle avec obstination et verbeusement. Il est permis, en effet, de disserter sur les mystères de la religion avec humilité et soumission, même quelquefois en public, dans des conférences contre les hérétiques, dans des discussions et cours publics; car cela n'est pas mettre la foi en cause, mais échanger ses pensées pour éclairer la foi.

            Donc, tout homme «doit appartenir» à cette «religion» que professe le successeur de Pierre et qu'il est prouvé que Pierre a transmise aux Romains: elle consiste à vénérer la Trinité dans l'Unité et l'Unité dans la Trinité. Seuls, les chrétiens «qui suivent cette loi» doivent être appelés Catholiques; les autres ne méritent que le nom d'insensés et de «fous.» De même, que les [77] hérétiques soient appelés «infâmes», et qu'ils soient punis par le Prince selon l'occurence. (1re Loi.)

            «Que nulle occasion ne soit donnée aux hérétiques d'exercer la folie de leur esprit obstiné; qu'il ne soit accordé aucun ministère aux hérétiques;» combien moins la dignité royale. Tout ce qu'ils obtiennent est non avenu et nul; ainsi, ce serment obtenu des nobles Français est nul en lui-même.

            Que la foi du Concile de Nicée «soit honorée partout.» Donc, ce Concile proclame «le Christ Fils de Dieu, Dieu de Dieu» et «Lumière sortie de la Lumière,» et il honore de même et vénère le Saint-Esprit. Or, les mots de l'Empereur: «Lui que nous espérons et que nous recevons du souverain Père de toutes choses,» ne confirment pas cette opinion des Grecs, que le Saint-Esprit procède du Père seulement, puisqu'elle n'est apparue que plusieurs siècles après; mais il parle de la réception de la grâce du Saint-Esprit, car il est dit ainsi, que l'Esprit-Saint est donné aux hommes par le Père au moyen du Fils, que le Père enverra en mon nom. [78] Enfin, il faut entièrement croire «indivise la substance de la Trinité pure,» c'est-à-dire parfaite. (L. II.)

            La troisième Loi interdit entièrement les contentions au sujet de la foi, parce que l'homme contentieux est perfide et cherche à briser l'unité de la foi. Sont interdites aussi les discussions publiques devant les foules, ce qui pourrait donner occasion ou de scandale, ou de profaner les mystères en offrant les perles de la philosophie chrétienne à cette tourbe confuse de porcs, Juifs et infidèles. (L. III.)

            Le pouvoir s'appuie sur la religion; l'Eglise Romaine est «la tête des Eglises.» Ce qui est dit dans les Lois I, II, III, et même tous les décrets compris sous ce Titre, tout cela a été confirmé par l'autorité du Souverain Pontife. (L. IV.)

            Il professe que «le Fils de Dieu est consubstantiel au Père selon la Divinité, et à nous selon l'humanité;» et aussi que la bienheureuse Vierge Marie est vraiment et proprement la Mère de Dieu, car c'est d'elle que le Fils de Dieu, «né du Père avant les siècles, s'est incarné» dans le temps «par le Saint-Esprit.»

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            «Il est juste que» ceux qui n'obéissent pas aux décisions du Souverain Pontife «soient considérés par l'Eglise comme bannis;» cependant, «l'Eglise ne ferme jamais son sein à ceux qui reviennent.» (L. VI.)

            Ce Titre est précieux et tout à fait auguste, et digne d'être lu souvent contre les novateurs, les demi-savants et les politiques; c'est pourquoi j'ai pris ces notes avec plus de précision, en les extrayants de chaque Loi une à une.

 

 

 

7) Témoignages de la haine de François de Sales pour l'hérésie, de sa vénération pour la sainte Croix et de la bonté de son cœur.

 

DE HAERETICIS ET MANICHEIS ET SAMARITIS. TIT. VIII

 

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            Hæreticus a quolibet accusari potest; [L.] IIII. Secularibus dominis extirpantibus hsereticos, a quolibet Catholico bona auferri possunt; quod si dominus superior, ut Rex, obstare velit, ipse imperio privabitur.

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            Haereticorum scripta comburantur; [L.] VIII. Haeretici [80] ab authore suo, non a Christo denominationem accipiant; ut a Calvino Calvinitae. [L.] VI.

            Titulus aureus est.

 

NEMINI LICERE SIGNUM SALVATORIS CHRISTI HUMI VEL IN SILICE VEL IN MARMORE, AUT INSCULPERE AUT PINGERE

TIT. XI

 

            Quia non videtur satis pium eo loco pingi tantum signum, scilicet Crucis, et loco exprimi quo pedibus conteri possit. — Adeste, iconoclastæ! — Qui secus faxit, capite plectatur.

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            AUREA EST ET MAJUSCULIS LITTERIS DIGNALEX IX, ex qua id habetur: IGNE PUNIANTUR FAMILIARES PRINCIPIS SI VEXENT PROVINCIALES.

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DES HÉRÉTIQUES, MANICHÉENS ET SAMARITAINS. TITRE VIII

 

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            Un hérétique peut être accusé par n'importe qui; L. IV. Les seigneurs temporels détruisant les hérétiques, les biens de ceux-ci peuvent être enlevés par n'importe quel catholique; si un seigneur d'un rang supérieur, comme un roi, veut s'y opposer, il sera lui-même privé du pouvoir.

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            Que les écrits des hérétiques soient brûlés; L. VIII. Que le [80] nom dont on désigne les hérétiques soit tiré du nom de l'auteur (le l'hérésie et non de celui du Christ; comme on dit Calvinistes, du nom de Calvin. L. VI.

            Ce Titre est précieux comme de l'or.

 

IL N'EST PERMIS A PERSONNE DE SCULPTER OU DE PEINDRE LE SIGNE DU CHRIST SAUVEUR A TERRE, OU DANS LA PIERRE OU DANS LE MARBRE

TITRE XI

 

            Car il ne semble pas assez respectueux de peindre un signe si grand, à savoir la Sainte Croix, et de le représenter en un endroit où il pourrait être foulé aux pieds. — Venez, briseurs d'images! — Que celui qui contrevient à cette Loi soit condamné à la peine capitale.

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            EST PRÉCIEUSE COMME DE L'OR ET DIGNE DE LETTRES MAJUSCULES LA IXe Loi, où l'on trouve ceci : QUE SOIENT PUNIS DU FEU LES FAMILIERS DU PRINCE, S'ILS PERSÉCUTENT LES HABITANTS DES PROVINCES.

………………………………………....................................................................................... [81]

 

 

8) Harangue de remerciment aux docteurs de Padoue, 5 septembre 1591

 

            Etsi satis apud me reputo quantum existimationis meae intersit ut eas vobis gratias agere enitar, quas exigit a me maximas sacrosanctum illud quod hodierna die in me collocastis beneficium, Reverendissime Proantistes, venerande Prior, Patres conscripti; cum [82] tamen iis agendis, ut par est, neque me satis esse, et vos gravissimis occupationibus intentos interesse commode non posse, cognoscam; vestrae commoditatis quam meae ipsius existimationis amantior, ab hoc debito grati animi officio libenter abstinuissem. Verum meum hoc tam alieno loco et tempore silentium ejusmodi esse censeo, ut in eo cum mea vestra quoque conjuncta sit existimatio. Si etenim me negligentem, ingratum ac stupidum adeo, ut praesens ac tantum munus non cognoscerem, nobilissimus iste consessus judicaret, quales vos esse judices diceret, qui tam praeclarum jamjam de me tulistis judicium?

            Occurram ergo iis de vobis ac de me cogitationibus. Agnosco, spectabiles Auditores, hoc in me collatum ab iis eximiis Patribus beneficium ejus esse generis, ut majus expectari in hac mortalitate non possit. Caetera enim vel fortunae vel corporis sunt ornamenta; hoc unum doctoratus ipsam exornat virtutem, quae per se ornatissima [83] est; atque eo majus splendidiusque munus hoc existimo, quod non solum laurea, sed laurus ipsa mihi per hoc Gymnasium collata est; hoc est, non me solum doctorem fecit, sed etiam dignum qui doctor forem et nuncuparer.

            Initia sane litterarum patria carissima ad naturam addidit, quibus instructum parens optimus, optima spe me in dies doctiorem videndi concepta, in Academiam Parisiensem emisit, eo tempore florentissimam ac frequentissimam. Jam vero, heu! quse rerum est vicissitudo! belli terroribus tabescit inclyta litterarum parens Lutetiana schola, ac solitudinem, quam Deus optimus avertat, prima fronte minitatur. In hac humanioribus litteris primo operam navavi sedulus, tum universae [84] philosophiae, eo faciliori negotio ac uberiori fructu, quod philosophiae ac theologiae schola illa ita sit addicta, ut ejus tecta propemodum ac parietes philosophari velle videantur.

            Verum hucusque nullam sacrosanctae Juris scientiae operam posueram: at ubi ponendam postea decrevi, nullo fuit opus consilio, quo me verterem, quo me conferrem; ad se statim hoc Patavinum Gymnasium me sua celebritate pertraxit, plane faustis ominibus; quoniam per id tempus doctores ac lectionibus praefectos [85] habebat eos quibus nunquam habuit, nec deinceps est habitura majores: Guidum Pancirolum, jurisprudentiae principem, lumen ac decus vestrum, Patres, nulla unquam tempestate periturum. Tune mihi Jacobi Menochii voces audire vivas licuit, cujus mortuas, id est praeclare scripta, cuncti mirantur ac suspiciunt, et cujus recessus Academiae magno futurus erat utique detrimento, [86] nisi in ejus locum Angelus Matheaceus, vir omni disciplinarum genere cumulatissimus, maturo plane consilio, non iniqua permutatione suffectus fuisset. Quid pulchrius? Juris canonici disciplinam ex eo monticulo derivatam haurire licebat, cujus verticem, veluti Parnassum alium, sorores musae, dubio procul, incolunt.

            Postea doctissimum Otellium habuit, qui ita doctrinae soliditatem jucunditate condire sciat, ut «omne punctum» tulisse videatur, qui scilicet misceat «utile dulci.» Docebat praeterea excellentissimus Castellanus, qui mihi [87] eo tantum nomine extra ordinem docere videtur, quod extra praeterque ordinem, ac captum communem doctus sit et doceat. Primis denique, ut caeteros ommittam quam plurimos, juris scientiæ jaciendis fundamentis optime præerat Trevisanus.

            Hisce praeceptoribus fere omnibus quidquid in me est civilis disciplina, ab hoc vestro Collegio, Patres, ad me derivatum est, quod tale judicastis, ut ad lauream consequendam satis esse sententia vestra pronuntiaveritis, [88] sententia, inquam, ea quae transeat in rem judicatam. Duplicem ergo ab hac schola beneficentiam sum consecutus, quarum utra major sit nescio, utramque maximam esse non ignoro; nimirum ut doctor sim, et ut doctor esse potuerim.

            Hinc quantam possem maximam grati animi significationem tempus hoc locusque postularent; sed quoniam pro tanti beneficii dignitate, [nec] eloquentia mihi, nec vobis otium suppetit, longioris orationis instar coram hoc nobilissimo consessu hanc animi contestationem recipite libenter ac benigne. Ego huic celeberrimo doctorum Collegio, qualiscumque sum, me totum debeo, spectabiles Auditores: ita testor, ita profiteor.

            Tibi, Christe, Deus immortalis; gloriosissimae Matri, Angelo praesidi, Beato Francisco cujus me nomine vocari plurimum delector, laus, honor, benedictio et gratiarum actio. Tu, Lex aeterna, legum omnium Regula, legem pone mihi viam justificationum tuarum in medio cordis mei; quoniam beatus est quem tu erudieris, Domine, et de lege tua docueris eum. [89]

            Quod reliquum est age, quaeso, illustrissime Pancirole, praeceptor colendissime, purissimis ac beneficentissimis illis tuis manibus iis me ornamentis insignitum facias, quibus tali loco constitutos Gymnasium hoc alumnos suos dimittere consuevit exornatos.

 

 

 

            Bien que je me rende assez compte en moi-même de quelle importance il est pour ma réputation de vous adresser autant que je le puis les très vifs remerclments qu'exige de moi le saint et sacré bienfait que vous m'accordez aujourd'hui, Révérendissime Vicaire général, vénérable Prieur, Pères conscrits: [82] cependant, ne me sentant pas capable de vous les présenter tels qu'il le faudrait et connaissant les graves occupations qui vous empêchent d'y prêter une longue attention, plus soucieux de vos intérêts que de ma propre renommée, je me serais volontiers abstenu de ce devoir de reconnaissance. Mais j'estime que mon silence, en ce heu et dans cette circonstance qui le condamneraient, serait de tel effet qu'il nuirait autant à votre réputation qu'à la mienne. Si, en effet, cette très noble assemblée me jugeait trop négligent, ingrat et faible d'esprit pour ne point reconnaître une faveur si actuelle et si grande, que penserait-elle des juges qui ont porté de moi, à l'instant, un si glorieux jugement?

            J'irai donc au devant de ces pensées que l'on pourrait former à votre sujet et au mien. Je reconnais, honorables Auditeurs, que ce bienfait qui m'a été conféré par ces Pères éminents est de telle sorte qu'on n'en peut attendre de plus grand en cette vie. En effet, les autres avantages ne sont que les ornements de la fortune ou de la personne; mais seul celui du doctorat est l'ornement du mérite [83] lui-même, qui d'ailleurs est, de soi, fort glorieux; et j'estime cet honneur d'autant plus grand et éclatant que ce n'est pas seulement une couronne de laurier que ce Collège m'a conférée, mais le laurier lui-même: car il ne m'a pas fait docteur seulement, mais il m'a rendu digne de le devenir et d'en porter le titre.

            Certes, ma très chère patrie a ajouté en moi à la nature les commencements des belles-lettres, et lorsqu'il m'en vit pourvu, mon excellent père, dans l'espoir de me voir de jour en jour plus docte, m'envoya en l'Université de Paris, très florissante alors et très fréquentée. Mais aujourd'hui, hélas, quel changement! Cette école de Paris, mère illustre des lettres, est désolée par les terreurs de la guerre et, à première vue (que Dieu écarte ce malheur!), est sous la menace de devenir déserte. C'est là que je me suis appliqué d'abord aux belles-lettres, puis à toutes les parties [84] de la philosophie, avec d'autant plus de facilité et de fruit que ses toits, pour ainsi dire, et ses murailles semblent philosopher, tant elle est adonnée à la philosophie et à la théologie.

            Jusqu'alors, je n'avais consacré aucun travail à la sainte et sacrée science du Droit: mais lorsque, ensuite, j'eus résolus de m'y employer, je n'eus aucunement besoin de chercher où je devais me tourner, où je devais me porter; ce Collège de Padoue m'attira aussitôt par sa célébrité, et sous les plus favorables augures, car, [85] en ce temps, il avait des docteurs et des lecteurs tels qu'il n'en eut et n'en aura jamais de plus grands: Guido Panciroli, prince de la jurisprudence, votre lumière et votre gloire, Pères, et qui ne périra jamais. Il me fut encore permis d'entendre les paroles vivantes de Jacques Menocchio dont tout le monde admire et révère les paroles mortes, je veux dire ses admirables écrits, et dont la retraite aurait apporté grand dommage à cette Académie, si Ange Matteazzi, maître [86] consommé en toutes sortes de sciences, n'eût été mis en sa place après mûre délibération et par un très juste échange. Quoi de plus beau? Il m'était permis de puiser la science du Droit canon à la source dérivée de cette colline dont, sans aucun doute, les muses habitent le sommet comme un autre Parnasse.

            Ensuite, cette Université eut le très docte Otellio qui sait si bien assaisonner d'agrément la science la plus solide, qu'il semble, sachant «unir l'utilité à la douceur,» avoir «emporté tous les suffrages.» Un autre maître était le très excellent Castellano [87] dont l'enseignement, à mon avis, n'est si extraordinaire que parce que sa science est, comme son enseignement, en dehors et au-dessus de l'ordre et de l'intelligence ordinaires. Enfin, car je dois omettre un fort grand nombre d'autres noms, le Trevisan posait excellement les premiers fondements de la jurisprudence.

            Grâce à presque tous ces maîtres, Pères, tout ce que je possède de science civile est dérivé de votre Collège jusqu'à moi, et vous l'avez jugée telle que, par votre sentence, vous l'avez déclarée suffisante pour m'acquérir la couronne de laurier, et cette sentence [88] devient un jugement définitif. J'ai donc reçu deux bienfaits de cette école, et je ne sais quel est le plus grand, mais je n'ignore pas que tous deux sont très grands; c'est à savoir, que je suis docteur et que j'ai eu le moyen de le devenir.

            Aussi, cette circonstance et ce lieu exigeraient-ils de moi la plus vive démonstration de gratitude; mais puisque pour un bienfait si grand et si précieux, il nous manque, à moi l'éloquence, et à vous le loisir, à la place d'un plus long discours, recevez avec indulgence et bienveillance cette protestation de mes sentiments devant cette très noble assemblée. Tel que je suis, je me dois tout entier, honorables Auditeurs, à ce très célèbre et savant Collège: je l'atteste, je le proclame.

            A vous, Christ, Dieu immortel; à votre très glorieuse Mère; à l'Ange gardien, à saint François dont je suis heureux de porter le nom, louange, honneur, bénédiction et action de grâces. O Loi éternelle, Règle de toutes lois, donnez-moi pour loi le chemin de vos justifications au milieu de mon cœur; car, bienheureux est celui que vous avez instruit, Seigneur, et à qui vous avez enseigné votre loi. [89]

            Pour ce qui reste, faites-le, s'il vous plaît, très illustre Panciroli, mon très honoré maître, et, de vos mains si pures et bienfaisantes, décorez-moi de ces ornements dont cette Université a coutume d'honorer, avant de les congédier, les élèves auxquels elle a conféré la dignité qu'elle m'acccorde.

 

 

 

Extraits du manuscrit du cours de droit

(Suite)

 

9) 17 septembre-20 novembre 1591. Travail interrompu. — L'itinéraire et les péripéties d'un voyage à Rome ; pourquoi il a été manqué. — Mort de Grégoire XIV et élection du nouveau Pontife. — Vœux du saint jeune homme à cette occasion. — Une «porte plus grande que tout l'édifice».

 

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            Ita ex Tit. 3 lib. quaedam pauca eruebam anno 1591; mense Sept., die 17, Stigmatibus S. Patris Francisci memorabili, hoc studium ommittere coactus fui, ommittoque [90] donec Deus otium commodum dederit. Ipsi laus et Matri.

 

LIBER OUARTUS

DE REBUS CREDITIS ET JUREJURANDO

TIT. I

 

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            Cum die 8. Oct. 1591 Venetiis navem ingressi, prima noctis hora ventis vela dedissemus perincommoda navigatione, minime tamen periculosa (quod Dei est beneficium), 18 ejusdem mensis, qui dies S. Lucae sacer erat, primo diluculo Anconam appulimus. Inde, eodem die Lauretum ingressi, 19 sacris Pœnitentiae et Eucharistiae susceptis Sacramentis, ac Deo et ipsius Matri in sacro ipsorum cubiculo prœcibus fusis. Postridie, audito sacro Missœ, cum Romam versus procedere decrevissemus, sicariorum metu, qui ad mille numerum auxisse totamque Anconitanam plagam, maxime itinera Romana infensissime vastare dicebantur, unde veneramus retro [91] invitis sane passibus, iter intendimus atque paululum flexa via, Cirolitanam Christi Domini in cruce vivi pendentis, quam S. Lucas pinxisse dicitur, effigiem vidimus. Et inox Anconae eadem prorsus qua delati fueramus, navi; ac fortunato Clodiensi parone eodem usi, multo magis quam antea aspera velificatione, 5° die Novembris ad columnas areae maximae S. Marci, naulo recte soluto, [92] sub vesperam exscendimus, mixta de interrupta peregrinatione Romana, quam maxime desiderabamus, mestitiae gratulatione, quod incolumes tandem in solido pedem figere liceret.

            Id vero incommodum et periculosum iter Romanum per Anconitanam plagam vel maxime fecerat quod Gregorius XIIII, Pontifex, longo ac ancipiti morbo diu vexatus, humanis nuantium remiserat; quod ingredientibus nobis Anconam certa denunciatione primum cognovimus. Enimvero tunc rectore ac domino remoto furere, ac pessima quaeque aggredi sicariorum perdita turba, neque vero novi Pontificis electio brevi futura credebatur. Quare, de regressu cogitandum eo vel maxime fuit, quod non nisi equo peregrinari assuetis tribus, D. Joanne Deage, prœceptori colendissimo, et Galesio [93] fratri, et mihi, cum tantum 28 coronati superessent, equos non nisi triginta datis coronatis attribuere proxenetae ac ductores recusabant. Quare, redire coacti, in portu Caesanatico, incerta tamen voce, Cardinalem Sanctorum Quattuor, sive Facquinetum, Bononiensem, ad summum Pontificatum evectum fuisse, omnibus plaudentibus audivimus. Quod postea Clodii re confirmata, partim campanarum festivo sonitu, partim referentibus civibus credidimus, atque Venetiis de ejus nomine Innocentius Nonus certiores redditi sumus. [94]

            Faxit Deus opt. max., ut ejus diu desideratis auspiciis, universa toto orbe, Catholica Ecclesia, maxime vero Gallicana, eam experiatur tranquillitatem quae ad bene beateque vivendum ita conferat, ut populi Catholici, de manu inimiconim suorum liberati, in sanctitate et justitia coram ipso, serviant illi omnibus diebus vitae suae, «cui servire regnare est,» et gens et regnum quse illi non servierit peribit.

            Haecque per otium, ad memoriam scribebam, die 20 Novembris 1591.

            Quo tempore recepto cursu quem per universos Juris Titulos inceperam ante facere, in suprascriptum, De [95] rebus creditis et jurejurando, incidi; quo lustrato, quandoquidem nihil reperi quod titulo De rebus creditis consonaret, cum omnia de jurejurando tractent, januam toto aedificio majorem admiratus. Nihil praeterea quae in similibus titulis (lib. XII ff) adnotare placuit; nisi illud forsitan fuisse additam partem eam tituli De rebus creditis ut videlicet Codex domini Justiniani, saltem in speciem, hoc nobilissimo titulo destitutus, inferior libris Pandectarum jurisconsultorum non videretur. [96]

 

 

 

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            Ainsi je détachais quelques extraits des Titres du troisième Livre, l'an 1591; au mois de septembre, le 17me jour, jour rendu mémorable par les Stigmates du saint Père François, je fus forcé [90] d'abandonner ce travail, et je l'abandonne jusqu'à ce que Dieu me donne loisir et commodité. Gloire à lui et à sa Mère.

 

LIVRE QUATRIÈME

DES CRÉANCES ET DU SERMENT

TITRE PREMIER

 

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            Comme le 8 octobre 1591, nous étant embarqués à Venise à la première heure de nuit, nous avions mis à la voile, le 18 du même mois, jour consacré à saint Luc, après une navigation très pénible, d'ailleurs nullement périlleuse (ce qui est un bienfait de Dieu), nous abordions dès l'aurore à Ancône. De là, le même jour, nous entrâmes à Lorette, et le 19, après avoir reçu les Sacrements de Pénitence et d'Eucharistie, nous répandîmes nos prières à Dieu et à sa Mère dans la sainte chambre habitée par eux-mêmes. Le lendemain, ayant entendu le saint Sacrifice de la Messe, comme nous avions résolu de nous diriger vers Rome, par crainte des brigands qui, disait-on, avaient élevé leur nombre jusqu'à mille et dévastaient [91] terriblement toute la plage d'Ancône, principalement les chemins menant à Rome, nous retournâmes, bien malgré nous, à l'endroit d'où nous étions venus ; puis, grâce à un léger détour, nous vîmes à Sirolo l'image du Christ Notre-Seigneur suspendu vivant à la Croix, que l'on dit peinte par saint Luc. Bientôt [nous atteignions] Ancône, nous étant servis du même navire sur lequel nous avions été précédemment portés; et toujours sur la même heureuse embarcation de Chioggia, mais par une traversée beaucoup plus pénible, après avoir bien payé les frais du voyage, nous débarquâmes le 5 novembre, vers le soir, aux colonnes de la grande place de Saint-Marc. A notre chagrin d'avoir dû [92] interrompre notre voyage à Rome, que nous regrettions beaucoup, se mêlait la joie de pouvoir poser le pied, sains et saufs, sur la terre ferme.

            Ce qui surtout rendit incommode et périlleux notre voyage à Rome par le territoire d'Ancône, c'est que le Souverain Pontife Grégoire XIV, longtemps victime d'une longue et dangereuse maladie, avait dit adieu à la vie; nouvelle que nous apprîmes d'abord par un rapport certain au moment même où nous entrions à Ancône. En effet, n'ayant plus à craindre de souverain ni de maître, une foule infâme de brigands se leva furieuse, et l'élection du nouveau Pontife ne paraissait pas devoir se produire bientôt; aussi fallut-il penser au retour. De plus, monsieur Jean Déage, mon vénérable précepteur, mon frère [93] Gallois et moi, nous n'avions l'habitude de voyager qu'à cheval : or, à nous trois, il ne nous restait que la somme de vingt-huit couronnes, et les courriers, ainsi que les guides, refusaient de nous accorder des montures à moins de trente couronnes. C'est pourquoi, obligés de retourner, au port de Césène nous apprîmes, au milieu des applaudissements universels, bien que la nouvelle ne fut pas encore certaine, l'élection au souverain Pontificat, du Cardinal des Quatre-Couronnés, ou Facchinetti, bolonais. La chose nous fut ensuite confirmée à Chioggia, en partie par la joyeuse sonnerie des cloches, en partie par ce que disaient les habitants, et, à Venise, nous sûmes qu'il avait pris le nom d'Innocent IX. [94]

            Fasse le Dieu très bon et très grand que, sous ses auspices pour longtemps désirés, l'Eglise catholique universelle, et surtout celle de France, éprouve cette tranquilité qui lui permette de vivre si bien et si heureusement, que les peuples catholiques, délivrés du bras de leurs ennemis, puissent, dans la sainteté et la justice, servir tous les jours de leur vie Celui «à qui servir c'est régner». Le peuple et le royaume qui ne le serviront pas périront.

            J'écrivais ceci à un moment de loisir, le 20 novembre 1591.

            A ce moment, reprenant la course que j'avais commencée de faire précédemment à travers tous les Titres du Droit, je suis tombé [95] sur celui qui est mentionné plus haut: Des créances et du serment. L'ayant parcouru et n'ayant rien trouvé qui se rapportât aux créances, car tout y traite uniquement du serment, j'ai été étonné de voir que la porte était plus grande que tout l'édifice. J'ai décidé alors de ne plus prendre en note ce qui se trouve sous des titres semblables (livre XII des Pandectes); sinon ceci, que peut-être cette partie du titre: Des créances, a été ajoutée, de peur, sans doute, que le Code du seigneur Justinien, privé d'un titre si noble, ne semblât inférieur, du moins en apparence, aux livres des Pandectes de nos jurisconsultes. [96]

 

 

10) Souvenir de l'examen subi par le nouveau docteur. Un titre à relire souvent. — Les usuriers et le fisc.

 

AD S. C. VELLEIANUM

TIT. XXIX

 

            Mulier non juvatur si sine obligatione pro alio solvat; [L.] 1. Non autem obligatur etiam pro filio, quin possit opponere Velleianum; [L.] III. Non juvatur contra promissionem pro dote filiae; L. XII. Quae fuit Lex quam sorte mihi pro Examine solemni attribuit Collegium Patavinum tractandam, hoc anno, 5 die mensis Septembris, Priore domino Quarantaotto.

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            Suntque alii casus in glossa Legis ultimae, quam glossam retuli cum recitarem in Examine. [97]

 

DE SECUNDIS NUPTIIS

 

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            Haec pauca ex multis quae toto Titulo dicuntur; quare hic Titulis utilissimae erit lectionis et relectionis ob subjectus singulare et frequens. LITTERIS VERO MAJUSCULIS INSCRIBENDUM QUOD DICITUR L. I, scilicet: «IN IIS IN QUIBUS CORRECTIONEM MORUM INDUCIMUS, FISCI RATIONEM HABERE» NON DEBEMUS. Cujus Legis observatio parum urget hoc tempore, usurarii enim et sordidissimi quique fceneratores, postquam provinciam integram ad inopiam redegerint, si corripiantur, fisco omnia addicuntur; qua, sane, ratione nescio, cum ea non sint bona foeneratorum, sed pauperum debitorum. [98]

 

 

 

POUR LE SENATUSCONSULTE VELLEIEN

TITRE XXIX

 

            La femme ne reçoit pas de secours [du Sénatusconsulte Velléien] si elle paye pour autrui sans s'être obligée; Loi 1re. Or, elle n'est pas obligée, même pour son fils, le Sénatusconsulte Velléien ne lui permettant pas de s'obliger; Loi III. Elle n'en reçoit pas non plus de secours quand elle promet de doter sa fille; Loi XII. C'est cette Loi que, par voie de tirage au sort, m'attribua pour mon examen solennel le Collège de Padoue, en cette année, le 5 septembre, messire Quarantotto étant Prieur.

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            Et il y a d'autres cas dans la glose de la dernière Loi, glose que j'ai rapportée en expliquant la Loi dans mon examen. [97]

 

DES SECONDES NOCES

 

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            Ces quelques notes sont prises parmi les nombreuses matières traitées dans tout le Titre; c'est pourquoi il sera très utile de le lire et relire, à cause du sujet si particulier et d'une application si fréquente. MAIS IL FAUT ECRIRE EN LETTRES MAJUSCULES CE QUI EST DIT DANS LA 1re Loi: «DANS CES CHOSES MEMES OU NOUS INTRODUISONS UNE REFORME DES MŒURS, NOUS NE DEVONS PAS TENIR COMPTE DE LA QUESTION D'ARGENT.» L'observation de cette Loi n'est pas d'une nécessité urgente aujourd'hui, car les usuriers et les prêteurs à gages les plus sordides, lorsqu'ils ont réduit à l'indigence une province jusqu'alors intacte, s'ils se laissent saisir, tous leurs biens reviennent au fisc; pour quelle raison, je l'ignore, car ces biens ne sont pas ceux des usuriers, mais ceux des débiteurs pauvres. [98]

 

 

 

11) [Fin novembre-décembre] 1591. Mme de Boisy. — Importance de la loi de l’inventaire ; le signe de la Croix. — Pourquoi le jeune docteur met fin à son travail.

 

DE DONATIONIBUS INTER VIRUM ET UXOREM

ET A PARENTIBUS IN LIBEROS FACTIS, ET DE RATIHABITIONE

[TIT.] 16

 

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            Mater, constante matrimonio, tilio dare potest, dum tamen nihil quaeratur marito. Quod fecerat optima et charissima mater erga me, dum solum me et unicum haberet filium; postea tamen revocata est hujusmodi donatio, non ulla materni amoris remissione, sed fratrum, quibus Deus benedicat, accessione: quos ut non mihi sic nec me illis praeferre, communis et prudentissima parens judicavit.

            Tribuat ei Omnipotens, secundum magnam misericordiam suam, benedictionem cæli desuper, gratiam et gloriam.

………………………………………………………………………………………………… [99]

 

DE JURE DELIBERANDI

ET DE ADEUDA VEL ACQUIRENDA HÆREDITATE

TIR. 30

 

            Lex ultima est lex ea «benefica», quam vocant; qua jus inventarii conficiendi continetur, ne haeres ultra vires haereditarias teneatur. Qua amplissima Lege inventarii conficiendi modus praescribitur, tempus, ratio et caetera; quare ea est videnda in suo fonte. Sed venerabile Crucis signum inventario pneponi debere observabis.

 

DE EDICTO DIVI ADRIANI TOLLENDO

ET QUEMADMODUM SCRIPTUS HCERES IN POSSESSIONEM MITTATUR

[TIT.] 33

 

……………………………………………………………………………………………………..

            Laborum inspectionumque singulorum Tituiorum pertsesus, ab incoepto cursu destiti intermittoque, donec Deus aliud faciat otium; atque ad Novellarum [100] Titulum transcurrebam, nisi item idemque D. Jacobus Cujacius in eam Juris partem brevissimas, ut solet, fecisset animadversiones.

DEO LAUS ET VIRGINI MATRI.

Revu sur le Manuscrit autographe appartenant au comte de Buffieres, chateau de Milliassiere (Isère). [101]

 

 

 

DES DONATIONS ENTRE MARI ET FEMME ET DE CELLES FAITES PAR LES PARENTS A LEURS ENFANTS, ET DE LA RATIFICATION

TITRE XVI

 

…………………………La mère, pendant le mariage, peut donner à son fils, pourvu toutefois que rien ne soit acquis au mari. C'est ce qu'avait fait pour moi ma très bonne et très chère mère lorsqu'elle n'avait encore que moi comme seul et unique fils; dans la suite, pourtant, cette donation fut révoquée, non par une diminution de son amour maternel, mais parce qu'il m'était survenu des frères, que Dieu bénisse: notre commune et très sage mère a jugé que, de même qu'elle ne les préférait pas à moi, ainsi elle ne me préférait pas à eux.

            Que le Tout-Puissant lui accorde, selon sa grande miséricorde, la bénédiction du ciel en haut, la grâce et la gloire……………………………………………………………………… [99]

 

DU DROIT DE DELIBERATION. De L'ACCESSION A L'HERITAGE ET DE SON ACQUISITION

TITRE XXX

            La dernière Loi est celle que l'on appelle «bienfaisante». Elle contient le droit de faire l'inventaire, de peur que l'héritier ne soit obligé au-delà de ses capacités d'hoirie. Cette Loi très importante prescrit la façon de procéder à l'inventaire, le moment, la méthode, etc.; c'est pourquoi il faut la voir à sa source. Mais tu observeras que l'inventaire doit être précédé du vénérable signe de la Croix.

 

DE L'APPLICATION DE L'EDIT DE L'EMPEREUR ADRIEN, ET COMMENT CELUI QUI

EST INSCRIT HERITIER EST ADMIS A LA POSSESSION

TITRE XXXIII

 

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            Fatigué de mes efforts et de l'étude de chaque Titre, j'ai renoncé à continuer la course commencée, et je l'interromps, jusqu'à ce que Dieu me fasse de nouveaux loisirs; et j'aurais passé au Titre [100] des Novelles si, de la même façon, Jacques Cujas n'avait fait pour cette partie du Droit des remarques très brèves, selon sa coutume.

LOUANGE A DIEU ET A LA VIERGE-MÈRE. [101]

 

 

C) Période du Chablais et d'Annecy 1592-1622

 

VIII

 

1) Mourir pour vaincre [1592-1594] (Inédite)

 

            Samson, pour accables (sic) l'assemblee ennemie

Des chefz Philistinoys, ne pouvant accraser

Leur hostel dessus sans y perdre sa vie,

Pour les vaincre voulut luymesme trespasser.

 

            Ainsy, si vous voules en ce brave combat

Dessus vos ennemis emporter la victoyre,

Il faut, bien resouluz, de mourir fayre estat;

Et, telz qu'un viel phoenix qui, sa vielle foiblesse,

Sur un mont debattant, change en gaïe jeunesse,

Vous prendres en la mort un vif estre immortel.

 

            Aussy, si vous moures en combattant, la gloyre

Du combat vous demeure; vous aures la victoyre,

Vous seres triomphans d'un triomphe [im]mortel.

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Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy. [102]

 

 

 

2) Qu'est-ce que combattre l'ennemi spirituel ? [1592-1594] (Fragment inédit)

 

            Combattre l'ennemy spirituel et mortifier ses inclinations n'est autre que les rejetter et n'en fayre nomplus d'estat que si elles estoit (sic) mortes ou n'estoit poinct ; a quoy chascun doit mettre grand peyne, nostre nature estant tellement corrompue qu'elle nous va quasi tous-jours mouvant au mal fayre en toutes sortes de vacations que nous puyssions suyvre; et partant, chascun la doit vaillamment combattre et mortifier ses mouvemens.

            Dequoy je vous ay bien voulu escrire ce mot, affin de respondre [au commun]…………..

 

Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy. [103]

 

 

 

IX. Souvenirs de faveurs surnaturelles reçues

 

1) Retraite preparatoire aux saints Ordres, 19 mai 1593

 

            François, tu te dois souvenir que Dieu t'a faict beaucoup de misericordes le dix neufviesme de may 1593, par les intercessions du glorieux saint Celestin, protecteur de ta retraitte preparatoire aux Ordres.

 

Revu sur un ancien Ms. de l'Année Sainte de la Visitation, conservé

au Ier Monastère d'Annecy.

 

 

 

2) Pendant la mission du Chablais, 19 avril [1595 ou 1596]

 

            Amor meus furor meus! Mon amour est toute ma fureur. Il me semble, en effect, que mon zele se soit changé en une fureur pour mon Bienaymé; et je dois redire souvent ces petitz vers: [104]

                        Est ce l'amour ou la fureur

                        Qui me presse, o divin Sauveur?

                        Ouy, mon Dieu, ce sont tous les deux,

                        Car je brusle quand je vous veux.

 

Revu sur le texte inséré dans un ancien Ms. de l'Année Sainte de la

Visitation, conservé au Ier Monastère d'Annecy.

 

 

 

3) En la fête du Saint-Sacrement, 25 mai 1595

 

            «Le vingt-cinquiesme de may 1595, jour auquel l'Eglise solemnise la feste du Corps de nostre Sauveur et Redempteur Jesus-Christ, à trois heures du matin, comme il meditoit profondement sur le tres-sainct et tres-auguste Sacrement de l'Eucharistie, il se sentit ravy à une si grande abondance de suavité par le Sainct Esprit,...que son cœur se laissant aller par trop de delices, il fut en fin contrainct de se jetter par terre...» Il y «demeura assés de temps prosterné de son long et criant:»

            Domine, confine undas gratiae tuae! Domine, recede a me, quia non possum sustinere tuae dulcedinis magnitudinem, unde prosternere me cogor.

 

Revu sur le texte inséré dans le Ier Procès de Canonisation.

 

 

 

X. Essais de poesie

 

1) La Transfiguration et le Cœur de Jesus, 6-15 août 1598 (Inédite)

 

                        Nous avons veu, Seigneur, ceste face si claire,

                        Plus claire mille fois que n'est le beau soleil

                        Lhors qu'en son plein mydi le plus fort il esclaire

                        Et que cest univers il regarde a plein œil.

 

                        Mais, si tel est le cors, combien est plus luysante

                        La gloire de ton cœur, de ton cœur tout heureux

                        D'une fœlicité sur tout autre abondante,

                        Qui, des son premier point, le rendit glorieux. [106]

                        Cœur si plein de splendeurs, que mesme il les espanche

                        Dessus tous tes habitz, que mesm'il a fait voir

                        Si blancz et radieux, qu'une neige si blanche

                        De monstrer a nos yeux le ciel n'a le pouvoir.

 

                        Hé, qui doutera donq qui (sic) ne rayonne encore

                        Dessus son serviteur qui le sert humblement

                        Et parmi les travaux de ce monde l'honnore,

                        Demeurant joint a luy comme son vestement ?

 

                        Sus donq! vous qui voyes quelle gloire environne

                        Le chef de vostre Dieu plein de felicité,

                        Remarques que le pris d'une telle couronne

                        Ne peut estre gaigné que par l'humilité.

 

Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Turin.

 

 

 

2) En l'honneur du Saint-Sacrement 6-15 août 1598 (Inédite)

 

                        Nous confessons, o Seigneur Dieu,

                        Que ton cors est [en] ce lieu.

                                               Ta parole

                                               N'est frivole,

                                   Ni ton Eglise aussi,

                                   Laquelle le croit ainsy.

 

                                   Nous admirons ta bonté

                                   Adorans ta majesté [107]

                                               Qui, presente,

                                               Se contente

                                   En ces bas lieux se ranger

                                   Pour mieux se faire manger.

                                   O Pain caeleste et vivant,

                                   Tout esprit t'aille adorant,

                                               L'homme et l'Ange

                                               Qui te mange:

                                   L'homme, au Sacrement, couvert,

                                   Et l'Ange, au Ciel, descouvert.

 

Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Turin

 

3) La Croix septembre ou octobre 1598 (Fragment inédit)

 

            ……………………………………………………………………………………………

            Mais, quand a moy, j'estime asses puissante

            Du grand Sauveur l'amere Passion,

            Pour bien graver en vostre affection

            Quil faut aymer tous ce que represente

            Ce livre cy, lequel je vous presente.

            En aymant tous, j'en auray portion.

                                   [Autre ébauche]

 

            Mais, quand a moy, j'estime asses puissante

            La Passion de Jesus, vostre Espoux, [108]

            Pour bien graver quil vous faut aymer tous

            En vostre cœur ce que vous represente

            Ce livre cy, qu'en don je vous presente.

            Or sus, aymant tous, si m'aymeres vous.

 

Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Boulogne-sur-Mer.

 

 

 

4) Au pied de la Croix, 1605-1608 (Fragment inédit)

 

            Regarde tout au tour de toy

                        La sainte compaignie

            Qui adore…………………..

 

            Voy, pres de ce saint Crucifix,

                        La douce compaignie

            De……………………………

            Tu n'y seras seul; Dieu y est

                        Pour t'y donner sa vie,

            Son Mignon et Celle quil sçait.

 

            Quelle douceur — o Dieu le sçait —

                        Sous cett'arbre (sic) de vie

            Ou tu verras Celle qui est

                        Ta sainte et digne amie,

            N'oseroit on dire qui c'est.

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Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy. [109]

 

 

 

XI. Note intime touchant une faveur surnaturelle reçue a Rome le 25 mars 1599

 

            Ayant receu la sainte Eucharistie de la main du Souverain Pontife le jour de l'Annonciation, mon ame fut fort consolee interieurement; et Dieu me fit la grace de me donner de grandes lumieres sur le mistere de l'Incarnation, me faisant connoistre d'une maniere inexplicable comme le Verbe prit un cors, par la puissance du Pere et par l'operation du Saint Esprit, dans le chaste sein de Marie, le voulant bien luy mesme pour habiter parmy nous, des qu'il seroit homme comme nous.

            Cest Homme Dieu m'a aussi donné une connoissance eslevee et savoureuse sur la Transsubstantiation, sur son entree en mon ame et sur le ministere des Pasteurs de l'Eglise.

 

Revu sur le texte inséré dans un ancien Ms. de l'Année Sainte

de la Visitation, conservé au Ier Monastère d'Annecy. [110]

 

 

 

XII. Règlement épiscopal, fin novembre-8 décembre 1602

 

1)

 

            Et premierement, quant a l'exterieur, FRANÇOIS DE SALES, Evesque de Geneve, ne portera point d'habitz de soye ni qui soyent plus pretieux que ceux qu'il a portés par cy devant; toutesfois ilz seront netz et bien proprement accommodés autour de son cors.

            Il ne portera point a ses piedz d'escarpins avec les mules ou galoches, tant parce que cela ressent la vanité du monde, que parce qu'il est defendu par les Statutz de son Eglise.

            Jamais il n'ira en point d'eglise sans rochet et camail, ni par la ville, et mesme observera cela par la mayson, [111] quant au camail, autant qu'il se pourra faire. En la mayson, en l'eglise et par la ville, autant que la commodité le luy permettra, il portera tousjours son bonnet carré.

            Il ne portera au doigt que le seul anneau qu'on appelle pastoral, et que les Evesques doivent porter pour marque de l'alliance qu'ilz ont contractee, et qui les tient liés et obligés a leur Eglise non moins estroittement que les maris a leurs espouses.

            Il ne portera point de gans qui soyent parfumés ou de grand prix, ni de manchons de soye et fourrés; mays il prendra ce qui sera de la civilité, honnesteté et necessité. Sa ceinture pourra estre de soye, non pas toutesfois pretieuse, et en icelle il portera son chappelet attaché. Les attaches de ses souliers ne seront point de soye, ni ses bas de chausses.

            Sa tonsure sera tousjours en estat d'estre fort bien reconneüe, sa barbe ronde, non pointue, et sans aucunes moustaches qui passent la levre superieure.

            Il taschera de n'avoir point de serviteurs inutiles et superflus. Il y en aura deux ecclesiastiques, l'un desquelz aura charge de toutes les affaires, et l'autre luy assistera [112] aux Offices. Et encor suffiroit il d'un; mais maintenant il en prend deux en consideration d'André de Sauzea, docteur en droit canon et bachelier en theologie, lequel estant bon predicateur, pourra faire beaucoup de prouffit en ceste diocese. Ilz seront habillés a la Romaine, s'il se peut faire, avec toute sorte de modestie, ou bien comme les prestres du Seminaire de Milan, parce que ceste sorte d'habillement couste moins et est plus commode. Un secretaire, deux valetz de [113] chambre, l'un pour soy et l'autre pour la famille; [114] un cuisinier avec son garçon, et un laquay qui sera vestu de tanné avec les bords violetz. Point de ses serviteurs ne portera de pennaches, ni d'espee, ni des habitz de couleur esclatante, ni de grans cheveux, ni des moustaches par trop relevees.

            Ilz se confesseront et communieront tous les seconds Dimanches du moys, selon les Statutz de la Confrerie des Penitens de la Sainte Croix, en laquelle ilz s'enroolleront, et communieront a la Messe de l'Evesque. [115] Ilz entendront tous les jours la Messe, et les Dimanches et festes tout le divin Office en l'Eglise cathedrale. Ilz se leveront tous du lict a cinq heures de matin; mais les jours solemnelz, quand il faudra aller a Matines, a quattre heures. Ilz se coucheront a dix heures du soir, mais ilz s'assembleront au prealable en la salle pour reciter les Litanies: le Dimanche, du Nom de Jesus; le lundy, de tous les Saintz; le mardy, des Anges; le mercredy, de saint Pierre Apostre, Patron de l'Eglise de Geneve; le jeudy, du tressaint Sacrement; le vendredy, de la Passion de Nostre Seigneur; le samedy, de la glorieuse Vierge Marie Nostre Dame; sinon qu'a l'occasion de quelques festes ces Litanies doivent estre transferees. L'Evesque dira l'orayson, on fera l'examen de conscience, et apres cela, tous se retireront.

            En chasque chambre il y aura un oratoire, et en iceluy de l'eau benite avec quelque devote image et Agnus Dei. Deux chambres seront tapissees : une pour les estrangers et l'autre pour recevoir les affayres, c'est a sçavoir la salle.

            Il y aura tousjours quelqu'un qui aura soin de recevoir et introduire ceux qui viendront, et celuy la sera courtois et gratieux, taschant de ne fascher personne, quelle qu'elle soit. C'est une trop grande audace aux serviteurs d'un Prelat de mespriser les ecclesiastiques inferieurs: tous ceux qui serviront l'Evesque de Geneve seront advertis et accoustumés de traitter honnestement avec tous, mays principalement avec les prestres. [116]

            Quant a la table, elle soit moderee et, comme dit le Concile, «frugale,» mays toutesfois propre et nette. Les prestres y seront assis et, autant qu'il se pourra faire, tiendront les premieres places. Chacun benira la table a son tour et dira pareillement les Graces, excepté les testes solemnelles; car alhors l'Evesque fera la benediction et l'action de grace, comme aussi tous les jours il dira l'orayson: «Seigneur, benisses nous,» parce que le moindre doit recevoir la benediction du plus grand. On lira quelque livre de devotion jusques a moytié disner ou souper; le reste sera donné a des discours honnestes. L'heure du disner sera a dix, celle [117] du souper a six. Les jours de jeusnes on ne s'assira point a la collation; et alhors le disner sera a onze heures sonnees, la collation a sept.

            Quant à l'aumosne, il faudra observer les jours que feu Monseigneur le Reverendissime avoit choysis, affin qu'elle se fasse publiquement; il faut tascher qu'elle soit plus grosse en hiver qu'en esté, principalement despuis la feste des Roys, car alhors les pauvres en ont plus de besoin; et pour ce, l'on distribuera des legumes. Je ne sçay s'il seroit expedient que l'Evesque baillast l'aumosne de sa main propre, quand il verroit que cela se pourrait faire commodement: comme le mercredy de la grande Semayne, ou le Jeudy Saint et le Vendredy Saint de la [118] Passion. Le Jeudy Saint, au Mandat, on baillera a disner aux pauvres devant que leur laver les piedz, ou bien apres, si le Mandat se fait de matin, comme feu Monseigneur le Reverendissime le faysoit. Il faudra tascher que les aumosnes qu'on distribuera aux Freres Mineurs, aux Jacobins, aux Capucins, aux Religieuses de Sainte Claire et a l'Hospital soyent remarquees, tant pour l'exemple que pour une plus grande efficace envers le peuple. Quant aux aumosnes particulières et extraordinaires, l'onction enseignera ce qu'il faudra faire.

            Quant aux divins Offices, toutes les festes de commandement l'Evesque assistera aux premieres Vespres, aux secondes, a la Grande Messe et a l'Office qui se fait devant ou apres ; mays les jours solemnelz, outre cela, a Matines. Il celebrera et fera l'Office la nuict et le jour de la Nativité de Nostre Seigneur, a la feste des Roys, [119] le Dimanche de Pasques, le Dimanche de Pentecoste, a la Feste Dieu, a la feste de saint Pierre et saint Paul, a la feste de saint Pierre aux Liens, Patron de l'Eglise de Geneve, a la feste de l'Assomption de Nostre Dame, a la feste de Toussaintz et le jour anniversaire de son sacre. — Toute l'octave de la Feste Dieu il assistera a l'Office, et preschera le Dimanche praecedent pour advertir le peuple de son Office, affin qu'il gaigne les Indulgences. Le jour de la feste, le Dimanche dans l'octave et le jour de l'octave il fera la Benediction dans l'eglise des Religieuses de Sainte Claire, tant affin de les consoler, que parce que ceste eglise est coustumierement toute pleyne de peuple, et que c'est la derniere Benediction qui se fait en la ville.

            Il assistera, autant quil se pourra faire, le plus souvent aux Offices et exercices des Confreres de la Sainte Croix, du tressaint Sacrement, du saint Rosaire, du Cordon, mays principalement de la Sainte Croix, a cause de la Communion qui s'y fait et qu'il taschera de faire le plus souvent. Voyla quant a l'exterieur.

            Maintenant, quant a l'interieur, et premierement quant a l'estude, il fera en sorte qu'il puisse apprendre [120] quelque chose tous les jours, utile neanmoins et qui soit convenable a sa profession. Ordinairement, il pourra avoir pour estudier les deux heures qui sont entre sept et neuf de matin; apres souper, il fera lire quelque livre de devotion l'espace d'une heure, qui sera en partie pour l'estude, en partie pour l'orayson.

            Le matin, apres l'action de graces accoustumee, l'invocation de l'ayde de Dieu et dedication de soy mesme, il meditera l'espace d'une heure, selon qu'il aura auparavant disposé. Il se tiendra tousjours en la presence de Dieu et l'invoquera a toutes occasions. Quant aux oraysons jaculatoires, il les tirera ou de la meditation du matin, ou des divers objectz qui se presenteront; elles seront ou vocales ou mentales, selon qu'il sera incité du Saint Esprit, et il s'en fera un brief recueil pour aspirer a Dieu, a la Vierge, aux Anges, aux Saintz auxquelz il aura une particuliere devotion. [121]

            Il recitera ordinairement l'Office debout ou a genoux: Matines et Laudes sur le soir, apres la lecture de devotion; Prime, Tierce, Sexte et None entre six et sept heures de matin, c'est a sçavoir apres la meditation; Vespres et Complies devant souper, et le Chapelet apres Vespres, avec les meditations, d'autant qu'il est obligé par vœu de le reciter. Quand il preverra quelque urgente affaire, il pourra prevenir l'heure des Vespres et du Chapelet. Les jours de feste recitera les Heures et Vespres avec le chœur, et le Chapelet pendant la Grande Messe.

            Il sortira le matin a neuf heures pour offrir le tressaint Sacrifice de la Messe, laquelle il celebrera tous les jours, sinon qu'il soit empesché par quelque extreme necessité; et affin de la celebrer avec plus de devotion, [122] il fera un recueil et abbregé de diverses considerations et affections par lesquelles la pieté peut estre excitee envers ce grand mystere, et s'y occupera et entretiendra en sortant de sa chambre et en allant a l'autel. Quand il sera arrivé a la sacristie, il fera la preparation ni trop courte ni trop longue, pour n'attedier ni attiedir ceux qui attendront; l'action de graces sera de mesme. Apres la Messe, en laquelle il se comportera avec une douce gravité, ne parlera avec personne ; au moins en allant a la Messe, et principalement d'affaires seculieres, affin que l'esprit soit entierement recueilly en soy mesme. Il ne sera point mal a propos que les jours qu'on appelle de devotion, il celebre la Messe es eglises ou elle sera, affin que le peuple y venant treuve tousjours son Evesque en teste: comme les festes solemnelles de ces eglises et quand il y a des Indulgences. [123]

            Le soir, il fera l'Exercice avec le reste de la famille.

            Il se confessera de deux en deux ou de troys en troys jours, sinon que la necessité portast autrement, vers le plus capable confesseur qu'il pourra commodement avoir et lequel il ne changera sans necessité. Il se confessera quelquefois en l'eglise, a la veüe de tous, pour servir d'exemple a tous.

            Outre les jours de jeusne que l'Eglise a commandé, il jeusnera toutes les veilles des festes de Nostre Dame et tous les jours de vendredy et samedy.

            Tous les ans, par l'espace de huict jours, et davantage quand il pourra, il fera la recollection et purgation de son ame, et ce tems pendant, examinera ses succes et progres despuis l'annee passee; et apres avoir marqué les principales offences, il les accusera a son confesseur, avec lequel il conferera de ses mauvayses inclinations [124] et difficultés au bien. Quoy fait, il fera beaucoup de prieres, principalement mentales, avec application de Messes, qu'il celebrera et fera celebrer en ce tems, pour obtenir de Dieu la grace necessaire a son regime et de son Eglise. Et renouvellera tous les bons propos et desseins que Dieu luy avoit baillés; et pour cest effect, il relira, devant que se presenter a la confession, les memoyres de toutes ses resolutions et les remarquera derechef, affin qu'il puisse adjouster ce que l'experience luy aura appris. Le tems de ceste recollection ne peut pas bonnement estre determiné, sinon que les semaynes de carnaval semblent y estre propres, tant pour n'estre pas tesmoin de l'insolence et dissolution du peuple, que pour sortir du desert a la predication et aux grandes œuvres, a l'imitation de nostre Sauveur et Redempteur Jesuschrist et de son Precurseur saint Jean Baptiste. Si toutesfois il y avoit esperance de retirer le peuple de ceste dissolution par quelque notable exercice (dont il sera parlé es articles de la republique), alhors il faudra choysir pour ceste recollection quelqu'une des semaynes qui sont entre Pasques et Pentecoste, affin que l'Esprit de Dieu que l'on y aura acquis, opere le bien de ces festes solemnelles et Octave du tressaint Sacrement; pour ce encor, qu'alhors on est moins pressé d'affaires, et que la sayson est fort propre pour la purgation de l'ame aussi bien que du cors, voyre que la [125] purgation du cors pourra servir de praetexte a la purgation de l'ame.

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                                                                       FRANÇOIS DE SALES.

                                                           Jean FORIER, de la Compagnie de Jesus.

 

Revu sur le texte inséré dans le Ier Procès de Canonisation.

 

 

 

2) Fragment du même document

 

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C'est pourquoy je finis mon occupation avec un grand desir de m'advancer en ceste pretieuse dilection. Et pour m'y disposer:

            Le matin, apres que j'auray invoqué Dieu, et m'y seray dedié, je feray une heure de meditation, selon que je l'auray premedité. Je produiray force oraysons jaculatoires pendant la journee, selon que le Saint Esprit m'inspirera. Comme aussi, pour celebrer plus devotement la sainte Messe, je m'occuperay, jusques a ce que je sois a l'autel, dans toutes les considerations et affections par lesquelles la pieté peut estre excitee envers ce grand mystere.

            Je feray tous les ans huict ou dix jours de retraitte pour examiner les progres de mon ame, ses inclinations, ses difficultés, ses defautz. C'est en ceste retraitte ou on [126] regarde le Ciel de bien pres et ou on trouve la terre bien esloignee de ses yeux et de son goust; et lhors que les saintes ames qui sont engagees pour le publiq ne peuvent jouir de ceste felicité, elles font un cabinet dans leur cœur, ou elles vont estudier la loy de leur Maistre et la reçoivent de sa propre main. De plus, en ceste montaigne, qui est si eslevee qu'on n'y entend point le bruict des creatures, on gouste, comme dit le Prophete, que Dieu est doux et suave. C'est par la prattique de cest exercice que nous apprenons si nous advançons a la vertu ; en un mot, c'est en ce tems et en ce lieu ou l'on prend les saintes et solides resolutions de vivre selon les lois de la veritable et eternelle sagesse.

 

 

 

XIII. Premier testament, 29 novembre 1617

 

1)

 

            Je soussigné, FRANÇOIS DE SALES, par la grace de Dieu Evesque et Prince de Geneve, voulant manifester et faire sçavoir a tous quil appartiendra ma derniere volonté et faire mon testament:

            Prie premierement Dieu tout puissant de recevoir mon ame a merci et luy faire part de l'heritage eternel que nostre Redempteur nous a aquis en son sang.

            2nt J'invoque la tres glorieuse Vierge Marie Nostre Dame et tous les Saintz, affin qu'ilz implorent la misericorde de Dieu sur moy en ma vie et en ma mort.

            3nt Sil playsoit a la Providence divine que la tressainte et uniquement veritable religion Catholique, Apostolique et Romaine fut restablie en la cite de Geneve lhors de mon trespas, j'ordonne, qu'en ce cas la, mon cors soit [127] enterré en mon Eglise cathedrale. Que si, en ce tems-la, ladite sainte religion ny est pas restablie, j'ordonne que mon cors soit enterré au milieu de la nef de l'eglise de la Visitation que j'ay consacree en cette ville; sinon que je mourusse hors de mon diocaese, auquel cas je laisse le choix de ma sepulture a ceux qui lors seront aupres de moy, a ma suite. [128]

            4nt Appreuvant de tout mon cœur les sacrees ceremonies de l'Eglise, j'ordonne qu'a mon ensevelissement treze cierges allumés et flambans soient portés et mis autour de mon cercueil, sans autres escussons que ceux du nom de JESUS, pour tesmoigner que, de tout mon cœur, j'embrasse la foy preschee par les Apostres. Mais d'ailleurs, detestant les vanités et superfluités que l'esprit humain a introduites es sacrees ceremonies, je defens tres expressement toute sorte d'autre luminaire, quel quil soit, estre fait en mes obseques ; priant mes amis et parens, et ordonnant a mes heritiers de ne rien y adjouster, et employer leur pieté envers moy a faire des prieres et aumosnes, et sur tout a faire celebrer les tressaintes Messes pour moy.

            5nt Je fais, cree et institue mes heritiers universelz en tous les biens immeubles, noms et actions qui m'appartiennent ou peuvent appartenir, procedés et parvenus a moy de la part de mes Pere et Mere, de messire Bernard de Sales, mon frere, de dame Marie Aymee de Rabutin, ma belleseur, a sçavoir: Messire Jean [129] François de Sales, mon frere, chantre et chanoyne de mon Eglise, et mon Vicaire general, pour la tierce part; les enfans masles de feu Galois de Sales, mon frere, en son vivant seigneur de Boysi et du Villars Roget, pour la tierce part; et messire Louys de Sales, Baron dudit lieu et de Thorens, seigneur de la Thuille, Chevalier au magnifique Conseil de Genevois, pour l'autre tierce part: les trois faysans le tout, a condition que mesdits heritiers ni les leurs ne viendront jamais a conte ni deconte, ni ne s'entredemanderont jamais aucune chose les uns aux autres pour les substitutions faites entre eux et moy par feu nos Pere et Mere.

            6nt Je laisse et donne par praelegat et institution particuliere au susnommé messire Jean François de Sales, mon Vicaire general, tous mes autres biens meubles et tous mes autres moyens de quelle nature qu'ilz soyent, a la charge neanmoins qu'il les distribue et departe exactement comme je luy ordonne par un memorial que je luy en ay fait a part, chargeant de cela sa conscience en laquelle je me fie.

            Fait Annessi, le XXIX novembre mille six cens dix sept.

                        FRANÇS, E. DE GENEVE. J'ay fait les ratisseures

                                               et corrections de ma main propre.

                                                                       FRANÇS, E. de Geneve.

 

Revu sur l'Autographe appartenant à M. le comte de Roussy de Sales,

au château de Thorens-Sales (Annecy). [130]

 

2) Enveloppe du testament, 29 novembre 1617

 

            La carte ci incluse et tout ce qui est en icelle escrit, est mon testament; et, ainsy quil est contenu, je legue, donne, institue et teste. Vous, Messieurs, en porteres, sil [131] vous plait, tesmoignage, vous ayant expressement a ce prié, appellé et requis.

            FRANÇS, E. DE GENEVE.

            En foy dequoy ay signé ce que dessus et apposé mon seel accoustumé, ce vint et neuf novembre mille six cens dixsept.

            Nous soubsignés, certifions a tous quil appertiendra, que nous avons estés priés, appellés et requis de Monseigneur le Reverendissime François de Sales, Evesque et Prince de Geneve, de signer et sceller cette carte qui est son testament solemnel et par escrit.

            Annessi, au palais de mondit Seigneur le Reverendissime et mayson de monsieur Favre, premier President de Savoye, ce vint neuf novembre mil six cens et dixsept.

                        E. DE LA COMBE, ay seellé du seel du

                        Sr Rogex.

                                                                                              CHARLES GROSSET,

                                                                                              seellé de mon seel.

                        PHILIPPE DEQUOEX,

                        seellé de mon seel.

                                                                                              ROLLAND,

                                                                                              seellé de mon seel.

 

                        FLOCARD,                                                  DE CHAVANES,

                        scellé du seel                                                  sellé du sieur

                        du Sr Roges.                                                   Roger.

 

                                                                                              DELESPINE,

                                                                                              seellé de mon seel. [132]

            Nous Philibert Roges, docteur en theologie, Chanœnne de Geneve, Vicayre et Officiai substitut de l'Eveché de Geneve, certifions a tous qu'il appartiendra, qu'en l'an et jour et lieu sus escript, a comparu par devant nous Monseigneur le Reverendissime FRANÇOYS DE SALES, Evesque et Prince de Geneve, lequel, en presence des tesmoins sus nommés et signés, nous a dict et declaré avoir faict son testement et ordonnance de derniere volonté, comm'ell'est dans la presente carte escripte de sa main et soubsigné, comm' il nous a declayré en presence desdits tesmoins, vouliant et entendant que sadite volonté escripte en cette ditte carte sorte son plain et entier effaict a l'advenir, par tous meilleurs moiens qui se peuvent faire, de droict et de coustume; priant lesdits tesmoins vouloir estre recors par cy appres, si besoingt est, de ladite declaration par luy faicte, nous requerant de mesme luy vouloir octroier acte de ses requisions (sic): ce que luy avons accordé.

            En tesmoignage dequoy avons signé et faict contresigné par Jacque Maurice Durnont, secretayre et greffier de ladite Eveché, et faict apposer le seel ordinayre d'icelle, le vingtneufviesme Novembre mil six centz dixsept, dans le palais de mondict seigneur et maison susdicte.

                                                                       ROGES, Vicarii generalis substitutus.

                                                                                                          DUMONT.

 

Revu sur l'original appartenant à Mlle Hélène de Thiollaz,

au château de Monpont, près Alby (Haute-Savoie). [133]

 

XIV. Second testament de saint François de Sales, fait conjointement avec Jean-François, son frere et coadjuteur, 6 novembre 1622

 

            Nous, FRANÇOIS DE SALES, par la grace de Dieu et du Saint Siege Apostolique Evesque et Prince de Geneve, et JEAN FRANÇOIS DE SALES, Evesque de Chalcedoyne et Coadjuteur en l'evesché dudit Geneve, voulant manifester et faire sçavoir a tous qu'il appartiendra nostre derniere volonté et faire nostre testament:

            Prions premierement Dieu tout puissant de recevoir nos ames a mercy, et leur faire part de l'heritage eternel que nostre Redempteur nous a acquis en son sang.

            Secondement, Nous invoquons la tres glorieuse Vierge Marie Nostre Dame et tous les Saintz, qu'ilz implorent la misericorde de Dieu sur Nous en nostre vie et en nostre mort.

            Troysiesmement, s'il playsoit a la Providence divine que la tressainte et uniquement veritable religion Catholique et Apostolique Romaine fust restablie en la cité de Geneve lhors de nos trespas, Nous ordonnons qu'en ce cas nos cors soyent enterrés en nostre Eglise cathedrale. Que si en ce tems laditte sainte religion n'y est pas restablie, Nous ordonnons que nos cors soyent enterrés au milieu de la nef de l'eglise de la Visitation (que Nous, Evesque de Geneve, avons consacree en cette ville); [134] sinon que nous mourussions hors du diocese, auquel cas Nous laissons le choix de nostre sepulture a ceux qui pour lhors seront aupres de Nous, a nostre suitte.

            Quatriesmement, appreuvans de tous nos cœurs les sacrees ceremonies de l'Eglise, Nous ordonnons qu'a nostre ensevelissement treize cierges seront allumés, portés et mis autour de nos cercueilz, sans autres escussons que ceux du nom de JESUS, pour tesmoigner que de tous nos cœurs Nous embrassons la foy preschee par les Apostres. Mais d'ailleurs, detestans les vanités et superfluités que l'esprit humain a introduites es sacrees ceremonies, nous defendons tres expressement toute sorte d'autre luminaire, quel qu'il soit, estre fait en nos obseques, priant nos parens et amis et ordonnant a nos heritiers de ne rien y adjouster, et employer leur pieté envers Nous a faire des prieres et aumosnes, et sur tout a faire celebrer les tressaintes Messes pour Nous.

            Cinquiesmement, Nous leguons: a Frere Janus de Sales, Chevalier en la sacree Religion de Malte, nostre frere, la somme de deux cens florins de pension annuelle et perpetuelle, pendant sa vie naturelle. [135]

            A damoyselle Gasparde de Sales, femme de noble Melchior de Cornillon, seigneur de Meyrens, la somme de cinquante escus pour une fois, ou bien deux de nos bagues, au choix de nostre heritier ou heritiers substitués.

            A nobles Sebastien, Amé, Louys, Jean Anthoyne et Bernard, enfans de feu messire Gallois de Sales, seigneurs de Boysi et de Villaroget, nos neveux, la somme de deux mille escus d'or sol, ensemble tout ce que Nous pouvons pretendre sur les biens qu'ilz possedent.

            Moyennant quoy, lesditz legataires ne pourront demander aucune chose, quelle qu'elle soit, et particulierement lesditz sieurs de Boysi, ni sur nos heritages, ni sur les biens de La Thuille, Sales, Thorens et leurs dependances, sous pretexte d'aucun partage definitif, allegation de moindre lot, payement d'aucune somme a laquelle Nous leur soyons obligés, ou autrement comme que ce soit; ordonnons qu'ilz nous en tiennent quittes a nostre heritier sousnommé, et que les partages provisionnelz [136] faitz entre nos freres, de nos biens et des leurs, a forme qu'ilz les ont ci devant possedés a part et posseèdent encor a present, tiennent definitivement et perpetuellement, et qu'ilz ne viennent jamais a conte ni deconte, ni s'entredemandent jamais aucune chose les uns aux autres pour les substitutions faittes entr'eux et Nous par feu nos Pere et Mere. Lesquelz legatz Nous ordonnons estre payés une annee apres le deces du dernier mourant de Nous deux, et les deux cens florins de nostre frere le Chevalier tous les ans, par semblable jour que le dernier de Nous mourra; sauf que, quant au payement desditz deux mille escus legués a nos neveux, il sera loysible au sieur Baron de Thorens, nostre frere et heritier, d'en faire payement par la cession et transport de semblable somme qui luy est deuë et qui luy doit estre payee apres la mort du seigneur Baron de Cusy son beaupere; laquelle cession lesditz legataires seront tenus d'accepter pour payement, leur maintenant ledit sieur Baron de Thorens semblable somme luy estre bien deuë et exigeable, ou autrement il demeurera chargé dudit legat.

            Sixiesmement, Nous faisons et instituons heritier universel l'un de l'autre, et le survivant de Nous institue son heritier universel messire Louys de Sales, seigneur et Baron de Sales et de Thorens et de La Thuille, conseiller et Chevalier au Conseil de Genevois, nostre frere, et apres luy ou a son deffaut, l'aisné de ses enfans masles. Voulans et entendans que nos biens soyent conservés, et parviennent entierement et sans detraction de trebellianique, que Nous prohibons, aux enfans masles qui descendront par loyal mariage de nostre dit [137] frere heritier jusques a l'infini, preferant tous-jours l'aisné d'iceux pour le tout; esperans que nostre dit frere fera semblable disposition pour ce qui est a son pouvoir, pour la conservation de nostre famille; et ainsy Nous substituons vulgairement et par fidecommis perpetuel, pour la faveur du masle aisné descendant de nostre dit frere heritier. Et s'il arrivoit que la ligne masculine de nostre dit frere defaillist, Nous substituons l'aisné des enfans masles susnommés, descendans jusques a l'infini, dudit feu seigneur de Boysi nostre frere; sauf que nos meubles, de quelque espece qu'ilz soyent, demeureront a la libre disposition du survivant de Nous deux.

            Voulons que ceci soit nostre dernier testament ; a ces fins revoquons tous autres que Nous pourrions avoir faitz et tout leur contenu ; et s'il ne vaut a present ou a l'advenir comme testament, qu'il vaille comme codicille, et par tous meilleurs moyens. Que si l'evenement des affaires faisoit que l'un de Nous changeast de volonté et fist par ci apres un autre testament, le present neanmoins demeurera sur pied, valable, entant que concerne la disposition de l'autre qui ne la changera point.

            Si avons prié les tesmoins signés sur le repli de cette carte, de porter tesmoignage que son contenu est nostre derniere volonté.

            Fait a Annessi, le sixiesme jour du mois de novembre, l'an mille six cens vingt et deux.

                                                           FRANÇS, Evesque de Geneve.

                                               JEAN FRANÇS, Evesque de Chalcedoyne. [138]

 

Deuxième série : Apostolat

 

A) Documents relatifs au Chablais

 

I. Mémoire adressé au Duc de Savoie, Charles-Emmanuel Ier pour le retablissement de la religion catholique (Minute inédite). Triste situation religieuse du Chablais. — Sur la demande du duc de Savoie, l'Evêque de Genève y a envoyé deux missionnaires. — Leurs travaux et leurs insuccès — Causes de ceux-ci et remèdes proposés. — Projet d'une lettre à écrire par son Altesse au corps de Ville de Thonon ; le Saint suggère au prince d'en adresser une autre au gouverneur du bailliage et une troisième au juge-maje de Thonon.

 

Mai ou juin 1595.

 

            Le balliage de Thonon est environ de cinq lieuës de long et quattre de large. Il fut faict haeretique par la violence des Bernois, il y a environ 60 ans, sans que les [139] habitans eussent ny loysir ny moyen de considerer ce qu'ilz faysoyent abandonnant l'Eglise catholique.

            Plusieurs eglises y furent reconciliees, et plusieurs personnes aussy, quand Son Altesse y fut au commencement des guerres; mays despuis, tous les lieux y ont estes pillés et violés par l'ennemy, et les personnes retombees en l'erreur par crainte: si qu'en tout le balliage il n'y a qu'un autel, tout nud et sans aucune commodité pour y celebrer, qui est en la paroisse des Alinges. Et de personnes, il n'y en est demeuré de [140] catholiques qu'environ 80, dont il y en a cinquante, ou environ, en la ville de Thonon; le reste, espars ça et la. Tout le reste est haeretique, laissant a part le fort des Alinges, ou les soldatz sont la pluspart catholiques.

            Or Son Altesse, l'annee passee, declaira par une lettre a Monseigneur le Reverendissime de Geneve, que son intention estoit que l'Eglise catholique fut restablie en ce balliage par la praedication et autres exercices. Et des lhors y furent envoyés deux predicateurs par Monseigneur le Reverendissime, qui ont praeché ordinairement en la ville de Thonon et en la parroisse des Alinges des le mois d'octobre en ça, n'y ayant point eu de moyen ny commodité ailleurs d'y faire le mesme. [141]

            Mays le fruict que jusqu'a praesent ilz y ont faict n'a esté que de consoler le peu de Catholiques qui y estoyent et donner a penser a la plus part des autres, qui ne croyoyent pas que personne parlast ou entendist la rayson de l'Escriture que les ministres huguenotz; n'ayant peu reduire que cinq personnes, entre lesquelles il y a un advocat nommé Pierre Poncet, le mieux entendu de tout le balliage.

            Et ce qui a empesché le bon succes de l'entreprise a esté, en partie, la crainte que les habitans ont que Geneve et Berne ne les maltraitte en cas de romp[ement] de trefves, s'ilz prestoyent l'oreille aux Catholiques; qui a faict qu'ilz ne sont du tout point venuz aux [142] sermons, si ce n'est deux ou trois fois que quattre ou cinq y ont assisté. En quoy ilz se sont d'autant plus resoluz, qu'ilz n'ont jamais voulu croire que Son Altesse desire leur reduction, par ce que, comme plusieurs ont dict, si ell'eust eu cest œuvre a cœur, elle eust faict inviter les habitans a la prendre, par quelque declaration de son intention. Outre ce, que ne voyant rien d'estably pour ce peu de gens d'Eglise qui reside, on ne leur peut pas lever l'opinion que ce ne soit une boutade de l'Evesque pour aggrandir son authorité, sans aucun adveu ou volonté du Prince.

            Si donq il playsoit a Son Altesse favoriser cest œuvre d'une sienne lettre addressee a la ville de Thonon, par laquelle elle declarast son desir en ce faict, il ne faut pas douter qu'une grande partie des bourgeois et habitans ne vint a la praedication, ou peu a peu ilz se pourroyent instruire de la verité. Et quant aux villageois, ilz protestent ordinairement n'avoir point d'autre regle pour leur religion que la volonté du Prince, qui est, ce disent ilz, plus entendu qu'eux.

            Or, la substance [de la lettre a] envoyer au cors de Ville de Thonon pourroit estre telle :

            Nous avons sceu, avec nostre grand contentement, que, des quelques mois en ça, vous aves eu continuellement pardela, et mesme en la ville, la praedication de nostre sainte foy catholique. Esperant qu'avec ceste commodité vous pourres reconnoistre le bon chemin de vostre salut, le mesme zele qui Nous a poussé a vous procurer ce bien Nous faict encor vous inviter et exhorter par ce mot a bien user d'iceluy, ouyant diligemment les raysons qui vous sont proposees, les pesant et considerant de pres, et proposant les difficultés que vous y trouveres aux predicateurs, ne Nous pouvant estre chose [143] plus aggreable que d'entendre vostre advancement et prouffit en nostre sainte religion catholique.

            Que s'il playsoit, outre ceste vostre, en faire une autre a monsieur le Baron d'Hermance, gouverneur du duché de Chablaix, et une troysiesme a monsieur le Juge maje de Thonon, par lesquelles il leur fut commandé de remonstrer en une generale assemblee de Ville l'obligation que tout le pais a de seconder une si douce et charitable invitation de son Prince, il y a dequoy esperer en Dieu que bien tost tout le Chablaix, et peu a peu tout l'entour de Geneve, se reunira a l'Eglise catholique: qui ne sera pas peu de chose, ny de peu d'importance, ad laudem Christi Dei totiusque cœlestis Curiae. Amen.

 

Revu sur le texte inséré dans le Ier Procès de Canonisation. [144]

 

II. Autre memoire adressé au même, octobre 1595—Débuts de la mission. — Pourquoi l'un des prédicateurs a dû se retirer. — Espérance de succès, mais il faut des missionnaires. — Nécessité de rétablir un certain nombre de curés dans les paroisses et plusieurs prêtres à Thonon. — Comment pourvoir à leur entretien. — Le ministre et le maître d'école. — Dans quel but François de Sales propose à Son Altesse de déléguer un sénateur. — Recommandations en faveur de quelques catholiques pauvres et âgés, et de la paroisse de Mesinge. — Remplacer l'ancien «Consistoire» huguenot par un Conseil composé de prêtres et de laïques.

 

MEMOYRES POUR ESTRE PRESENTEES A SON ALTESSE,

SUR LE RESTABLISSEMENT DE LA RELIGION CATHOLIQUE EN SON DUCHE DE CHABLAIX

 

Turin, octobre 1596.

 

            L'annee 94, Son Altesse fit sçavoir par une sienne lettre tres expresse a Monseigneur l'Evesque de Geneve, [145] que son intention estoit que l'exercice catholique fut [146] restably en Chablaix; et par ce, y furent envoyés deux praedicateurs, desquelz l'un commença au mois de septembr' a praecher dans Thonon, et l'autr'en la parroisse des Alinges. Et affin qu'ilz peussent continuer, Leurs Altesses commandèrent a diverses fois qu'on delivrast quelque somme pour leur nourriture: ce que n'ayant esté faict, les habitans n'ont peu croire que ces prœdicateurs fussent la par la volonté de Leurs Altesses, et lesdits praedicateurs ont estés contraints de se reduire a un seul qui praechast en deux lieux, pour ne charger trop les particuliers qui avançoyent la despense. [147]

            [1.] Playse donq a Son Altesse commander que la despense faite jusqu'a praesent en deux ans soit payee : qui peut revenir a trois cens escus. Et des ores y ayant certaine esperance de bon succes, et mesme plusieurs parroisses demandant l'exercice catholique, il faudroit y acheminer environ huict predicateurs debrigués de tout'autre charge, pour precher de lieu en lieu selon la necessité ; et leur entretenement pourroit venir a cent escus pour homme, dequoy il (sic) ne manieront rien, mais sera delivré selon le besoin par qui il sera advisé.

            2. Seroit requis encores de restablir des curés en toutes les parroisses, qui sont environ 45. Mays parce qu'il y a beaucoup d'eglises ruinees qui cousteroyent infiniment a redresser, il faudra, pour ce commencement, [148] joindre plusieurs parroisses en une : et ainsy suffirent quil y eut de seze a dixhuict grandes parroisses, lesquelles, pour estre bien servies, devront avoir des curés qui aye (sic) moyen d'entretenir avec eux un vicaire et qui, partant, devront avoir huict vins escus d'or annuelz, avec les maysons des cures.

            3. En quoy ne faut comprendre la ville de Thonon, laquelle, pour estre le rapport de tout le duché, auroit [149] besoin que l'Office s'y fit a haute voix et decemment, et mesme, s'il se pouvoit, qu'il y eut des orgues, pour apprivoyser, avec cest' exterieure decence, le simple peuple. Et partant seroit requis que le curé fut au moins accompaigné de six prestres, pour lesquelz et pour luy il auroit besoin de quattr' a cinq cens escus annüelz.

            4. Or, pour trouver tant de revenu, il est expedient que messieurs les Chevaliers de Saint Lazare et autres qui y tiennent les revenuz d'Eglise, se contentent de payer ces sommes par forme de pension, attendant qu'autrement soit prouveu et que tous les benefices curés soyent laissés a cest effect. [150]

            5. Et outre ce, les pensions assignees jadis aux ministres huguenotz sur les benefices, pourront maintenant estr' appliquées a l'entretenement des precheurs, sans toucher aucunement a celles qui estoyent prises sur les deniers de Son Altesse.

 

 

 

            L'annee 94, Son Altesse fit sçavoir a Monseigneur l'Evesque de Geneve, par une sienne lettre, que son intention estoit que [145] l'exercice catholique fut remis en Chablaix, et partant y fut envoyé le Prevost de Saint Pierre de Geneve, avec le chanoine de Sales, pour voir comme on pourroit donner commencement; et ce pendant, il pourroit consoler le peu de catholiques qui y restoyent, de quelques praedications. Ledict Prevost commença au mois de [146] septembre de praecher a Thonon, et le chanoine de Sales aux Alinges ; et despuis fut commandé d'y continuer, par l'advis mesme de feu monsieur le Baron d'Hermance, gouverneur de Chablaix. Ce qu'entendant Leurs Altesses, elles commanderont a diverses fois aux officiers de delà de faire delivrer deux cens vaysseaux de froment pour l'entretenement de ces deux praedicateurs.

            Or, ne s'estant delivré de ladicte somme que 12 couppes ou environ, il s'en est ensuivy: premierement, que les habitans n'ont pas voulu croire que lesdits praedicateurs fussent la au sceu de Leurs Altesses, ne voyant point d'entretenement pour eux; secondement, que ces deux se sont reduitz a un, de peur de charger trop les particuliers qui avançoyent les frais. Et du despuis, n'y a eu aucun moyen de conduire a ceste besoigne nombre suffisant de praedicateurs et autres pasteurs necessaires. [147]

            Maintenant donq, y ayant ja quelque bonne esperance de bon succes, et mesme y ayant plusieurs parroisses qui demandent l'exercice catholique, seroit requis pour ce commencement:

            Premierement: l'entretenement pour huict praedicateurs qui soyent debrigués de toutes autres charges; pourroit venir a cent escus d'or pour homme, chacune annee.

            Secondement: seroit requis de restablir des curés en toutes les cures. Mays parce qu'il y a beaucoup d'eglises ruinees et renversees qui cousteroyent infiniment a redresser, il sera necessaire de joindre plusieurs parroisses en une; et ainsy suffiroit qu'il y eut [148] environ quinze parrochiales grandes, avec leurs curés, lesquelz, pour pouvoir entretenir un vicaire qui les soulage en l'administration des Sacremens, veu que les parrochiales seront fort loin les unes des autres, devront avoir une bonne pension et entretien comme pour deux, et encor pour avoir moyen de recevoir les praedicateurs qui les visiteront ordinairement et faire quelques aumosnes, tant pour le devoir que pour l'exemple: pourroit venir a huict vins escus d'or, avec les maysons et terrages des cures.

            Troisiesmement: en quoy ne faudra comprendre la ville de Thonon, laquelle, pour estre le rapport de tout le duché, requerroit [149] que l'Office s'y fit a haute voix et decemment; et pour ce faudroit que le curé fut accompaigné de six prestres, et que partant il eut quatre cens escus d'or pour luy et ses vicaires, et pour l'entretenement des luminaires et semblables choses.

            Quattriesmement: mais avant toutes choses, faut payer ce qui s'y [est] frayé jusqu'a present: 200 ˅. escus. [150]

            Cinquiesmement: Item, parer l'eglise, avoir un cimetiere.

            Sixiesmement: avoir maistre d'escole catholique, attendant un college des Jesuites. [151]

 

            Et pour pouvoir commencer promptement l'exercice catholique a Thonon, reparer l'eglise, avoir les paremens necessaires, peut estre pourroit il suffire qu'il pleut a Son Altesse accorder les aumosnes de Ripaille et de Filliez, retardees et non payëes, et semblablement les [151] pensions des ministres non payëes cy devant, qui ne se trouveront point avoir esté rapportees au prouffit de Messieurs de Saint Lazare ou au service du Prince: aussi bien, autrement, sont ce choses perdues. Que si cela ne suffisoit, on pourroit encores loysiblement se servir des aumosnes futures, jusques a suffisance.

            Seroit aussi requis esloigner le ministre de Thonon et le mettr' en lieu qui soit hors de commerce, tel quil sera avisé, si on ne peut le lever du tout. Et encores de lever le maistre d'escole haeretique et en mettr' un catholique, attendant d'y pouvoir loger des Jesuites qui y seroyent tres a propos. Et pour le bien de cest' escole, il seroit bon y employer un léegat faict par François [152] Echerny, de douze cens florins annuelz, pour l'entretenement de quelques pauvres escoliers.

            Et affin qu'en l'execution de ces choses il ne se commette point d'abus et n'en soit tiré aucune chose au proufït d'aucun particulier, il seroit requis qu'un ou deux des messieurs du Senat de Savoye fussent deputés pour y tenir main.

            Et pour attirer ceux de Thonon plus aysement a se rendre capables de la raison, il seroit expedient que l'un de ces seigneurs du Senat convocast le Conseil general de la ville de Thonon, et invitast les bourgeois a bien ouyr et sonder les raysons catholiques, et de la part de Son Altesse, avec paroles qui ressentent et la charité et l'authorité d'un tres bon Prince vers un peuple desvoyé; car ce leur seroit une douce violence, et un bon exemple aux voisins.

            Plays' aussy a Son Altesse user de quelque liberalité a l'endroit de sept ou huict personnes, vielles et de bonne [153] reputation, qui ont vescu fort catholiques et fort longuement parmi les haeretiques, avec une constance admirable et en grande pauvreté. Et se pourroit faire ceste liberalité, leur assignant a chascun certaine portion des aumosnes qui se doivent chasqu'annëe a Filliez e (sic) Ripaille.

            Plays' encor a Son Altesse user de sa liberalité vers une petite parroisse nommee Mezinge, voysin' aux Alinges, laquelle se reduict maintenant tout' entier' a la foy catholique, et qui fut toute bruslëe par les gens de Son Altesse affin qu'elle ne servit aux embuscades des ennemis; comm' il appert par l'attestation que leur en a faicte le sieur Juge maje de Chablaix. Et partant, demandent grace a Son Altesse de toutes tailles et subsides pour cinq ans.

            En fin, sera necessaire, dans quelque tems, priver les haeretiques de tous offices publiez et y favoriser les Catholiques. [154]

            Au reste, il y avoit parmi les huguenotz un Consistoire, composé pour le plus et presque tout de gens laicz, ou praesidoit un homme laiz et assistoit un des seigneurs officiers de Son Altesse, sans y avoir voix decisive; et la estoyent corrigés, repris et censurés de paroles et de quelque legere peyne, les vices que le magistrat n'a pas accoustumé de punir: comme ivroigneries, jeuz, noyses, luxures; en quoy le peuple se tenoit en discipline, non sans autant de fruict que le mauvais fondement de leur religion le peut permettre. Et partant sembleroit bon de leur en laisser quelque forme, avec ce changement: que puisque telles corrections se doivent faire a [155] la forme de l'Evangile, ce president seroit l'un des praedicateurs, constitué par l'Evesque; les conseillers, [156] des plus apparans dela autour, moitié ecclesiastiques, moitié lais, entre lesquelz le premier seroit un des seigneurs officiers de Son Altesse, avec voix decisive. La seroit (sic) corrigés telz vices que ceux qui y estoyent corrigés parmi les huguenotz, et la peyne, tant pecuniaire que corporelle, pourra estre limitee par Son Altesse comm' elle l'estoit au Consistoire des huguenotz.

 

Revu sur l'Autographe conservé à Turin, Archives de l'Etat. [157]

 

 

 

Conseil de la correction

 

            Il y a parmi les huguenotz un Consistoire, composé pour la pluspart et quasi tout de gens laicz, ou praeside un homme laiz et y assiste l'un des seigneurs officiers de Son Altesse, sans y avoir aucune voix decisive; et en ce Consistoire sont corrigés, repris et censurés de paroles et de quelque legere peyne, les vices desquelz le magistrat n'a pas coustume de chastier: comme ivroigneries, exces de balz, danses, jeuz, vestemens, banquetz, noyses entre mary et femme, desobeyssance du filz au pere, mauvais traittemens du pere au filz, luxures, adulteres, parolles deshonnestes, chansons lascives, juremens et blasphemes, et telles desbauches de jeunes gens; en quoy le peuple se tient en discipline, non sans autant de fruict que le mauvais fondement de la religion [155] sur laquelle ilz s'appuyent le peut permettre. Et partant sembleroit qu'il sera bon de leur en laisser quelque forme, mays avec ce changement: parce que ces corrections se doivent faire par parolle et remonstrance a la forme de l'Evangile, le praesident sera l'un des praedicateurs, tel qu'il plaira a l'Evesque de deputer; aura pour conseillers les plus notables de la ville et lieux de la autour, moidé ecclesiastiques, moitié laiz, vieux, graves et de reputation, et entre les laiz assistera tousjours l'un des seigneurs et le premier officier de Son Altesse, qui y aura voix decisive. La seront chastiés de parolle et reprehension et, s'il y eschoit, de quelque peyne legere, les mesmes vices qui le sont au Consistoire huguenot. Et quant a la peyne pecuniaire, Son Altesse la pourra limiter a quelque somme, et sera tousjours toute appliquee aux pauvres [du lieu] et a la reparation de l'eglise, par l'advis de l'assemblee; et la peyne corporelle, elle pourra aussy estre limitee par sadicte Altesse a quelques jours de jeusne qui se passeront es prisons de sadicte Altesse, sans note d'infamie.

            Item, faut lever les ministres, si faire se peut; si moins, les changer de lieu, notamment celuy de Thonon. [156]

            Ce sont là les choses qui pressent, Monseigneur, et a l'execution desquelles il ne faut point de delay. Que si Vostre Altesse veut passer plus outre et remettre entierement sa province de Chablais en son premier estat, elle doit sçavoir qu'il y avoit autresfois, depuis la riviere de la Durance jusques a Geneve, cinquante deux egiises parroissiales, et au balliage de Ternier dix-neuf, sans compter les abbayes, prieurez, couvents et chappelles. Les biens stables de tous ces benefices ont esté presque tous alienez par les Bernois. Quelques personnes ecclesiastiques en possedent quelques uns legitimement ; les autres fruicts ont esté unis à la Milice de l'Ordre des saincts Maurice et Lazare par le Pape Gregoire treiziesme, le treiziesme jour du mois de juin, l'an mil cinq cens septante neuf, et de son Pontificat le huictiesme ; et d'iceux quelques commanderies ont esté érigées. Monseigneur, Vostre Altesse voit bien ce que je veux dire et ce qu'il faut faire: il est necessaire de prendre de ces fruicts pour nourrir les curez et predicateurs, et pour restaurer les eglises ruinées; car, quel moyen autrement? Vous avez en cela la souveraine puissance et authorité, comme Grand Maistre de ceste Milice.

            Et tel est l'estat de vostre Chablais, Monseigneur: quand je diray que c'est une province ruinée, je ne mentiray pas. Il touche à Vostre Altesse d'y pourvoir. Quant à moy, j'ai des-ja employé vingtsept [157] mois à mes propres despens en ce miserable pays, à fin d'y espancher la semence de la parolle de Dieu, selon vostre volonté qui fust signifiée à Monsieur l'Evesque de Geneve: mais diray-je que j'ay semé entre les espines ou bien sur les pierres? Certes, outre la recouverte de monsieur d'AvulIy et de l'advocat Poncet. ce n'est pas trop grand cas des autres; mais je prie Dieu qu'il nous baille une meilleure fortune. Et Vostre Altesse, selon sa pieté, ne permettra point que tous ces desseins et tous ces efforts soyent en vain; mais plustost, puis qu'elle s'est des-ja acquise la grandeur par la pieté mesme, elle preferera ceste victoire qu'elle peut Remporter sur la cruauté de l'heresie à toutes les autres qui sont preparées à sa vertu. [158]

 

 

III. Requête au même en faveur du chapitre de Saint-Pierre de Genève (Fragment). Le duc a déjà déclaré sa volonté touchant la restitution des biens ecclésiastiques du Chablais ; prière d'étendre cette ordonnance en faveur du Chapitre, afin qu'il puisse rentrer en possession de ses anciens bénéfices, celui d'Armoy en particulier. — Pauvreté des Chanoines. — Concessions que trois Papes leur ont faites pour les soulager. — Somme qui leur est due, et comment elle pourrait leur être payée.

 

[Octobre 1596-septembre 1598.]

 

……………………………………………………………………………………………………..

            Ces années passées, Monseigneur, que Vostre Altesse [158] estoit venuë en Savoye pour faire la guerre aux huguenots, selon son zele à la religion catholique, elle avoit déclaré par lettres patentes que sa volonté estoit que tous les biens d'Eglise fussent restituez, specialement à l'Eglise cathedrale de Geneve, qui est des principales de vos Estats, et, entre les principales, la plus illustre et plus ancienne; et ceste volonté vostre a esté enterinée par vos cours souveraines du Senat et de [159] la Chambre des Comptes de Savoye. Maintenant que la tres-saincte foy catholique a de l'entrée en Chablais, nous supplions tres-humblement Vostre Altesse qu'il luy plaise d'estendre le mesme commandement, à fin que ce pauvre Chapitre puisse r'entrer dans les biens qui luy appartiennent d'ancienneté, et principalement dans le benefice curé de l'eglise d'Armoy.

            Si Vostre Altesse ne le sçavoit pas, je luy raconterois les miseres que ces pauvres Chanoines souffrent tous les jours. Privez de tout secours humain et chassez de leur cité comme des larrons, ils sont contraincts de celebrer leurs Offices dans une eglise mendiée, que toutesfois ils font si bien, par la grace de Dieu, qu'il n'y a point d'eglise en l'Europe (et que cecy soit dit sans envie) où les divins Offices soyent celebrez avec plus de solemnité, ayant esgard à leur pauvreté, qui est presque extreme.

            Le Pape Paul III, en consideration de leurs miseres, [160] leur avoit concedé la moitié des fruicts de chaque benefïce du diocese, vaquant la premiere année, à fin que les autres eglises secourussent, au moins en quelque façon, leur matrice. Le Pape Pie IV et le Pape Gregoire XIII les avoyent exemptez du payement des decimes, quelque grande que fust la necessité; neantmoins, les années passées, huictante neuf, nonante et nonante une, toutes les graines de ceste Eglise furent enlevées par les officiers de Vostre Altesse, de sorte que les Chanoines furent contraincts de mendier leur vie chez leurs parens et amis.

            Toutesfois, la souveraine Chambre des Comptes a jugé que pour ces graines ainsi enlevées on devoit au Chapitre plus de deux mille et six cens florins: c'est pourquoy, Monseigneur, Vostre Altesse est tres-humblement suppliée de vouloir ratifier les volontez des Souverains Pontifes; et, pour le payement de ces deux mille et six cens florins, s'il luy plaisoit de faire faire des habits à l'usage de l'Eglise, elle imiteroit glorieusement la pieté et liberalité de ses serenissimes ancestres, specialement de ce tres-sage prince Amedée, Duc premier, lequel, apres avoir cedé la Papauté pour la tranquillité de tout le Christianisme, se contenta de demeurer Evesque de Geneve, et mourut sous l'auguste mittre de ceste Eglise.

……………………………………………………………………………………………….. [161]

 

IV. Projet d'un mémoire a présenter au Duc de Savoie d'après les conclusions adoptées a Annemasse le 29 juillet 1597. La restitution des bénéfices ecclésiastiques est indispensable. — De quelle utilité serait l'établissement à Thonon d'un collège dirigé par les Jésuites ; le prieuré de Saint-Hippolyte pourrait lui être attribué. — La collégiale de Viry et union projetée. — Mesures à prendre pour une conférence avec les ministres de Genève. — Charges du curé d'Annemasse ; comment l'en dédommager.

 

            Pour introduire entierement la tres sainte religion catholique en Chablaix, il est grandement necessaire de prier Son Altesse Serenissime qu'elle remette tous les benefices curés qui ont esté possedés jusques a present par les Chevaliers des Saintz Maurice et Lazare, aux pasteurs qui ont esté et qui seront establis par l'Evesque de Geneve, affin que les exercices et Offices sacrés y soyent deuement observés, les Sacremens administrés aux peuples.

            Rien ne peut arriver de plus utile a ceste province de Chablaix que si l'on construit et erige un college de la [162] Compaignie de Jesus en la ville de Thonon; car d'iceluy, non seulement maintenant plusieurs Religieux pourroyent aller par tous les autres lieux du diocese, mais encores, comme d'un Seminaire, plusieurs prestres et jeunes hommes pourroyent sortir par cy apres, qui porteroyent l'Evangile par toutes les villes et villages du voysinage. Et ainsy ce seroit une bonne forteresse de laquelle on combattroit vaillamment, comme a l'opposite, contre les insolentes attaques de Geneve et de Lausanne: car la ville de Thonon est entre l'une et l'autre, de sorte que, s'il y avoit un soldat qui peust jouer de la droitte et de la gauche, il combattroit facilement l'une et l'autre; outre qu'elle n'est pas beaucoup esloignee de la forteresse des Alinges, suffisante pour soustenir le siege d'une armee royale, affin qu'en cas de necessité elle peust servir de refuge aux Peres. [163]

            Mays affin que ce college puisse subsister, il faut ceder le prieuré de Saint Hippolite, situé au milieu de la ville et [avec] commodité de beaux et grans bastimens, de revenu annuel de mille et deux cens escuz, uni par cy devant a l'eglise parroissiale de Viry par le Pape Sixte cinquiesme; laquelle eglise collegiale en fera volontier la cession pour une chose si sainte et de si grande importance, et luy suffira si, a ceste consideration, il plaist a Sa Sainteté de luy unir quelque autre benefice.

            Et affin que le peuple de Thonon soit porté d'une plus grande affection d'embrasser la religion catholique, il faut remonstrer a Son Altesse qu'elle fera beaucoup si elle relasche en leur faveur quelque chose des contributions ordinaires et extraordinaires.

            Quant a ce qui regarde l'eglise collegiale de Viry, au balliage de Ternier, affin qu'elle soit restituee en son premier estat, selon la teneur de la Bulle de son erection, il faut prier Son Altesse qu'en compensation du prieuré de Thonon, il luy playse de consentir a l'union des egiises de Saint Julien et de Thoiry, comme encores qu'elle puisse percevoir les dismes des lieux voysins de [164] Beaumont et de Bernex, appartenantes au prieuré de Saint Jean hors les murs de Geneve et maintenant possedees par les Chevaliers des Saints Maurice et Lazare, de la valeur annuelle de cinq cens florins, avec une pension de trente couppes de froment de la mesure de Chaumont, ou de vingt couppes de la mesure de Chamberi; a rayson de laquelle pension ceste eglise collegiale fournira d'un aumosnier aux soldatz du fort de Sainte Catherine.

            Et parce que les Genevoys ont si souvent dit par cy devant qu'ilz vouloyent conferer avec les theologiens catholiques, quoy qu'ilz semblent d'avoir manqué de courage, neanmoins il faut les contraindre a ce faire; et pour ce, escrire au ministre Perrot qu'il fasse avoir la response dont il s'est chargé. Que s'il ne veut pas respondre, il faudra derechef escrire aux scindiques de la ville; et si ceste conference se fait, il faudra obtenir de la ville un sauf conduit pour les Peres, docteurs, secretaires et tesmoins. [165]

            Et parce que le curé d'Annemasse doit supporter plusieurs charges pour ce fait, tant a recevoir les predicateurs, secourir les energumenes, qu'a reparer les ruines de son eglise, il faut supplier Son Altesse qu'elle consente a l'union des dismes que les Religieuses de Bellerive percevoyent autresfois riere la parroisse [166] d'Annemasse, maintenant possedees injustement par un heretique de Geneve, achetees d'une Religieuse.

                                                                                                          FRANÇS DE SALES,

                        Praevost de l'Eglise cathedrale de St Pierre de Geneve.

            JEAN SAUNIER, de la Compagnie de Jesus.

            LOUYS DE SALES, chanoyne de l'Eglise de Geneve.

            FR. CHERUBIN [DE MAURIENNE], Capucin.

            FR. ESPRIT [DE BEAUME], Capucin.

            BALTHAZARD MANIGLIER, Curé d'Annemasse.

                                                                       BARON DE VIRY, tesmoin. [167]

 

 

V. Avertissement aux hérétiques qui désirent rentrer dans le sein de l'eglise. Retour de quelques âmes à la foi catholique. — Ce qui en arrête beaucoup d'autres dans leur désir de conversion. — Calomnie contre l'Eglise. — François de Sales déclare que nul, après l'abjuration, ne sera soumis aux peines encourues par le fait de l'hérésie.

 

Annecy, 21 octobre 1597.

 

            Noi FRANCESCO DE SALES, Dottor de Legi, professor de Theologia et Praevosto della Chiesa cathedrale della diocaesi di Geneva, a consolatione de tutti che le cose infrascritte deserano (sic) saper:

            Salute et pace in Christo Signor nostro.

            Perché alcune persone virtuose, tocche dalla misericordia d'Iddio, sonno con humil pentimento ritornate a lui, et lasciate le tenebre della haeresia calviniana sonno venute alla vera luce di Christo Jesù, nostro vero Sole, et per mezzo nostro, in virtù della authorità che [168] ci è stata concessa della (sic) Santa Sede Apostolica, sonno stati ricevuti et abbracciati nell' osculo di pace dalla santa Chiesa Catholica, Apostolica, Romana: desiderando sommamente che vengano molti a simile pœnitentia, habbiam inteso con gran maraviglia che moltissimi sonno trattenuti nell' error con questo falso timor et vana paura, di non esser sicuri fra' Catholici delle loro vite et persone, non ostante le absolutioni fatte dall' authorità della Sede Apostolica, con dire che nella Chiesa Romana si adopra questa regola, cioè: Haereticis non est servanda fides; inventione veramente [169] diabolica per impedir l'anime di volar a Christo.

            Però, a petitione di dette persone, habbiam fatto la prsesente, per certificar ogn'uno dell'ampio indulto Apostolico et sicurtà ch'egli ottenerà ogni volta che lasciarà l'haeresia non solo calviniana, ma di qualumque author esser si possa. Et le diamo sicurtà, che ritornando al vero ovile di Christo, sarà benignamente ricevuto et trattato, et con ampia fede fatto immune et essente da ogni et qualumque pcena, come di sopra, da qualumque giudice ecclesiastico o temporale inflitta per l'haeresia et haeretici.

            Et in fede del vero, haverno scritto la prsesente di nostra propria mano, et segnatola col proprio nostro segno et sigillo.

            Data in Annessi, hoggi 21 di Ottobre 1597.

                        FRANCO DE SALES,

            Praevosto di S. Pietro di Geneva.

 

Revu sur l'Autographe conserve à la Visitation de Pistoic (Italie). [170]

 

 

 

            Nous, FRANÇOIS DE SALES, docteur en droit, professeur de théologie et Prévôt de l'Eglise cathédrale du diocèse de Genève, pour la consolacion de tous ceux qui désirent savoir les choses écrites ci-après:

            Salut et paix dans le Christ Notre-Seigneur.

            Quelques personnes vertueuses, touchées de la miséricorde de Dieu, sont retournées à lui avec un humble repentir, et, quittant les ténèbres de l'hérésie calviniste, sont venues à la vraie lumière du Christ Jésus, notre vrai Soleil; puis, par notre entremise, en [168] vertu de l'autorité qui nous a été accordée par le Saint-Siège Apostolique, elles ont été admises au baiser de paix de la sainte Eglise Catholique, Apostolique, Romaine. Or, nous souhaitons ardemment que beaucoup d'autres viennent également à pénitence; mais nous avons appris avec un profond étonnement qu'un grand nombre sont retenues dans l'erreur par la fausse crainte et la vaine frayeur de ne pas être en assurance pour leur vie et leurs personnes parmi les catholiques, malgré les absolutions données par l'autorité du Siège Apostolique. En l'Eglise Romaine, dit-on, la règle en usage est celle-ci: Avec les hérétiques, on n'est pas tenu à garder [169] sa parole; invention vraiment diabolique pour empêcher les âmes de s'élancer vers le Christ.

            C'est pourquoi, à la prière des personnes susdites, nous avons fait la présente, afin d'assurer chacun du plus ample pardon Apostolique et de la sécurité qu'il obtiendra lorsqu'il abandonnera l'hérésie non seulement de Calvin, mais de tout autre fauteur. Nous lui donnons l'assurance que, revenant au vrai bercail du Christ, il sera reçu et traité avec bonté, et qu'avec une loyauté parfaite, il sera, comme il est dit ci-dessus, affranchi et libéré de toute peine infligée pour cause d'hérésie et aux hérétiques par n'importe quel juge ecclésiastique ou séculier.

            En foi de quoi, nous avons écrit la présente de notre propre main, et l'avons signée de notre propre seing et avec notre sceau.

            Donnée à Annecy, aujourd'hui 21 octobre 1597.

            FRANÇOIS DE SALES, Prévôt de Saint-Pierre de Genève. [170]

 

 

VI. Articles présentés au duc de Savoie en faveur de la religion catholique, et réponses de Son Altesse. Restitution et destination des bénéfices ecclésiastiques du Chablais. — Le maître d'école de Thonon et les écoliers. — Priver les hérétiques des charges publiques. — Pourquoi le ministre doit être éloigné de la ville. — Droit de bourgeoisie pour les habitants catholiques.

 

Thonon, fin septembre-4 octobre 1598.

 

            1. Que Son Altesse baille entiere mainlevee du revenu de tous les benefices de Chablaix, pour l'entretenement des curés et autres ecclesiastiques necessaires pour l'instruction des peuples et pour les autres exercices catholiques.

            S. A. l'accorde.

            2. Et a tout evenement, qu'au moins les revenuz des cures y soyent employés, avec une ample et perpetuelle provision; et quant aux revenuz des autres benefices non cures, que pour troys [ans] ilz soyent levés pour la restauration des eglises, autelz et autres choses necessaires pour les exercices de pieté, a quoy la pauvreté des peuples ne sçauroit prouvoir a ce commencement.

            S. A. l'accorde.

            3. Lever le maistre d'escole heretique de ceste ville, avec rafraischissement des inhibitions et defences portees par les statutz de Savoye, qu'aucun subject ne [171] puisse envoyer a l'estude ses enfans hors les Estatz de Son Altesse sans expres congé d'icelle.

            Pour le particulier du maistre d'escole, S. A. l'accorde; et quant a mander les enfans dehors, elle y a prouveu par son Edict general.

            4. Et au lieu du maistre heretique en loger un catholique, et donner une expresse commission a messieurs les Gouverneur, Juge maje et Procureur fiscal, de restablir et faire representer un legat laissé par François Echerny et sa femme, destiné a l'entretenement de douze pauvres escoliers, pour estre employé, selon l'intention du legateur, pour la nourriture de ces douze escoliers, qui soyent catholiques.

            S. A. l'accorde.

            5. Que les heretiques soyent privés de toutes charges [172] publiques, offices et estatz, non seulement qui dependent immediatement du service de Son Altesse, mais encores des charges et offices dependans des jurisdictions inferieures et subalternes, sur tout de la comté des Alinges, et autres biens des sieurs Chevaliers de Saint Lazare.

            S. A. l'accorde.

            6. Que le ministre soit esloigné le plus qu'il se pourra faire de ceste ville, puysque, selon les conventions faites a Nyon, elle a esté nommement exceptee pour n'y avoir jamais aucun exercice heretique, et que l'approche que le ministre a fait n'a aucun congé de Son Altesse, mais seulement une simple connivence des officiers; ce qui fait encores pour une juste rayson de lever le maistre d'escole.

            S. A. l'accorde ; et de plus, conformement a sa resolution prinse desja de longue main, entend et veut que l'exercice de la religion contraire soit du tout defendu, tant en general qu'en particulier

            7. Que les Catholiques, habitans de ceste ville, soyent faitz bourgeois d'icelle, supportans les charges ordinaires et accoustumees a l'entree de la bourgeoisie, avec pouvoir d'entrer et d'assister aux Conseilz de la Ville, y avoir voix deliberative et en fin participer a tous les privileges.

            S. A. l'accorde.

            Donné à Thonon, le 5 d'octobre 1598.

CHARLES EMANUEL.

BOURSIER. [173]

 

VII. Autres articles présentés au Duc de Savoie pour la conservation et propagation de la religion catholique, et réponses de Son Altesse. Mesures à prendre à l'égard des habitants du Chablais et de Ternier qui ne professent pas la vraie foi. — A quelles conditions sont permises les disputes en matière religieuse. — Ne pas détourner les catholiques de l'assistance aux Offices. — Ordonnances diverses touchant l'observation des commandements de Dieu et de l'Eglise, les livres hérétiques, la sanctification des jours de fête et l'instruction religieuse. — Confirmation de l'Edit qui exclut des charges publiques les «reformés». Réparations et restitutions. — Règlement pour la distribution des aumônes en «graines». — Les cloches. — Prière au duc de prendre sous sa protection l'Évêque, le clergé, les prédicateurs et leurs familiers. — Injonction aux magistrats du Chablais d'avoir à faire observer les instructions susdites.

 

Thonon, vers le 15 octobre 1598.

 

            1. Qu'il playse a Son Altesse d'ordonner que les habitans riere Chablaix et Ternier vivront selon la religion Catholique, Apostolique et Romaine, donnant a ceux qui tiennent autre forme de religion delay competent, ou [174] pour se cathechizer, ou vuider les Estatz, avec permission de pouvoir vendre leurs biens aux Catholiques pendant ledit tems; lequel escheu, lesditz biens soyent tenuz pour confisqués, et pourra on proceder contre leurs personnes a forme du droict.

            Il y a Edict dressé pour interdire, tant en general qu'en particulier, la pretenduë religion, la publication duquel se pourra faire dans sept ou huict jours, dont est donné charge au Juge mage; lequel aura lieu encores pour n'aller hors de nos Estats a l'exercice d'icelle, deffendant a toutes personnes, de quelque qualité qu'elles soyent, de n'absenter le pays, ny transporter ou faire transporter leurs biens directement ou indirectement, a peine de confiscation de corps et de biens; et a mesmes peines est enjoinct a ceux qui auront absenté, de retourner dans huict jours apres.

            2. Qu'il ne sera permis a quelque personne que ce soit de dogmatizer, ny disputer de la foy, sinon devant des theologiens catholiques ou autres personnes ecclesiastiques, pour estre instruitz tant seulement; a telle peyne qu'il plaira a Son Altesse. Comme aussi de ne divertir ny empescher en quelque maniere que ce soit de frequenter les divins Offices et autres exercices catholiques.

Pour le premier chef, il est respondu comme en l'article precedent. Quant a l'autre, qui est de ne divertir les personnes de la religion Catholique directement ni indirectement, Son Altesse en charge et enjoinct aux officiers de chastier exemplairement ceux qui feront le contraire.

            3. Que tous ceux qui habitent riere lesditz Estatz [175] observeront les testes, jeusnes, vigiles, Caresme et autres commandemens de l'Eglise, et assisteront aux processions; aux peynes qu'il plaira a Son Altesse.

            Son Altesse treuve bon que le Reverendissime Evesque de Geneve dresse, tant pour ce regard que pour toutes autres choses concernant le service de Dieu, police ecclesiastique et correction des mœurs, tels ordres et reglemens qu'il verra estre necessaire; lesquels sadicte Altesse veut, entend et commande d'estre gardez d'un chacun; ordonne a ses magistrats de les faire observer. Et d'autant qu'il y a plusieurs choses esquelles la justice ne met la main, comme dissensions, inimitiez, concubinages, ivrogneries et semblables excez, S. A. veut qu'on establisse un magistrat des moeurs, qui sera d'aucuns ccclesiastiques, y assistans tousjours ou le sieur Gouverneur, ou le Juge mage, ou bien le Procureur fiscal, et quelqu'un du corps de la Ville, qui auront pouvoir de faire emprisonner et faire payer amende jusques a soixante sols, donner des penitences salutaires. Et a ces fins, ils establiront des censeurs et surveillans, tant à la ville qu'aux champs, et feront tout ce qu'ils verront estre necessaire pour l'advancement de la pieté et reformation des mœurs, sans formalité de procedure ou d'opposition, cecy n'estant que pour maintenir les personnes au devoir de bon Chrestien.

            4. Qu'il soit defendu a toutes personnes de lire ou tenir livres heretiques, censurés et prohibés, et faict commandement a ceux qui en ont de les remettre dans le moys es mains du Reverendissime Evesque; lequel moys expiré, pourront lesditz deputés en faire recherche particuliere par les maysons, et y proceder par censures ecclesiastiques et autres peynes de droit, assistés des officiers locaux pour leur faire main forte et y proceder, non obstant opposition et appellation.

            Les Edicts de S. A. y prouvoyent, lesquels seront publiez. De nouveau sera faict Edict general touchant tous les livres prohibez qui sont portez par sus l'Estat de Savoye; defence a tous d'en transmarcher ça et la, a grosse peine. [176]

            5. Qu'es jours des festes chacun assistera aux divins offices de l'Eglise, mesme de la Grande Messe, Vespres, presche, processions, et y seront a ce contraintz par les officiers locaux; a telle peyne qu'il playra a Son Altesse.

            S. A. l'accorde pour le regard des Catholiques. Et quant à ceux qui ne sont catholisez, sadicte Altesse veut et commande, pour obvier a un atheisme, que tous les hommes et femmes assisteront aux presches catholiques, et ordonne a tous ses officiers d'y tenir main, et y contraindre les defaillans par toutes voyes possibles et necessaires; et que tous peres et meres et chefs de famille feront venir leurs enfans au catechisme, defendant de porter baptizer, instruire et faire mariages autre part qu'en l'Eglise Catholique, a peine de son indignation et amende arbitraire.

            6. Qu'il ne sera permis a personne de se monstrer en public, ni demeurer dans les tavernes, moins de danser, ni ouvrir les boutiques, es jours des festes, pendant les Grandes Messes, Vespres, processions et presches; a peyne portee par les Editz de Son Altesse.

            Son Altesse le treuve bon, en conformité de ses Edicts cy devant publiez, qu'Elle veut estre observez, voulant qu'on depute en la ville [177] et villages des personnes idoines pour censeurs, qui visiteront les places et maisons pour reveler les contrevenans et les faire chastier, ayant esté prouveu en l'article troisiesme. L'on pourra bien appliquer aux censeurs quelque peu de l'amende qu'on imposera aux contrevenans.

            7. Que les peres et meres de famille envoyeront leurs enfans, filles, serviteurs, chambrieres et autres domestiques a l'eglise es jours deputés, pour ouyr le cathechisme; et a ces fins, seront commis par les ruës des villes et villages des parroisses des dizainiers pour les enrooller, et accuser aux peres spirituelz l'absence de ceux qui ne s'y trouveront, pour y estre procedé contre les desobeyssans par telles peynes qu'il playra a Son Altesse.

            S. A. l'accorde, entendant specialement que ceux qui ne sont encore catholisez y soyent comprins, et les defaillans punis.

            8. Que l'Edit de la privation de tous offices publiez contre ceux qui demeurent obstinés en leur heresie sera observé selon sa forme, avec declaration qu'ilz ne pourront exercer lesditz offices ni fermes par interposites personnes, moins y participer; a peyne de l'Edit pour ceux qui les associeront.

            C'est l'expresse intention de S. A. Pour ce, Elle ordonne au Juge mage et Procureur fiscal de faire defence en particulier a ceux qu'il sera de besoing, de ne s'ingerer d'aucuns offices et charges, directement ou indirectement, pendant qu'ils demeureront en la pretendue religion.

            9. Qu'il playse a Son Altesse de deputer des commissaires pour informer contre ceux qui ont demoli les eglises et maysons des curés, vendu, acheté et emporté les tuilles, bois, pierres d'autelz, des baptisteres et eau-benistiers, affin qu'outre les peynes de droict portees contre telz, ilz soyent contraintz a rebastir les eglises et maysons des curés a leurs despens, et les meubler d'ornemens necessaires. [178]

            S. A. commet le Juge mage de Chablaix, et ordonne au Procureur fiscal de tenir main a l'entiere execution du contenu de cet article.

            10. Que ceux qui possedent les biens des eglises soyent contraintz de les relascher, sçavoir: des parrochiales, au Reverendissime Evesque ou a ses deputés, et des autres, entre les mains de celuy qu'il playra a Son Altesse ordonner, pour estre remises auxdites eglises.

            Il est accordé.

         11. Que ceux qui ont des tiltres, papiers, livres de reconnoissance, extraitz et autres documens concernans les revenuz des eglises, les remettront dans le moys entre les mains de tel commissaire qu'il plaira a Son Altesse, pour estre puys apres delivrés a ceux ausquelz ilz appartiendront.

            Les droicts et tiltres requis seront remis es mains du sieur d'Angeville, œconome deputé par sadicte Altesse, et du Procureur fiscal, qui s'en chargeront par inventaire. Et a ce, seront contraincts ceux qui les auront riere eux, nonobstant opposition ou appellation quelconque.

            12. Qu'il playse a Son Altesse de remedier a l'abus qui se commet aux graines des aumosnes destinees pour les pauvres villageois et reservees par les baillafermes, affin qu'elles soyent employees ainsy qu'il appartient; et par ce moyen en faire declaration expresse, deputant des commissaires pour ouyr les contes des precedens fermiers sur le faict des aumosnes, et commander au Senat de contraindre ceux qui les ont retirés, de les rendre et tenir conte, suyvant ce qui sera ordonné par le Reverendissime Evesque.

            Se fera la reddition des comptes desdicts bleds des aumosnes de trois en trois mois, en presence du seigneur Reverendissime Evesque de Geneve, ou de son Official; present le Juge mage, ou Procureur fiscal, appeliez les deux syndiques de Tonon; auquel Juge mage est mandé de faire observer ce qui sera resolu, nonobstant opposition ou appellation, par ledict seigneur Evesque, tant pour le regard de la distribution desdictes aumosne, que pour reddition desdicts comptes de ce qui est escheu pour le passé et n'a esté distribué par les fermiers, que pour les aumosnes du temps a venir. [179]

            13. Que les cloches qui sont aux Alinges seront restituees aux eglises ausquelles elles appartiendront ; et le metail de celles de Thonon, Filly et autres, qui est audit lieu, sera remis au Reverendissime Evesque ou a ses deputés, pour estre employé a faire des cloches aux eglises de Thonon, ainsy qu'il verra estre plus expedient ; le tout dans quinze jours.

            S. A. l'accorde, et ordonne au sieur de Lambert de le faire: ce qui s'entend encore des cloches des villages, qui seront entieres ou en pieces. [180]

            14. Qu'il playse a Son Altesse de mettre sous sa sauvegarde et protection particuliere le Reverendissime Evesque, ses chanoines, curés, prescheurs, prestres et autres ecclesiastiques, leurs familiers et domestiques, a ce qu'il ne leur soit fait ni donné aucune fascherie en leurs personnes et biens; et partant, les remettre en garde et charge, tant aux seigneurs Gouverneur de Chablaix et Ternier, que magistratz et scindiques des villes et parroisses, affin qu'ilz y tiennent main, qu'il ne leur soit fait aucun tort ou violence ; a peyne de s'en prendre a leur privé nom.

            Il est accordé, et sont remis tous les ecclesiastiques a la charge des habitans de la ville de Thonon et des parroisses, ausquelles l'on fera prester le serment.

            15. Et que, tant lesditz seigneurs Gouverneur que magistratz, tiendront main a l'observation de ce que dessus, et, en ce qui concerne la jurisdiction spirituelle, assisteront aux officiers par toutes voyes de justice deuë et raysonnable, a la forme du droict, et suyvant les Editz de Son Altesse et son intention.

            S. A. enjoint tres expressement aux sieurs Gouverneur de ce pays, Juge mage et Procureur fiscal, de tenir main a l'observation de tout ce que dessus, en tant qu'ils desirent luy obeyr.

            Faict à Tonon, le douziesme jour de novembre, mille cinq cens nonante huict.

                                                                                              CHARLES EMANUEL.

                                                                       Veu, BERLIET, pour le seigneur Chancelier.

                                                                                                          BOURSIER. [181]

 

 

 

VIII. Mémoire présenté a Sa Sainteté Clément VIII au nom de Mgr de Granier (Minute inédite). L'Evêque de Genève demande au Saint-Siège, pour lui, l'autorisation d'assigner des prébendes monacales vacantes, à l'entretien de théologaux et de curés ; pour ses chanoines, celle de posséder des bénéfices avec leur canonicat. — Il sollicite, à cause de ses charges, l'exemption du payement des décimes au duc de Savoie. — Avantages qu'il y aurait à libérer de diverses servitudes certains sujets de l'évêché. — Pourquoi il serait bon que le Prélat et plusieurs ecclésiastiques désignés par lui, eussent d'amples pourvoira pour absoudre les hérétiques. — Nécessité de la réforme des Monastères ; moyen à prendre pour y arriver.

 

Octobre 1598.

 

            [2.]…………………………………………………………………………………………

che le voglia accettare, si supplica che si dia authorità a detto Vescovo di Geneva di poter supprimere una praebenda monacale de' monasterii et priorati conventuali di detta sua diocaesi, vacante o da vaccare, et ad ogni theologo assignar due di quelle praebende suppresse, come [182] sarà espediente; et che, in difetto di dette praebende, si possano supprimere alcuni benefìcii semplici delle chiese stesse dove si constituirà la proebenda theologale, et applicarli ad essa theologale: che così si accenderà vivamente il fuoco evangelico tutto a l'intorno di Genevrini per cacciar il freddo boreale che gli agiaccia (sic).

            3. Et non solo è necessaria questa provisione de theologi, ma anco di dar modo alli curati di poter vivere et servire nelle loro parrochie con decentia, poiché sonno essi che portano pondus diei et æstus. Onde ritrovandosi molti curati tanto poveri che sonno costretti abandonar i loro figlioli spirituali, si supplica che ogni volta che detto Vescovo sarà richiesto, etiam extra visitationem generalem, possa assignarli congrua portione sopra le decime, primitie et oblationi di dette parrochie, possedute dalli Abbati, Priori o altri ecclesiastici, non ostante qual si voglia oppositione o appellatione.

            4. Et perchè fra le parti necessarie ad una diocaesi una principale è un Capitolo cathedrale, essendo li canonici della Cathedrale di Geneva o dottori o gentilhuo- [183] mini, secondo il loro Statuto, et li canonicati non eccedendo 60 ducati, non possono per nessun conto, massime in questi tempi calamitosi, vivere secondo loro decentia et qualità. Onde si supplica che possano, insieme con loro canonicato, ottenere et ritener chiese parrochiali, mettendovi vicarii idonei et visitandole a certi tempi; poiché non possono aspirar ad altri beneficii, essendo quasi tutti de jure patronatus et si danno doue pare alli patroni. Altrimente, detti canonici verranno a disgregarsi per non haver modo di vivere, non senza gravissimo danno della diocsesi, alla quale servono et con prediche et coli' assistentia debita alli negotii del Vescovato.

            5. Essendo li frutti della mensa episcopale tanto tenui che a paena bastano per la decente sustentatione [184] del Vescovo, massime adesso che glie conviene far grandissima spesa nell' andar [a] consecrar et benedire le chiese, cimiterii et altari delli convertiti et confìrmarli: per tanto si supplica a Sua Santità di esimerlo d'ogni pagamento di decime concesse al Duca di Savoia, rimettendo la parte ch'a luy (sic) tocca, per esser pagata dall' altri beneficiati di Savoia che non hanno da supportar tanti carichi et sonno più commodi.

            6. Sonno poi molti sudditi o tagliabili del vescovato, astretti ad infinite servitù quali rissentono più presto il paganesimo che il Christianesimo: che morendo senza figli non possano testare, anzi ricadino i loro beni al Vescovo; che devano imporre silentio alle rane mentre il Vescovo dorme, et altri simili impertinentie. Il che reca pochissimo frutto al Vescoùo, restando quelli tali, per ordinario, meschini et poveracci, anzi astenendosi di comprar per esser di tale conditione. Onde si supplica che detto Vescovo possa affrancar et liberar li [185] süoi sudditi da dette servitù, mediante una somma de denari da convertirsi in evidentem mensae episcopalis utilitatem, per tanto più dar modo al Vescoùo di affiticarsi (sic), et li altri, nel l'opra del Signore.

 

Aiuti spirituali

 

            7. Essendo molti haeretici, et per queste guerre anco rilassi, originarli o habitanti di quella diocaesi, desiderosi di venire nel grembo della Chiesa, lasciano di risolversi, massime le donne, vecchi, servitori et altri simili, per non voler venire dal Vescovo: si supplica a Sua Santità che havendo compassione alla infìrmità di queste pecorelle smarrite, dia facoltà et licentia perpetua, tanto a lui et suo Vicario, quanto a diece o dodeci persone dotte et habili da elegersi dal detto Vescovo, di assolvere detti haeretici, etiam relassi, di qual si voglia haeresia. Et per questo effetto et per poter rispondere alle bugie loro, concedere a tutti li sudetti che possano [186] tener et leger libri prohibiti, et massime quelli che ogni giorno mandano fuora. Et si domanda questa licentia perpetua, per li molti impedimenti che sopragiengono (sic) di poter mandar a Roma, et alle volte tal' hora che il bisogno è più grande, come è adesso; atteso che sin hora le licentie date a detto Vescoüo sonno state, per gratia d'Iddio, bene et fruttuosamente adoprate.

            Saria anco bene che detto Vescovo potesse communicare la facoltà di benedire li vestimenti et tovaglie del l'altare, per la moltitudine che ne sarà necessaria et la grande incommodità se bisogna che il tutto si faccia da luy.

            8. Essendo quasi tutti li Monasterii, tanto d'huomini quanto di donne, di Savoia incredibilmente scandalosi a tutti per la mala vita de gl' habitatori, si supplica che essendo il male inveterato, si commetta a qualche Prelato oltramontano, o altro delli Stati di Savoya, come meglio informati delle cose necessarie, che con l'assistenza de düoi Padri Giesuiti, o Cappucini, o altri, come [187] sarà espediente, possa et debba visitar tutti li Monasterii, riformarli et corregere, authoritate Apostolica, senza appellatione nè oppositione qualumque; massime che cosi desidera anco il Serenissimo Signor Duca di Savoya, il quale a questo effetto darà ogni sorte di assistentia del suo braccio secolare dove farà bisogno.

……………………………………………………………………………………………………...

 

Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy. [188]

 

 

 

            [2.]………………………………………………………………………………………….

qui les veuille accepter, on demande pour l'Evêque de Genève le pouvoir de supprimer, dans les monastères et prieurés conventuels de son diocèse, une prébende monacale, vacante ou à vaquer, et d'assigner à chaque théologal deux de ces prébendes supprimées, comme il sera jugé à propos; et que, à leur défaut, on puisse [182] supprimer quelques bénéfices simples des églises mêmes où l'on constituera la prébende théologale, afin de les lui appliquer. Ainsi le feu évangélique s'allumera plus intense autour des Genevois pour chasser le vent du Nord qui les glace.

            3. Mais ce n'est pas seulement la provision pour les théologaux qui est nécessaire; il faut aussi donner aux curés moyen de vivre et de desservir convenablement leurs paroisses, puisque ce sont eux qui portent le poids du jour et de la chaleur. C'est pourquoi, comme nombreux sont les curés si pauvres qu'ils sont contraints d'abandonner leurs enfants spirituels, on demande que l'Evêque puisse, chaque fois qu'il en sera prié, même en dehors de la visite générale, leur assigner une portion congrue sur les dîmes, prémices et oblations de leurs paroisses, possédées par les Abbés, Prieurs et autres ecclésiastiques; et cela, nonobstant n'importe quelle opposition ou appel.

            4. Parce que parmi les corps [ecclésiastiques] nécessaires à un diocèse, le Chapitre cathédral est un des principaux, [on représente] que les chanoines de la Cathédrale de Genève étant tous, [183] d'après leurs Statuts, ou docteurs, ou nobles, et leurs canonicats n'excédant pas soixante ducats, ils ne peuvent en aucune façon, en ces temps malheureux surtout, vivre avec bienséance, et selon leur qualité. Aussi on demande qu'ils puissent obtenir et retenir, avec leur canonicat, des églises paroissiales, en y mettant des vicaires capables et les visitant à certains temps ; car il ne peuvent aspirer à d'autres bénéfices, puisque presque tous, étant soumis au droit de patronage, sont conférés suivant le gré des patrons. Sans l'autorisation désirée, les chanoines, n'ayant pas de quoi vivre, se disperseront, non sans grand préjudice du diocèse qu'ils servent par leurs prédications et en prêtant leurs concours aux affaires de l'évêché.

            5. Les revenus de la mense épiscopale sont si modiques qu'à peine suffisent-ils au convenable entretien de l'Evêque, maintenant [184] surtout qu'il lui faut faire de grands frais en allant consacrer et bénir les églises, les cimetières et les autels des convertis, et confirmer ceux-ci. Partant, on supplie Sa Sainteté de l'exempter de tout payement des décimes concédées au Duc de Savoie, reportant la part qui lui échet sur d'aures bénéficiers de Savoie qui n'ont pas tant de charges et sont plus à leur aise.

            6. Bien des sujets ou taillables de l'évêché sont astreints à d'innombrables servitudes qui sentent plutôt le paganisme que le christianisme: s'ils meurent sans enfants, ils ne peuvent tester, mais leurs biens reviennent à l'Evêque; ils doivent imposer silence aux grenouilles pendant que le Prélat dort, et telles autres choses ridicules qui n'apportent qu'un mince avantage à l'Evêque; car ces gens demeurent, pour l'ordinaire, abjects et misérables, se privant même d'acheter à cause de leur triste condition. On demande donc que l'Evêque puisse affranchir et libérer ses sujets de ces [185] servitudes, moyennant une somme d'argent qui sera employée à l'évidente utilité de la mense épiscopale, pour donner d'autant plus de facilité à l'Evêque et aux autres de travailler à l'œuvre du Seigneur.

 

Secours spirituels

 

            Par suite des guerres passées, nombreux sont les hérétiques, même relaps, qui, originaires ou habitants de ce diocèse, désirent rentrer dans le sein de l'Eglise; toutefois, ils ne peuvent s'y résoudre, surtout les femmes, les vieillards, les domestiques et tels autres, parce qu'ils ne veulent pas se rendre chez l'Evêque. Aussi supplie-t-on Sa Sainteté que, ayant compassion de la faiblesse de ces brebis égarées, Elle accorde à perpétuité, tant à l'Evêque et à son Vicaire, qu'à dix ou douze hommes doctes et capables choisis par le Prélat, le pouvoir et la permission d'absoudre ces hérétiques, même relaps, de n'importe quelle hérésie; et, pour cet effet, et afin de pouvoir répondre à leurs mensonges, qu'Elle les autorise [186] tous à garder et lire les livres défendus, notamment ceux que les [calvinistes] font paraître tous les jours. On demande cette permission à perpétuité, à causé des nombreux empêchements qu'on peut avoir de recourir à Rome, parfois même quand le besoin en est plus grand, comme maintenant; et d'autant plus que, jusqu'ici, les pouvoirs accordés à l'Evêque ont été, par la grâce de Dieu, employés heureusement et avec fruit.

            Il serait bon aussi que l'Evêque pût communiquer la faculté de bénir les ornements et les nappes d'autel, vu la grande quantité qui en sera nécessaire et la notable incommodité qu'il aurait à tout faire par lui-même.

            8. Les Monastères de Savoie, d'hommes et de femmes, donnent à tous d'incroyables scandales par la mauvaise vie de ceux qui les habitent: c'est pourquoi, et parce que le mal est invétéré, on demande qu'un Prélat ultramontain, ou un autre des Etats de Savoie, comme mieux informé de ce qui est requis, reçoive commission de visiter tous les Monastères, assisté de deux Pères [187] Jésuites, Capucins ou autres, selon qu'il sera expédient; de les réformer et corriger de par l'autorité Apostolique, sans appel ni opposition quelconque; et cela d'autant plus que tel est le désir du Sérénissime Duc de Savoie qui, à cet effet, prêtera tout secours du bras séculier là où il sera nécessaire.

………………………………………………………………………………………………. [188]

 

 

 

IX. Autre mémoire présenté au même Pontife au nom de Mgr de Granier (Minute). Une Bulle de Grégoire XIII concernant les revenus ecclésiastiques des provinces de Gex, du Chablais et de Ternier. — La conversion des deux derniers bailliages exige que l'union de ces bénéfices à l'Ordre des saints Maurice et Lazare soit annulée. — Prébendes théologales à constituer, et par quel moyen. — Comment subvenir à la pauvreté des prêtres. — Divers pouvoirs demandés. — L'Evêque implore l'exemption du payement des décimes au souverain, l'autorisation pour ses chanoines de posséder d'autres bénéfices et l'affranchissement de certaines servitudes pour les sujets de l'évêché. — Mesures proposées pour la réforme urgente des Monastères.

 

Octobre 1598.

 

1

 

                        Beatissime Pater,

            Exponit humillime Tuae Sanctitati Claudius Granierius, Episcopus Gebennensis, cum alias, ad instantiam [189] Emmanuelis Philiberti, tunc Sabaudiae Ducis, unita fuerint Militiae Sanctorum Mauritii et Lazari omnia beneficia simplicia, curionia, monasteria, prioratus et alia, agrorum Gexensis, Terniacensis et Caballiani, sub praetexta causa quod eorum tractuum incolae lutherani seu calviniani essent, nec divinus idcirco in iis cultus exerceri posset; praefinita fuit haec unio cum clausula, per quam Gregorius, foelicis recordationis, Papa decimus tertius, uti quandocumque earum ditionum incolae ad sanctam fidem converterentur, Lazariani Equites unicuique [190] curioni quem Episcopus elegisset, quinquaginta ducatos dare deberent annuatim, declaravit. Cum autem diebus praeteritis, per continuas praedicationes, Terniacences et Caballiani omnes in sacrosanctae Ecclesiae gremium redierint, numero sexaginta quatuor paraeciarum, quibus idonei et docti constituendi sunt rectores; praeter quos necessarii sunt in ecclesia Tononensi, primaria ditionum illarum urbe, octo saltem sacerdotes qui confessiones audiant et Sacramenta administrent, necnon tres validi concionatores, qui ab apostolico praedicandi munere nunquam cessent. Praetereaque restaurandae sunt dirutae pene omnes sacrae aedes, et ferenda alia, non sine magnis expensis, onera.

            Supplicat Sanctitati Tuae humiliter, uti unionem illam relaxare et penitus abrogare dignetur, quo beneficia illa omnia, qusecumque tandem sint, curionibus, rectoribus, concionatoribus, reparationibus aliisque ad conservadam religionem sanctam necessariis oneribus applicentur [191], quandoquidem Serenissimus Allobrogum Dux, qui ejus Militiae Magnus Magister est, suum in eam rem consensum praebet, licentiam eidem Episcopo concedendo instituendi paraeciales rectores beneficiaque distribuendi, prout viderit necessarium esse, necnon tres validos concionatores e quovis Ordine seu Religione eligendi.

 

2

 

            Exponit humillime Tuae Beatitudini Claudius Granierius, Episcopus Gebennensis: Ob provinciae paupertatem fructuumque praebendarum theologalium tenuitatem, non inveniuntur theologi qui eas acceptare velint, cum nihilominus ad spargendum divini verbi semen in ea diaecesi maxime sint necessarii.

            Supplicat idcirco Sanctitati Tuae, uti sibi licentiam dignetur concedere praebendam unam monachalem supprimendi in monasteriis et prioratibus conventualibus suae diaecesis, vacantem aut vacaturam, ad hoc ut unicuique theologo praebendas duas, prout expedire videbitur [192] assignare possit; et deficientibus praebendis, potestatem aliqua beneficia simplicia earum ecclesiarum in quibus hujusmodi praebenda constituetur, supprimendi, et eorum fructus eidem theologali applicandi; quandoquidem hac ratione in iis monasteriis, prioratibus et ecclesiis divinus cultus minime minuetur, imo vero majus et majus sumet in dies incrementum.

 

3

 

            Exponit humillime Claudius Granierius, Episcopus Gebennensis, cum majori ex parte suae diaecesis curiones adeo pauperes existant, ut saepenumero suos in Christo filios, magno cum animarum detrimento, cogantur deserere:

            Supplicat idcirco Sanctitati Tuae, uti ei licentiam dignetur impertiri iis curionibus congruam assignandi portionem, etiam extra visitationem generalem, super decimis, primitiis et oblationibus ab Abbatibus, Prioribus aliisve ecclesiasticis possessis, prout judicabit necessarium, non obstante oppositione quavis vel appellatione. [193]

 

4

 

            Exponit humillime idem Episcopus, quamplures sunt in sua diaecesi loci, quorum incolae consanguinitate vel affinitate junguntur, qui tamen, cum pauperrimi existant, tenuissimasque expectent dotes, difficillime extra possunt matrimonium contrahere, ne scilicet exiguam illam dotem visitationibus sponsae nuptiarumque oneribus insumant, nec habeant unde ad obtinendam ab Apostolica Sede dispensationem Romam mittant.

            Quapropter supplicat Sanctitati Tuae, uti concedere dignetur licentiam in quarto consanguinitatis vel affinitatis gradu dispensandi, eosque qui hactenus, eo non obstante quarto gradu, matrimonium contraxerunt, absolvendi, cum potestate prolem tali modo susceptam legitimam declarandi, hocque saltem in conscientiae foro; quandoquidem et paupertate, ne Romam mittant, impediuntur, et angustia loci coguntur simul contrahere. [194]

 

5

 

            Exponit humillime, cum multi sint lutherani seu calviniani in ejus diaecesi, sive relapsi, qui ad verae fidei redire lumen cupientes, tam pium et salutare opus intermittunt quia ad Episcopum venire nolunt:

            Supplicat Sanctitati Tuse, uti non sibi tantum et generali Vicario, sed et decem aut duodecim viris doctis et perspicacibus eligendis, eos haereticos, seu relapsos, ab omni hseresi absolvendi licentiam dignetur concedere; et in hunc effectum, utque illorum objectionibus respondere ii sacerdotes queant, potestatem, absque conscientiae scrupulo, habendi et legendi libros prohibitos, eos autem maxime quos quotidie haeretici in lucem emittunt; quandoquidem non ita facile possunt aliter convinci. Haec autem licentia petitur perpetua, quia cum datur ad tempus, finito eo, ubi statim nova non potest obtineri, plerique non tepescunt modo, sed frigidi fiunt redeuntque ad vomitum, vel dum haec expectatur licentia, non sine gravi animarum detrimento, moriuntur. [195]

 

6

 

            Exponit humillime: episcopalis mensae fructus adeo tenues sunt, ut vix ad decentem sustentationem, hoc misero prasertim tempore, sufficiant, quo magnis expensis eum onerari necesse est, eundo redeundoque ad ecclesiarum et altarium consecrationem benedictionemve.

            Supplicat Sanctitati Tuae, uti eum ab omni et quavis decimarum Sabaudiae Duci concessarum solutione dignetur eximere, partem illam quae ei convenit, in alios Allobrogicos Episcopos, vel beneficia possidentes, multo se ditiores et minus oneratos, remittendo.

 

7

 

            Supplicat humillime Sanctitati Tuae Claudius Granierius, Episcopus Gebennensis, uti cum Canonicis Ecclesiae suæ cathedralis dispensare dignetur ad obtinendas retinendasque una cum canonicatibus ecclesias paraeciales, collocando in iis idoneos vicarios et quid ad animarum habendam curam sufficiant; quandoquidem omnes sunt vel nobiles, vel doctores, et nequeunt cum [196] canonicatus fructibus, qui sexaginta ducatorum summam non excedunt, decenter vivere, nec ad alia possunt adspirare beneficia, cum omnia fere de jure patronatus sint, nec possint idcirco absque praesentatione patroni obtineri. Aliter enim fiet ut dispergantur hi Canonici desinantque in vinea Domini laborare, eo quod vivere nequeant.

 

8

 

            Exponit humillime Tuae Sanctitati Episcopus Gebennensis: quamplures habet subditos, seu tributarios, innumeris astrictos servitutibus, quae plus ethnicismum quam Christianismum sapiunt; veluti, cum absque filiis moriuntur, in nullius favorem testamentum condere posse, nec nigro panno vestiri, ne quidem tenuem eligmum limbi ex colorato panno gestare. Sunt et nonnulli quibus servitus est curandi per noctem, dum dominus dormit, ne ranse coaxent; quae quam indigna sint homine christiano nemo est qui non videat. [197]

            Quamobrem supplicat Sanctitati Tuae, uti sibi dignetur impertiri licentiam hujusmodi homines mediantibus nummis liberare, prout inter ipsos conventum fuerit; et quae quidem pecuniae in evidentem episcopalis mensae utilitatem, aut fundi ejusmodi in emphytheutica bona convertantur.

 

9

 

            Exponit humillime: omnia fere tum virorum cum mulierum Monasteria et Prioratus conventuales in Sabaudia, Gebennesio aliisve Serenissimi Allobrogum Ducis ditionibus et regionibus ultramontanis, adeo ab regulari et antiqua disciplina deciderunt, ut vix Regulares a saecularibus dignoscantur; alii enim huc et illuc palantes discurrunt, alii autem in claustris degentes gravissimo populis sunt scandalo.

            Quapropter supplicat Sanctitati Tuae, uti commissionem alicui ex ultramontanis Praelatis de rebus omnibus bene instructo dignetur dare, qui cum duobus ex Societate Jesu, vel Capucinorum Ordine Patribus, addito etiam [198] brachii saecularis auxilio, si opus fuerit, debeat possitque libere et absolute ejusmodi Monasteria visitare, et in veterem ordinem reducere, et inobedientes corrigere, et rebelles coercere, prout expedire viderit ad animarum ipsorum salutem populique consolationem, appellatione quavis neglecta et oppositione; quandoquidem illorum Monasteriorum Superiores hujusmodi dissolutiones ferunt et patiuntur, eo quod remedium nullum adhibeant.

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                        FRANCICUS SALESIUS,

                        Praepositus Ecclesiæ cathedralis Gebennensis. [199]

 

 

 

1

 

                        Très Saint Père,

            Expose très humblement à Votre Sainteté Claude de Granier, Evêque de Genève, comme autrefois, à l'instance d'Emmanuel-Philibert [189], alors duc de Savoie, ont été unis à l'Ordre militaire des Saints Maurice et Lazare tous les bénéfices simples, cures, monastères, prieurés et autres, des pays de Gex, Ternier et Chablais, sous prétexte que les habitants de ces bailliages étaient luthériens ou calvinistes, et que pour cette raison le culte divin n'y pouvait être exercé; cette union fut limitée avec une clause, par laquelle le Pape Grégoire XIII, d'heureuse mémoire, déclara que si les habitants de ces bailliages venaient à se convertir à [190] la sainte foi, les Chevaliers de Saint-Lazare devraient donner à chacun des curés que nommerait l'Evêque cinquante ducats par an. Or, comme ces jours derniers, par le moyen de prédications continuelles, tous les habitants de Ternier et du Chablais sont revenus au giron de la sainte Eglise, au nombre de soixante-quatre paroisses, il faudra y établir des curés capables et savants; et en outre, dans l'église de Thonon, principale ville de ces bailliages, huit prêtres au moins seront nécessaires, tant pour entendre les confessions que pour administrer les Sacrements, ainsi que trois prédicateurs robustes pour exercer sans discontinuer le ministère apostolique de la prédication. Et d'ailleurs il faudra restaurer les édifices sacrés, presque tous ruinés, et supporter d'autres charges, non sans de grandes dépenses.

            Supplie humblement Votre Sainteté qu'Elle daigne relâcher et annuler complètement cette union, en sorte que tous ces bénéfices, de quelque nature qu'ils puissent être, soient appliqués à l'entretien des curés, recceurs, prédicateurs, aux réparations et autres charges nécessaires à la conservation de la sainte religion. Le [191] Sérénissime Duc de Savoie, qui est le Grand-Maître de cet Ordre militaire, y donne son consentement, accordant audit Evêque pouvoir d'établir des curés dans les paroisses et de distribuer les bénéfices, selon qu'il le verra nécessaire, aussi bien que de choisir trois robustes prédicateurs, de quelque Ordre ou Religion qu'ils soient.

 

2

 

            Expose très humblement à Votre Sainteté Claude de Granier, Evêque de Genève: A cause de la pauvreté de la province et de la modicité des fruits des prébendes théologales, on ne trouve pas de théologiens qui veuillent les accepter; néanmoins, pour répandre la semence de la parole divine dans ce diocèse, ils seraient très nécessaires.

            Supplie donc Votre Sainteté qu'Elle daigne concéder la permission de supprimer une prébende monacale dans les monastères et prieurés conventuels de son diocèse, vacante ou à vaquer, en sorte qu'il puisse assigner à chaque théologien deux prébendes, selon [192] qu'il paraîtra expédient; et, à défaut de prébendes, de pouvoir supprimer quelques bénéfices simples des églises dans lesquelles sera constituée une prébende de cette sorte, et d'en appliquer les fruits à cette théologale; puisque, par ce moyen, dans lesdits monastères, prieurés et églises le culte divin ne sera pas du tout diminué, mais au contraire prendra de jour en jour un nouvel accroissement.

 

3

 

            Expose très humblement Claude de Granier, Evêque de Genève, comme les curés de la majeure partie de son diocèse se trouvent si pauvres, que très souvent ils sont contraints d'abandonner leurs fils dans le Christ, au grand détriment des âmes:

            Supplie donc Votre Sainteté, qu'Elle daigne lui donner permission d'assigner une portion congrue à ces curés, même en dehors de la visite générale sur les dîmes, prémices et oblations possédées par les Abbés, Prieurs et autres ecclésiastiques, selon qu'il le jugera nécessaire, nonobstant toute opposition ou appellation quelconques. [193]

 

4

 

            Expose très humblement ledit Evêque, qu'en plusieurs lieux de son diocèse les habitants ont des liens de consanguinité et d'affinité; et cependant, parce qu'ils sont très pauvres et qu'ils n'ont a attendre que des dots très modiques, ne peuvent que très difficilement contracter mariage au dehors, car il leur faudrait prendre sur cette dot exiguë pour faire des visites à l'épouse et pour supporter les charges des noces ; et d'autre part, ils n'ont pas moyen de recourir à Rome pour obtenir dispense du Siège Apostolique.

            C'est pourquoi supplie Votre Sainteté qu'Elle daigne lui accorder permission de dispenser du quatrième degré de consanguinité ou d'affinité, et d'absoudre ceux qui jusqu'à ce jour, nonobstant ce quatrième degré, ont contracté mariage, avec le pouvoir de déclarer légitimes les enfants issus de ces unions, et cela au moins au for de la conscience; attendu qu'ils sont empêchés par leur pauvreté de recourir à Rome, et qu'ils sont contraints par la petitesse du lieu de contracter ensemble.

 

5

 

            Expose très humblement, comme il y a dans son diocèse [194] beaucoup de luthériens, de calvinistes, ou de relaps, qui, désirant revenir à la lumière de la vraie foi, diffèrent une œuvre si pieuse et si salutaire parce qu'ils ne veulent pas venir devant l'Evêque:

            Supplie Votre Sainteté qu'Elle daigne concéder non seulement à lui-même et à son Vicaire général, mais encore à dix ou douze hommes doctes et habiles, qu'il aura à choisir, la permission d'absoudre de toute hérésie ces hérétiques ou ces relaps ; et pour cet effet, et afin de répondre à leurs objections, la faculté pour ces prêtres de pouvoir posséder et lire, sans scrupule de conscience, les livres défendus, et surtout ceux que chaque jour les hérétiques mettent en lumière; attendu qu'on ne peut pas si facilement les convaincre autrement. Et cette permission est demandée pour toujours, parce que lorsqu'elle est donnée pour un temps, quand celui-ci est écoulé et qu'on ne peut obtenir sur le champ une permission nouvelle, la plupart deviennent non seulement tièdes, mais encore froids et retournent à leur vomissement; ou bien, pendant qu'on attend cette permission ils meurent, non sans grand détriment pour leurs âmes. [195]

 

6

 

            Expose très humblement: les revenus de la mense épiscopale sont si modiques, qu'à peine peuvent-ils suffire à la décente sustentation de l'Evêque, surtout en ce temps malheureux où il doit nécessairement porter le poids de grandes dépenses, en allant et venant pour consacrer ou bénir églises et autels.

            Supplie Votre Sainteté qu'Elle daigne l'exempter de tout payement quelconque de décimes concédées au Duc de Savoie, reportant la part qui lui incombe sur les autres Evêques et bénéficiers de Savoie, beaucoup plus riches et moins chargés que lui.

 

7

 

            Supplie très humblement Votre Sainteté Claude de Granier, Evêque de Genève, qu'Elle daigne en ce qui concerne les chanoines de son Eglise cathédrale, accorder dispense pour qu'ils puissent obtenir et retenir, avec leurs canonicats, des églises paroissiales, en y mettant des vicaires capables et suffisants pour exercer charge d'âmes; attendu que tous sont ou nobles ou docteurs, et ne [196] peuvent avec les revenus de leur canonicat, qui ne dépassent pas la somme de soixante ducats, vivre décemment, ni ne peuvent aspirer à d'autres bénéfices, puisque presque tous sont soumis au droit de patronage et ne sauraient, par conséquent, être obtenus sans la présentation du patron. Autrement, il arrivera que ces chanoines se disperseront et cesseront de travailler à la vigne du Seigneur, parce qu'ils n'ont pas de quoi vivre.

 

8

 

            Expose très humblement à Votre Sainteté l'Evêque de Genève, qu'il a plusieurs sujets ou taillables, astreints à d'innombrables servitudes qui sentent plus le paganisme que le christianisme: ainsi, lorsqu'ils meurent sans enfants, ils ne peuvent faire de testament en faveur de personne; ils ne peuvent se vêtir de drap noir, ni porter le moindre ourlet de drap de couleur. Il y en a même quelques-uns dont la servitude consiste à prendre soin durant la nuit, alors que le seigneur dort, d'empêcher les grenouilles de coasser; n'y a personne qui ne voie combien de telles choses sont indignes d'un chrétien. [197]

                C'est pourquoi supplie Votre Sainteté qu'il lui plaise donner permission de libérer ces hommes moyennant une somme d'argent, selon qu'il aura été convenu entre eux; et que ces sommes soient employées à l'évidente utilité de la mense épiscopale, ou que les fiefs de cette nature soient convertis en biens d'emphythéose.

 

9

 

            Expose très humblement, que presque tous les Monastères et Prieurés conventuels, tant d'hommes que de femmes, dans la Savoie, le Genevois, ou autres possessions et régions au-delà des monts appartenant au Sérénissime Duc de Savoie, sont tellement déchus de la discipline régulière et antique, qu'a peine peut-on discerner les Réguliers des séculiers; les uns, en effet, vagabondent sans cesse çà et là, et les autres qui demeurent dans leurs cloîtres causent parmi le peuple un très grand scandale.

            C'est pourquoi supplie Votre Sainteté qu'Elle daigne donner commission à quelque Prélat, d'au-delà des monts, bien instruit de toutes choses, qui, avec deux Pères de la Société de Jésus, ou de l'Ordre des Capucins, s'adjoignant même, s'il en est besoin, l'aide [198] du bras séculier, ait le devoir et le pouvoir de visiter librement et absolument ces Monastères, de corriger les désobiéssants et de châtier les rebelles, selon qu'il le verra expédient au salut de leurs âmes et à la consolation du peuple, sans tenir compte d'aucun appel ou opposition quelconques; attendu que les Supérieurs de ces Monastères souffrent et endurent de tels désordres, puisqu'ils n'y apportent nul remède.

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                        FRANÇOIS DE SALES,

                        Prévôt de l'Eglise cathedrale de Geneve. [199]

 

 

 

X. Supplique du Prévôt et du Chapitre de la Cathédrale de Saint-Pierre de Genève au même Pontife (Minute). Projet du transfert du Chapitre a Thonon ; Francois de Sales et ses confreres demandent au Pape de l'autoriser, et d'unir a la mense capitulaire l'ancienne eglise des Augustins avec leur couvent ruine. — Ordre a donner au sujet des autres ecclesiastiques attaches au service de la Cathedrale.

 

Octobre 1598.

 

                        Beatissime Pater,

            Devotissimi Tuae Sanctitatis oratores, Praepositus, Capitulum et Canonici Ecclesiae cathedralis Sancti Petri Gebennensis, exponunt humillime, cum abhinc annis sexaginta a Genevensi civitate expulsi fuerint, et una cum Episcopo in urbem Aniciensem ad residendum celebrandaque divina Officia recesserint, evenit ut praeteritis mensibus, per virtutem Spiritus Sancti et continuas verbi Dei praedicationes factas, omnes fere qui Caballium et Terniacum ditiones Sabaudicas incolunt, [200] sacrosanctam fidem catholicam amplexi sint, ii maxime qui Thononum inhabitant, primariam provinciae urbem, cum sexaginta quatuor paraeciis circum circa longe lateque diffusis. Quare, ad confirmandos conversos reducendosque caeteros, tum ipse Episcopus, cum Praepositus et Canonici in eam Thononensem urbem se transferre statuerunt, ibique cum tanta animorum contentione in vinea Domini laborare, ut brevi flores fructusque appareant.

            Verum, quia non habent quo decenter vivant, non enim quilibet eorum canonicatus sexaginta ducatorum est; Thononi autem erat antiquitus ecclesia cum conventu Ordinis Eremitarum Sancti Augustini, valoris annui centum nummorum circiter, unita Militiae Sanctorum Mauritii et Lazari a Gregorio, fcelicis recordationis, Papa decimo tertio, sub praetexta causa quod populus ille longe a convertione esset; conventus autem ille destructus, et ecclesia multas patitur ruinas, unde impossibile fere esset Fratribus illis restruere. [201]

            Supplicant igitur humillime Sanctitati Tuae, uti dissolvendo et relaxando unionem illam, capitulari mensae renovare dignetur, et eidem fructus et reditus conventus applicare, Militibus etiam perpetuum imponendo silentium, quandoquidem Serenissimus Sabaudiae Dux consentit, et Canonici pro majori parte doctores sunt validique concionatores. Hac ratione poterunt Thononum se transferre, sacram aedem restaurare, fructumque facere qui ex divini verbi effectu expectari potest; cum decreto tamen, ut omnes beneficia quaevis in Ecclesia Gebennensi [202] fundata possidentes, duodecim praesertim sacelli Sanctorum Machabaeorum sacerdotes qui vi fundationis ad residentiam in eo sacello faciendam obligantur, debeant, absque ulla vel oppositione vel exceptione, Capitulum et Canonicos sequi et comitari, sub poena privationis ab eodem Capitulo; quo casu, alii in eorum locum sufficiantur. Quod si nulli inveniantur qui ad eam [203] residentiam obligare se velint, tunc illius sacelli fructus et reditus mensae capitulari applicentur.

……………………………………………………………………………………………………..

                        FRANCISCUS SALESIUS,

                        Praepositus Ecclesiae cathedralis Gebennensis. [204]

 

 

 

                        Très Saint Père,

            Les très dévots suppliants de Votre Sainteté, Prévôt, Chapitre et Chanoines de l'Eglise cathédrale de Saint-Pierre de Genève, lui exposent très humblement, comme depuis soixante ans ils ont été chassés de la ville de Genève, et se sont retirés avec l'Evêque dans la ville d'Annecy pour y résider et y célèbrer les Offices divins. Or, il est arrivé que les mois derniers, par la vertu du Saint-Esprit et par les prédications continuelles de la parole de Dieu qui ont été faites, presque tous ceux qui habitent les contrées du Chablais et de Ternier en Savoie, ont embrassé la sacrosainte foi catholique, [200] et surtout ceux qui habitent Thonon, ville principale de la province, avec soixante-quatre paroisses qui s'étendent tout à l'entour. C'est pourquoi, pour affermir les convertis et réduire les autres, tant l'Evêque lui-même que les Prévôt et Chanoines ont décidé de se transporter en cette ville de Thonon, et là de travailler dans la vigne du Seigneur avec une activité si grande de leurs âmes, qu'en peu de temps des fleurs et des fruits puissent paraître.

            Mais ils n'ont pas de quoi vivre décemment, car aucun de leurs canonicats n'atteint soixante ducats. A Thonon, d'autre part, il y avait autrefois une église avec un couvent de l'Ordre des Ermites de Saint-Augustin, d'une valeur annuelle de cent écus environ, unie à l'Ordre militaire des saints Maurice et Lazare par le Pape Grégoire XIII, d'heureuse mémoire, sous prétexte que ce peuple était loin de la conversion; or, ce couvent est détruit et l'église souffre de ruines nombreuses, en sorte qu'il serait presque impossible à ces Frères de la rebâtir. [201]

            Supplient donc très humblement Votre Sainteté, qu'il lui plaise, en cassant et relâchant cette union, la renouveler en faveur de la mense capitulaire et lui appliquer les fruits et revenus du couvent, imposant même un perpétuel silence aux Chevaliers, attendu que le Sérénissime Duc de Savoie consent et que les Chanoines en majeure partie sont docteurs et puissants prédicateurs. Par ce moyen ils pourront se transporter à Thonon, restaurer l'église, et produire le fruit que l'on peut attendre de l'effet de la parole divine; en decrétant, toutefois, que tous ceux qui possèdent des bénéfices quelconques fondés dans l'Eglise de Genève, principalement [202] les douze prêtres de la chapelle des Saints Machabées, qui, d'après la fondation, sont obligés de faire résidence en cette chapelle, soient tenus, sans aucune opposition ni exception, de suivre et accompagner les Chapitre et Chanoines, sous peine d'être retranchés de ce même Chapitre; auquel cas, d'autres seront élus en leur place. Que si personne ne se trouve qui veuille s'obliger à [203] cette residence, alors les truits et revenus de cette chapelle seront appliques a la mense capitulaire.

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                        FRANÇOIS DE SALES,

                        Prévôt de l'Eglise cathédrale de Genève. [204]

 

 

XI. Mémoire concernant différentes affaires du Diocèse de Genève adressé a Mgr Riccardi, Nonce de Savoie, au nom de l'Evêque. Les requêtes de Mgr de Granier touchant les décimes et les taillables de l'évêché renvoyées au Nonce de Savoie. — Oubli persévérant du cardinal Aldobrandini. — La question des prebendes théologales en suspens. — Abus des prébendes laïques dans les Monastères. — Situation particulière du prédicateur d'Evian. — Une clause nuisible dans les pouvoirs d'absoudre concédés au Prévôt de Genève.

 

Turin, fin avril 1599.

 

                        Illustrissimo et Revendissimo Signore,

            Si è supplicato a Sua Santità per parte del Vescovo di Geneva acciò:

            1° Si degnasse far gratia a detto Vescovo della parte delle decime che glie tocca a pagar al Serenissimo Sigre [205] Duca di Savoia, attesa la tenuità della mensa episcopale, della quale anco è stato in gran parte privato nel tempo di queste guerre passate, bisognandogli nientedimeno supportar grandissime spese nel transferirse in più luoghi per le consecrationi delli luoghi nuovamente ridotti. Et si potria detta parte di decima facilmente pagare da altri beneficiati meno gravati et più ricchi.

            2° Più, perchè il vescovato di Geneva ha molti sudditi chiamati talliabili, li quali sonno astretti a moltissime servitù barbare, come sonno: che morendo senza figliuoli non possano testare nè disporre d'alcuna cosa loro, neanco in favore de poveri, de chiese, mogli, fratelli, nè in altra maniera qualunche, ma ricaddino tutti li loro beni mobili et immobili al Vescovo ; item, che debbano imporre silentio alle ranochie mentre che il Vescovo dorme, et simili. Onde nasce che questi tali restano per lo più villissimi et d'animo et di corpo, nè ponno capitar mai bene in matrimonii; et se haveranno [206] qualche bona sorte, o cangiano habitatione, andandosene [a] stare in Germania et altre provincie, dove sopragiungendoli la morte, non possa il Vescovo signor loro havere li loro beni. Et se pur moiono nella patria, fanno et in morte et in vita quanto ponno, con varie cautele et inganni, per privar il signor loro della debita heredità ; et ne seguono molti inconvenienti, non solo nel temporale, ma anco nel spirituale. Per tanto si era medesimamente supplicato alla Santa Sede, acciò si degnasse dar licentia a detto Vescovo di affrancar et liberare detti suoi sudditi dalle sopradette servitù et miserabili conditioni, mediante una summa de danari, secondo sarà avisato, da convertirsi in evidentem mensa episcopalis utilitatem; che cosi si farà un benefìtio singolare, et spirituale et temporale, alli sudditi, et crescerà la mensa episcopale di ordinaria et certa entrata, con più utilità, senza comparatione, che non si può cavare da quelle accidentarie heredità che sonno tutte o pochissima cosa, o litigiose.

            Et per questi duoi articoli fu commesso da Nostro [207] Signore al Sigr Cardinale Aldobrandino di scriverne a V. S. Illma et Rma, acciochè havendo più ampia fede sopra le ragioni mentionate, essa proveda de mezzi convenevoli per ridurre in essecutione le cose supplicate. Onde essendosi ricorso con più Memoriali da detto Sigr Cardinale et ricordato spesse volte al signor suo Secretano acciò si degnasse scrivere conforme all' intento di Sua Beatitudine, et havendo sempre havuto risposta che si faria et non mai che fosse fatto: per tanto, se V. S. Illma et Rma sin adesso non havesse havuto l'ordine necessario per questo negotio, si supplica che la sia servita [208] di ridurlo in memoria a detto Sigr Cardinale, acciochè il Vescovo rissenta l'effetto della gratia della Santa Sede.

            3° Più, si era anco supplicato a Sua Santità acciò si degnasse applicare et assignare una prebenda monacale di ciascheduno monasterio o priorato della diocesi di Geneva, vacante o da vacare, alla sustentatione de' canonici theologali che in molti luoghi sonno necessariissimi, et non si possono altrimenti stabilire per la essiguità delle prebende theologali; et a questo non fu [209] risposto assolutamente, ma restò in suspenso il decreto. Sì che è da credere che se V. S. Illma et Rma ci facesse gratia di scrivere in favore di questo articolo supplicato, si facilitaria molto la concessione di questa gratia importantissima.

            4° Et per aprir tuttavia più il passo, si espone come in molti di quelli monasterii, badie et priorati sonno parecchie prebende, chiamate laiche, le quali si danno a persone inutilissime et a servitori, non de' monasterii, ma d'Abbati et Priori commendatarii, in ricompensa delli servitii. Tali sonno le prebende de' taglialegni, portinari, cuochi, maestri di cucina; poiché non vivendo li monaci in commune nè [in] clausura, non hanno simili ufficii, et si danno queste prebende ad huomini puramente laici, habitanti fuori et spesse volte lontani delli monasterii; onde almeno di queste si potria pigliar senza difficoltà, et se più non si potesse ottenere, almanco si ottenesse per la Cathedrale.

            5° Et [di] più, per la terra di Eviano si ottenesse ordine stabilito che sopra la badia di Abbondantia si [210] pigli una prebenda simile a quella delli monaci per il predicatore et theologo di Eviano, sì come per lo inanzi si è fatto; et adesso gli affittavoli et negotiatori ne fanno difficoltà et la pagano malamente. Et questo si facilitarà con esporre che la felice memoria di Gregorio XIII, richiesto dal Rdo P. Fra Francesco Papardo, Dominicano, predicatore in Eviano, ordinò che tal prebenda glie fosse pagata; il che sin adesso sì è fatto, etiamdio doppo la morte di detto Papardo, in persona d'altri predicatori.

            Più, si è concessa la facoltà di assolvere heretici al Prevosto di Geneva, con questa clausula: Si errores suos in sacramentali confessione verbo detestati fuerint; et infra: in foro conscientice dumtaxat. Le quali clausule impediranno molto del frutto che senza quelle si potria cavar, mediante la grafia di Dio et delle fatiche di detto Prevosto, il quale non potrà attendere a confessar tutti quelli che alle volte si vorranno convertire [211], E molti sonno ben disposti ad abracciare la santa fede, che non sonno ancora ben disposti alla confessione; altri, che per altri rispetti desiderariano di confessarsi ad altri che a detto Prevosto. Onde si supplica V. S. Illma che interponendo la sua autorità, ottenga che si dilati il favore della Santa Sede et si dia ampia authorità, per consolatione delle anime et facilitatione della strada della penitentia. Il che saria necessario non solo per detto Prevosto, ma anco per quelli che ad breve tempus saranno commessi dal Vescovo di Geneva, attesa la moltitudine delle messi et paucità de messori.

 

Revu sur une copie conservée à Rome, Archives Vaticanes (Nunz. di Savoia, vol. 36, fol. 183 et 457). [212]

 

 

 

                        Illustrissime et Reverendissime Seigneur,

            Une supplique a ete adressee a Sa Saintete au nom de l'Eveque de Geneve :

            I. Afin qu'Elle daignat dispenser ledit Eveque des decimes qu'il doit payer au Serenissime Duc de Savoie, vu la modicite de la [205] mense épiscopale dont il a même été spolié en grande partie pen dant ces dernières guerres. Malgré cela, il est obligé de soutenir de fortes dépenses pour se rendre en plusieurs lieux récemment convertis, où doivent se faire des consécrations. Cette partie des décimes pourrait être facilement payée par d'autres bénéficiers moins chargés et plus riches.

            2. De plus, l'évêché de Genève a un grand nombre de sujets appelés taillables, qui sont astreints à beaucoup de servitudes barbares, telles que celles-ci: lorsqu'ils meurent sans enfants, ils ne peuvent tester ni disposer de ce qui leur appartient, pas même en faveur des pauvres, des églises, de leurs femmes ou de leurs frères, ni en autre façon quelconque, mais tous leurs biens meubles et immeubles passent à l'Evêque; item, ils doivent imposer silence aux grenouilles pendant que l'Evêque dort, et choses semblables. D'où il résulte que ces gens-là demeurent pour l'ordinaire dans un très grand avilissement d'esprit et de corps; aussi ne peuvent-ils jamais bien réussir en leurs mariages. S'ils ont quelque bonne [206] aubaine, ils changent de résidence et s'en vont en Allemagne ou en d'autres provinces, afin qu'à leur décès l'Evêque leur seigneur ne puisse avoir aucun droit sur leurs biens. Que s'ils meurent dans leur patrie, ils font tout ce qu'ils peuvent à leur mort et pendant leur vie, pour priver leur seigneur, à force de précautions et de fraudes, de l'héritage qui lui est dû ; de là s'ensuivent mille inconvénients non seulement pour le temporel, mais aussi pour le spirituel. Partant, on a également supplié le Saint-Siège de permettre à l'Evêque d'affranchir et libérer ses sujets de ces servitudes et de la misérable condition où ils sont réduits, moyennant une somme d'argent, selon qu'il sera jugé à propos, pour l'employer à l'évidente utilité de la mense épiscopale. On procurerait ainsi un grand avantage spirituel et temporel aux sujets, et l'on augmenterait la mense épiscopale d'un revenu régulier et assuré, plus utile sans comparaison que ce qui se peut retirer de ces héritages éventuels qui tous se réduisent à très peu de chose ou sont accompagnés de chicane.

            Pour ce qui concerne ces deux articles, Sa Sainteté a chargé le [207] cardinal Aldobrandini d'en écrire à Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime, afin qu'ayant une plus entière connaissance des raisons apportées, Elle prît les moyens convenables pour mettre à exécution ce qui a été demandé. Or, bien qu'on ait recouru par plusieurs Mémoires à M. le Cardinal et qu'on en ait fait souvent ressouvenir son Secrétaire pour qu'il daignât écrire conformément à l'intention de Sa Sainteté, on nous a toujours répondu que la chose se ferait, mais jamais qu'elle avait été faite. Si donc Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime n'a pas encore reçu l'ordre requis pour cette affaire, Elle est suppliée de la [208] rappeler à M. le Cardinal, afin que l'Evêque jouisse des effets de la faveur accordée par le Saint-Siège.

            3. De plus, on a encore supplié Sa Sainteté de daigner appliquer et assigner sur chaque monastère ou prieuré du diocèse de Genève, une prébende monacale vacante ou à vaquer, pour l'entretien des chanoines théologaux qui sont très nécessaires en plusieurs lieux et ne peuvent autrement y être établis, vu l'exiguité des prébendes théologales. On n'a pas répondu d'une manière absolue à cette requête, mais le décret en est demeuré en suspens. [209] est permis de croire, cependant, que si Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime avait la bonté d'écrire en faveur de cet article, la concession d'une grâce si importante serait bien facilitée.

            4. Et pour lui ouvrir encore plus la voie, on expose ce qui suit: Il y a, dans bon nombre de monastères, abbayes et prieurés, plusieurs prébendes dites laïques que l'on donne à des personnes très inutiles, et à des serviteurs non des monastères, mais des Abbés et Prieurs commendataires, en rétribution de leurs services: telles, les prébendes des bûcherons, des portiers, des cuisiniers, des intendants de cuisine. Comme les moines ne vivent ni en communauté ni en clôture, ils n'exercent pas ces emplois; dès lors, on en distribue les prébendes à de simples laïques qui habitent en dehors et souvent loin des monastères. On pourrait donc sans difficulté prendre au moins celles-ci; et si l'on ne peut obtenir davantage, qu'on l'obtienne au moins pour la Cathédrale

            5. En outre, il faudrait un ordre définitif qui autorisât à prélever sur l'abbaye d'Abondance, comme on le faisait auparavant, [210] une prébende égale à celle des Religieux pour le prédicateur et théologal d'Evian; actuellement, fermiers et administrateurs font des difficultés, et encore la payent-ils mal. On pourrait plus facilement réussir en rappelant que Grégoire XIII, d'heureuse mémoire, à la requête du R. P. François Papard, Dominicain, prédicateur à Evian, ordonna que cette prébende lui fût payée; ce qui s'est fait jusqu'à présent, même après la mort du P. Papard, pour d'autres prédicateurs.

            De plus, le pouvoir d'absoudre les hérétiques a été accordé au Prévôt de Genève avec cette clause: «S'ils ont verbalement détesté leurs erreurs en confession sacramentelle;» et plus bas: «seulement au for de la conscience.» Ces clauses empêcheront une grande partie du fruit que sans cela on pourrait retirer, moyennant la grâce de Dieu et les travaux dudit Prévôt, qui ne pourra suffire à confesser tous ceux qui voudront se convertir. Plusieurs [211] sont bien disposés à embrasser la vraie foi, mais ne le sont point encore à se confesser; quelques-uns, pour diverses raisons, désireraient s'adresser à d'autres confesseurs qu'au Prévôt. C'est pourquoi on supplie Votre Seigneurerie Illustrissime d'interposer son autorité, afin d'obtenir l'extension de cette faveur du Saint-Siège et des pouvoirs plus étendus, pour la consolation des âmes et pour leur aplanir le chemin de la pénitence. Ces pouvoirs seraient nécessaires non seulement au Prévôt, mais encore à ceux qui seront délégués sous peu par l'Evêque de Genève, à cause de l'abondance de la moisson et de la pénurie des moissonneurs. [212]

 

 

 

XII. Réponse a une requête des Chevaliers des Saints Maurice et Lazare (Minute). Fière protestation. — Le Bref de Clément VIII, rapporté de Rome par le Prévôt, est de tous points conforme à celui de Grégoire XIII qu'allèguent les Chevaliers. — Des «motz considerables». — Ce que la Milice trouve dur. — Pourquoi elle n'avait pas le droit d'être consultée avant que le Bref fût rendu. — Les raisons qu'elle apporte ne doivent pas en retarder l'exécution. — Prix de la moindre des âmes et d'une seule Messe. — Le salut du peuple avant tout. — Instante supplication au Duc et aux Chevaliers.

 

Turin, 1er ou 2 mai 1599.

 

            Premierement, le Prevost de Sales proteste n'avoir ni pretendre aucun droict sur les biens mentionnés en la Requeste, et partant ne vouloir en aucune façon se porter pour partie contre les supplians.

            2. Que le Brief rapporté par luy du Saint Siege a esté demandé, accordé et obtenu pour le service de Dieu, de l'Eglise et de Son Altesse, a laquelle il touche de le [213] soustenir, et non a celuy qui, comme simple serviteur, le porte et produit, et qui n'a en cest affaire autre interest que le general de l'advancement du royaume de Dieu.

            3. Que neanmoins, s'il plaist a Son Altesse que ledit Prevost, comme serviteur, rende rayson de la volonté du Pape portee par le Brief par luy obtenu, il dira:

            4. Le Brief de nostre Saint Pere Clement huictiesme est en conformité de celuy de Gregoire treiziesme allegué par les supplians, auquel ledit Gregoire, prouvoyant au cas heureusement advenu en nos jours sous l'authorité de Son Altesse, baille les benefices des balliages a la Milice (comme inutiles alhors a leur naturel usage, qui estoit indubitablement le maintien des gens d'Eglise), avec ceste condition:

            Ita tamen, ou ces motz sont considerables: parrochiales ecclesiœ et alia ecclesiastica loca ad exercitium curœ animarum idonea.

            Secundo: ab Ordinariis locorum.

            Tertio: cum dote non minore. Ceste clausule non minore est apposee en faveur de nostre cause.

            Quarto: de proprietatibus; il ne veut que ce soit pensions.

            Quinto: ad justum et competentem numerum; relictum est arbitrio Ordinariorum.

            Sexto: illisque ab iisdem Ordinariis, de rectoribus [214] et pastoribus, juxta Concilii Tridentini et alias canonicas sanctiones.

            5. Et quand audit Brief de Gregoire treiziesme telle condition ne seroit apposee, le Pape du jourd'huy, qui peut en cest endroict absolument disposer, dispose en faveur des peuples et de l'advancement de la religion chrestienne, comme il appert par son Brief.

            6. Auquel neanmoins il n'y a aucun point prejudiciable a la Milice plus qu'en la condition inseree en celuy de Gregoire, delaquelle il n'est qu'une declaration pour lever toutes occasions de douter.

            7. Car, ce qu'il semble que la Milice trouve de dur au Brief posterieur, selon les parolles de leur Requeste, est:

            Premierement, que la Religion si spoglia delli beneficii, etiamdio di qual si voglia sorta esistenti. Mais la condition Ita tamen, dit indistinctum: de proprietatibus bonorum praedictorum; et le Concile de Trente, ipso jure, donne pouvoir des portions congrues sur tous benefices.

            Secondement, que cela se face sous pretexte de l'entretenement. Mais cela n'est en aucune façon pretexte, car c'est une pure et sainte realité, a laquelle non seulement Clement, mais Gregoire prouvoit: Ita tamen.

            Troysiesmement, que la determination de l'entretenement soit remise a l'Evesque, par ces parolles: in quello che ragionevolmente et bonamente. Mais, et le Concile de Trente expres, et la condition Ita tamen de Gregoire, remet cela a la connoissance des Evesques.

            Quatriesmement, du nombre des gens necessaires, voulant que cela se fasse selon le nombre establi, Son [215] Altesse estant a Thonon. Mays on ne le surpasse pas, et a malepeyne y aura il qui suffise. Et si l'experience avoit apprins qu'il en fallust davantage, faudroit il l'empescher? on ne peut pas accorder tout a coup toutes choses. Mesmement, qu'on avoit reduit au moindre nombre, pour laisser, s'il estoit possible, quelque moyen pour rebastir, faire paremens et autres choses necessaires; lesquelles choses faites et le peuple accreu, on s'attendoit de multiplier les curés ou vicayres.

            Cinquiesmement, que le Brief ayt esté accordé ainsy, sans que ladite Milice aye esté ouÿe. Mais la condition apposee par Gregoire, a laquelle ilz ont consenti, relevoit de ceste peyne. Et quelle rayson pouvoit elle apporter pour empescher ce Brief? Toute sa rayson seroit ou en fait, ou en droict. En droict, c'est la production du Brief de Gregoire; mais le Pape l'insere presque tout en son Brief et n'ignoroit rien de ce qu'il contient, ayant procedé avec certaine science. En fait, niant la reduction de ces peuples; mais cela ne se pouvoit, et de plus, quand il n'y en eust eu que dix de chasque parroisse avec liberté en leur faveur, le Pape eust tous jours disposé comme il fait.

            8. Mais la Milice allegue deux raysons: l'une, crainte d'abus en l'execution. Mays a cela on respond qu'il luy demeurera tousjours lieu de s'en plaindre, sans qu'il soit necessaire de retarder le cours d'une si necessaire execution.

            L'autre, ou seconde: elle craint le droict de nomination. Mais ce seront serviteurs et sujetz de Son Altesse. La moindre ame ou Messe vaut plus que toutes les nominations, pour la conservation de Son Altesse. Et au reste, c'est un ordre du Concile de prendre les portions congrues sur tout.

            9. Quant aux revenuz, il n'y en a pas asses pour faire ce qu'il faudroit. [216]

            10. Il eust mieux valu ne rien faire que de faire fraudement.

            11. La Religion ne sçauroit mieux faire pour sa profession.

            12. En fin, «salus populi suprema lex.»

            Pas un particulier n'en prend pour soy, ni Monsieur de Geneve, ni moy. On fera exactement le calcul de tout le revenu, en l'assistance d'un officier de Son Altesse ou de plusieurs.

            Partant ledit Prevost, comme tres humble sujet et orateur de Vostre Altesse, supplie pour l'amour de Dieu que l'execution ne soit aucunement retardee, ains avancee, maintenue et soustenue par les graces necessaires a icelle.

            Et comme humble serviteur et orateur de la Milice, la supplie de se contenter avoir l'œil ouvert s'il se fera abus, et ne prendre pour estre fait contre son service ce que ledit Prevost a fait pour servir la cause de la religion, sans aucune mauvaise affection contre l'honneur et service qu'il leur doit.

 

Revu sur le texte inséré dans le Ier Procès de Canonisation. [217]

 

 

 

XIII. Requête au Duc de Savoie, Charles-Emmanuel Ier (Minute). Le Sénat et la Chambre des Comptes entravent l'exécution d'un ordre de Son Altesse, et celle-ci enjoint de surseoir à un ordre du Pape. — Moyen suggéré par François de Sales pour acheminer heureusement la restitution des revenus ecclésiastiques du Chablais, sans léser les droits des Chevaliers des saints Maurice et Lazare. — A quelles règles s'obligera l'Evêque en l'exécution du Bref Apostolique

.

Turin, [vers le 15] mai 1599.

 

                        Monseigneur,

            Vostre Altesse avoit donné mainlevee, par maniere de provision, du revenu de tous les benefices de Chablaix et Ternier pour l'entretenement des ecclesiastiques necessaires pour l'exercice de la religion Catholique nagueres restablie en ce pais par le zele de Vostre Altesse. Son Senat et sa Chambre des Comptes [218] n'ont voulu interiner les patentes expediees a cest effect.

            Sa Sainteté, suyvant la sainte intention de Vostre Altesse, a donné plein pouvoir au Rme Pere en Dieu, l'Evesque de Geneve, de desunir et desmembrer des benefices unis a la Milice des Saints Maurice et Lazare (laquelle tient la pluspart, ains presque tous ceux de Chablaix) autant quil verra expedient pour l'instruction de ces ames nouvellement converties, et reparation des eglises, paremens d'autelz et autres necessités. Vostre Altesse commande au Praevost de Sales, par un decret du 29 avril 99, qu'on sursoye a tout'execution: si que ce pauvre païs demeure tout nud et desprouveu de tous les moyens requis a la continuation de la religion sainte quil a embrassé, avec tant de satisfaction de Vostre Altesse et de bon exemple pour tous les catholiques.

            Dont le Praevost de Sales, auquel Vostre Altesse a commandé d'attendre et demander sa bonne volonté sur cela, la supplie tres humblement de faire consideration sur la qualité de l'affaire, qui ne peut estre retardé sans estre ruyné. Et partant, quil luy playse, ou de commander [219] absolument, purement et efficacement que le Brief de Sa Sainteté soit mis en execution sans dilation, sauf a la ditte Milice de recourir en cas d'abus et se prouvoir comme et vers qui elle verra a faire; ou de commander expressement a l'un des seigneurs de son Senat ou Chambre des Comtes de Savoye d'assister a laditte execution qui se fera par ledit Reverendissime Evesque de Geneve, a laquelle pourra aussi entrevenir un deputé par le Conseil de la susditte Milice, affin que toute accusation d'abus soit evitee. Et que cela soit fait tout promptement, sans aucune dilation, eu esgard a l'importance de la chose, s'asseurant ledit Praevost que, en l'execution dudit Brief, le Rme Evesque de Geneve observera tres etroittement ces regles:

            1. De n'outrepasser pas le nombre juste et competent des personnes necessaires a l'œuvre, lequel neanmoins ne se peut pas precisement determiner sans particuliere connoissance des lieux et des personnes. [220]

            2. De faire un gros de tous les benefices de Chablaix, tant ci devant affectés a la Milice de Saint Lazare qu'autres quelcomques (sauf ceux desquelz Vostre Altesse auroit autrement prouveu), a ce que du tout soit levée la legitime portion requise pour le service de Dieu.

            3. De faire juste aestimation de chasque benefice.

            4. Et de n'outrepasser l'usage requis et deue emploitte desdits biens, tant en l'assignation des portions congrues qu'autres œuvres necessaires a l'establissement de la sainte Eglise.

            Et bien que tout le revenu ecclesiastique de Chablaix qui est en estre et n'a esté aliené, malaysement peut suffire a ce quil seroit besoin faire en ce commencement, auquel on ne peut jamais faire que trop peu, si est ce que ledit Evesque, quand a ce qu'il luy touche, se contentera simplement de ce qui est necessairement [221] necessaire, layssant au surplus a la pieté de Vostre Altesse de prouvoir et au college des Jesuites, ja conclud et destiné par elle avec le Pere General de l'Ordre, et aux autres œuvres qui sont de telle importance qu'elle sçaura tres bien juger.

            Playse donq a Vostre Altesse renvoyer promptement ledit Praevost de Sales depeché sur ce sujet, et ell' attirera sur elle et sur ses desseins les benedictions caelestes.

 

Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy. [222]

 

 

 

XIV. Mémoire adressé a Monseigneur Riccardi, Nonce de Savoie. Un meurtre à Talloires et une prébende vacante. — Pour établir des chanoines théologaux dans les Collégiales d'Annecy, Sallanches et La Roche, d'autre prébendes pourraient se prélever sur quelques prieurés et abbayes. — Evian, Rumilly et Seyssel ont besoin du même secours, et pour quelles raisons. — Faut-il s'inquiéter des réclamations des Religieux ?

 

MEMORIALE CIRCA LE PREBENDE THEOLOGALI DA ERIGERSI

NELLA DIOCÆSI DI GENEVA

 

Annecy, vers le 15 novembre 1599.

 

            Nella Chiesa Cathedrale le prebende consistono in distributioni quotidiane lequali non eccedono, un anno per altro, sessanta scudi; onde saria necessario di unire alla prebenda theologale una prebenda monacale del priorato di Talloires. Et se bene vivono per [223] ancora tutti li Religiosi, pure è succeduto un caso fra li Religiosi la vigilia de Tutti Santi, il quale, s'io non m'inganno, ci fa la strada a detta unione; perchè il monaco chiamato per l'ufficio suo Operario, diede delle stiletate et ferite con una mazza d'armi a duoi gentilhuomini di quella terra et ad un altro puover (sic) huomo, in numero et qualità tali che duoi delli tre feriti restano in articolo di morte et l'altro stropiato. È vero che detto Operario è ferito ancho luy, ma legiermente et senza pericolo di morire. Et fu fatto questo excesso per ragione di una certa putana d'uno delli monaci. Onde questo fa vacare detta prebenda dell' Operario, la quale è la più riccha (sic) del Monastero (è vero che ha in carico la fabrica della chiesa); et per tanto, con quella prebenda si potria far una commodissima theologale nella Cathedrale, che arrivarebbe sin a 200 scudi per anno, supportando però il carico di detta fabrica. [224]

            La Collegiata di Annessi merita anco essa un canonico theologale, essendo la principale chiesa di detta terra, ben populosa et primaria del ducato di Genevoys, doue ciè seggio della justitia di quella provincia; et li frutti di quelli canonicati non arrivano a cinquanta scudi. Et se glie potriano unire una prebenda, cioè la prima vacante, delle dodeci de' Canonici regolari di Santo Agostino del priorato del Sepolcro di detta terra di Annessi, et un' altra di Bellavalle, dell' Ordine Cluniacense, doue vaca pur una prebenda; non arrivando le due prebende insieme a settanta scudi annuali. Quelli regolari Canonici hanno l'habito simile a quello del Sigr Priore di Tarentasa et sonno di Regola simile; et la Collegiata di Annessi vien chiamata della Madonna di Allegrezza, Lætæ. [225]

            La Collegiata di San Giacomo di Salanchia ancho essa ha bisogno di un theologo, et potria accomodarsi con una prebenda della badia di Six et un' altra del priorato di Pellionnex, ambidue de' Canonici regolari de Santo Agostino, simili a quelli di Tarentasa; et non arriveranno le due prebende monacali, coll' altra di Salanchia, a cento et vinti (sic) scudi. Detta terra di Salanchia è discosta di più di una giornata di Annessi et è populosa. In Six ciè una prebenda vacante (è vero che si trattava di provederne); in Pellionex non è vacante nessuna.

            La Collegiata di San Giovanni Battista della Rochia, vicina tre leghe di Geneva, ha gran bisogno di theologo; et non arrivando le prebende di detta Collegiata a 25 scudi per anno, se glie potriano unire una [226] prebenda della badia di Entremontz, cioè Intermontium, de' Canonici regolari bianchi, liquali non hanno altri simili in Italia, che io sappia, et un' altra prebenda dèl priorato di Contamina, dell' Ordine Cluniacense; ascendendo le due prebende insino a cento scudi. In Entremont ciè una prebenda vacante, non in Contamina.

            In Evian ciè bisogno di un theologo, per esser una terra che sta sopra la ripa del laco di Geneva, a petto di Lausanna, sopra le frontiere de' Valesani. Et in effetto, Gregorio XIII glie ne concesse una, ma adesso non è ben pagato il theologo loro, dell' Ordine Dominicano, onde non può far residentia. Per tanto sarà bene che si faccia in favor della loro chiesa nuova provisione di una prebenda delle dodeci di Abondanza, doue ne vacano sei, lequali han vacato sonno molti anni; essendo quelle prebende di Abondanza di cento scudi annuali, et la loro Regola de' Canonici regolari simili a quelli di Tharentasa. Et se bene in Eviano non è chiesa collegiata, [227] ma solamente due parrochiali, giudicò però la Santa Sede che stava bene di darglie un theologo a spese di quella badia.

            In Rumilli ancora, se ben non vi è altro che un Curato et un Priore, con un Frate dell' Ordine Cluniacense in un' istessa chiesa, tuttavia, atteso che è luogho segnalato vicino a Geneva et doüe Sua Altezza fa alle volte residentia, staria benissimo che havessero un theologo con una prebenda di Altacomba, dell' Ordine Cisterciense, et un priorato rurale vicino a detta terra, dell' Ordine Cluniacense, chiamato priorato della Limosina; il quale, con detta prebenda di Altacomba, potrà arrivare a cento et vinti scudi annuali.

            In Seysello ancora è necessarissimo un theologo, per esser ivi concorso de' mercadanti [i] quali passano le mercantie di Geneva et Alemagna in Lione, essendo sopra il Rodano, et per questo, passagio a gl' heretici et catholici. Ivi sonno diioi priorati, uno de' quali fu anticamente [228] unito al Capitolo cathedrale di Geneva, et era rurale di San Benedetto, doue sta il curato con certi vicarii, et uno altro de' Frati Heremitani di Santo Agostino. Et potria erigersi una prebenda theologale col mezzo di due prebende monacali: una della badia di Cheyserie, l'altra nel priorato di Talliasiou, overo di quello di Cindrioz, dell' Ordine di San Benedetto; et nella badia di Cheyserie ciè n'è una vacante.

            Et così si potriano far sette theologali in questa diocaesi, col mezzo delle quali si potria restaurare tuttavia più la religione, sin tanto che Iddio ci mandi più ampia benedittione. Solo, quanto, al priorato di Talloires, mi resta a dire che se la cosa non fosse espediente di trattar [229] della prebenda dell' Operario, si potria trattar della prima vacante o da vacare. Et mi fa dubbio circa la prebenda dell' Operario, perchè non era solo quando fece quell' opra, ma erano anco con luy altri operarii monaci.

            Et con questo credo di haver risposto a tutte le circonstantie domandate circa questa erettione di prebende theologali, perchè dovranno esser sette, quantumque si (sic) più ne fossero sarebbe anco meglio. Non possono esser tutte canonicali, essendo che cinque solamente sonno le chiese nella diocaesi doiie siano canonici secolari, et pur una si è tralasciata per non esser tanto necessaria; et nell' altri luoghi si potranno chiamare theologali, non canonicali.

            Sonno poi notati li monasterii et priorati doue sonno delle prebende vacanti, se ben mi par molto più sicuro se nella provisione si concederanno dette prebende [230] sotto questa alternativa: cioè, le prime vacanti o da vacare, perciochè mentre si va deliberando et proponendo, potria esser che delle vacanti si provedesse dalli Abbati o Priori.

            Se poi li monaci ne saranno contenti io noi saprei dire; ma credo che poco si curino di quel che doppo la lor morte succederà in questo mondo delle loro prebende, mentre godano di quelle sin là. Et se pur se ne curassero, credo che poco si doverebbe attendere alle lor voglie, purchè le loro prebende siano applicate ad majorem gloriam Dei; poichè danno (parlando del più) tanto scandalo che vi vorrebbe mille predicatori a ristaurare quel che distruggono. Nè sonno in luogho, le lor badie, doue siano habitatori, salvo Talloyres che è in un borgo non molto discosto di Annessi; sì che, se ben havessero theologi (quel che non sonno per haver), non occorrendo altra riforma fra di loro, pocho giovarebbero alli popoli.

            Sua Altezza Serenissima mi ha detto che subito ritornato di Francia scriverà in Roma per la riforma [231] de' detti Monasterii; et veramente è cosa necessaria, quia neque Deum reverentur, neque homines, sotto pretesto delle lor essentioni et privilegii. Il che io non dico per altro interesse ch'io v'abbia, salvo la salute loro et edificatione delli popoli.

 

Revu sur l'Autographe conserve à Rome, Archives Vaticanes (Nunz. di Savoia, vol. 36 fol. 455). [232]

 

 

 

MÉMOIRE TOUCHANT LES PRÉBENDES THÉOLOGALES A ÉRIGER

DANS LE DIOCÈSE DE GENÈVE

 

            Les prébendes de l'Eglise cathédrale consistent en distributions quotidiennes qui n'excèdent pas, une année dans l'autre, soixante écus; c'est pourquoi il serait nécessaire de joindre à la prébende théologale une prébende monacale du prieuré de Talloires. Et bien que tous les Religieux vivent encore, néanmoins la veille de [223] la Toussaint il s'est produit parmi eux un fait qui, si je ne me trompe, nous ouvre la voie à cette union. Le moine appelé, de son office, Ouvrier, blessa à coups de stylet et avec une masse d'arme deux gentilshommes de l'endroit et un autre pauvre homme; les coups furent tels et si nombreux que deux des trois blessés sont à l'article de la mort et l'autre est estropié. A la vérité, ledit Ouvrier est blessé lui-même, mais légèrement et sans danger de mort. Cet excès, commis à cause d'une certaine débauchée, rend vacante la prébende de l'Ouvrier qui est la plus riche du monastère (il est vrai que le moine qui en est pourvu a en charge la fabrique de l'église). Partant, on pourrait, avec cette prébende, ménager à la Cathédrale une bonne théologale qui monterait à 200 écus par an, tout en restant chargée de la fabrique. [224]

            La Collégiale d'Annecy mérite elle aussi un chanoine théologal, comme principale église de cette ville, populeuse, capitale du Genevois et siège du tribunal de justice de la province; mais les revenus de ces canonicats n'atteignent pas les cinquante écus. On pourrait y joindre une prébende, s'entend la première vacante, des douze des Chanoines réguliers de Saint-Augustin du prieuré du Sépulcre d'Annecy, et une de Bellevaux, de l'Ordre de Cluny, où vaque une prébende; les deux ensemble ne monteront pas à soixante-dix écus annuels. Les Chanoines réguliers du Sépulcre portent un habit pareil à celui du Prieur de Tarentaise et suivent la même Règle. La Collégiale d'Annecy est connue sous le nom de Notre-Dame de Liesse, Lætæ. [225]

            La Collégiale de Saint-Jacques de Sallanches a également besoin d'un théologal; il serait facile de lui en ménager un avec une prébende de l'abbaye de Sixt et une encore du prieuré de Peillonnex; tous deux appartiennent aux Chanoines réguliers de Saint-Augustin, les mêmes que ceux de Tarentaise. Ces deux prébendes monacales n'arriveront pas à cent vingt écus avec celle de Sallanches. Cette localité, distante d'Annecy de plus d'une journée, est assez peuplée. A Sixt, une prébende est vacante (il est vrai qu'on traitait d'y pourvoir); à Peillonnex, aucune ne vaque.

La Collégiale de Saint-Jean-Baptiste de La Roche, à trois lieues de Genève, a grand besoin d'un théologal. Ses prébendes [226] n'atteignant pas les vingt-cinq écus par an, on pourrait leur en ajouter une de l'abbaye d'Entremont, ou Intermontium, des Chanoines réguliers blancs, qui n'existent pas, que je sache, en Italie, et une autre du prieuré de Contamine, de l'Ordre de Cluny; ces deux prébendes montent à cent écus. A Entremont il y a une prébende vacante, mais non pas à Contamine.

            Il faut un théologal à Evian, cette ville étant située sur les bords du lac de Genève, en lace de Lausanne et sur les frontières du Valais. En effet, Grégoire XIII lui accorda une prébende, mais actuellement le théologal, Dominicain, n'est guère payé, et par suite ne peut y faire sa résidence. Partant il sera bon que l'on pourvoie cette église d'une nouvelle prébende, la prélevant sur les douze d'Abondance, dont six sont vacantes depuis bien des années. Elles sont de cent écus annuels, et la Règle de l'abbaye est celle des Chanoines réguliers, les mêmes que ceux de Tarentaise. Bien qu'il n'y ait pas d'église collégiale à Evian, mais seulement deux églises [227] paroissiales, le Saint-Siège jugea néanmoins à propos de lui accorder un théologal aux frais de cette abbaye.

            A Rumilly aussi, quoi qu'il n'y ait, dans une même église, qu'un Curé, un Prieur, et un Religieux de l'Ordre de Cluny, toutefois, vu l'importance de cette localité, qui est proche de Genève et où Son Altesse réside quelquefois, il serait très avantageux d'y entretenir un théologal avec une prébende d'Hautecombe, de l'Ordre de Cîteaux, et un prieuré rural de l'Ordre de Cluny, voisin de la ville, appelé prieuré de l'Aumône; celui-ci, avec la prébende d'Hautecombe, pourra monter à cent vingt écus annuels.

            A Seyssel, un théologal est encore très nécessaire, car la ville étant sur le Rhône, il y a là un concours de marchands qui, de Genève et d'Allemagne, transportent leurs marchandises à Lyon; c'est donc un lieu de passage pour les hérétiques et pour les catholiques. On y trouve deux prieurés, dont l'un rural, de l'Ordre de [228] Saint-Benoît, fut anciennement uni au Chapitre cathédral de Genève; c'est là que demeure le curé avec quelques vicaires; l'autre appartient aux Frères Ermites de Saint-Augustin. Une prébende théologale pourrait s'y établir au moyen de deux prébendes monacales: l'une, de l'abbaye de Chézery, l'autre, du prieuré de Talissieu, ou bien de celui de Chindrieu, de l'Ordre de Saint-Benoît; l'abbaye de Chézery en a une vacante.

            De cette manière, on constituerait dans ce diocèse sept théologales moyennant lesquelles on pourrait rétablir toujours davantage la religion, jusqu'à ce que Dieu nous envoie des bénédictions plus abondantes. Quant au prieuré de Talloires, il me reste seulement à dire que si on ne juge pas à propos de traiter de la prébende de [229] l'Ouvrier, on pourrait songer à la première vacante ou à vaquer. J'ai quelque doute pour celle de l'Ouvrier, parce qu'il n'était pas seul quand il commit le crime [dont j'ai parlé] ; d'autres moines employés au même office étaient avec lui.

            Je crois avoir répondu à toutes les questions posées touchant l'érection des prébendes théologales. Il en faudrait sept, mais s'il y en avait davantage, ce ne serait que mieux. Toutes ne peuvent pas être canonicales, car il n'y a dans le diocèse que cinq églises avec des chanoines séculiers; et encore n'a-t-on pas fait mention de l'une d'elles, comme n'étant pas très nécessaire. Celles des autres localités pourront se nommer théologales, au lieu de canonicales.

            On a indiqué les monastères et prieurés qui ont des prébendes vacantes; mais, en accordant la provision, il me semblerait [230] beaucoup plus sûr de le faire en ces termes: les premières vacantes ou à vaquer; parce que, pendant que l'on propose et délibère, celles qui actuellement se trouvent vacantes pourraient être pourvues par les Abbés ou Prieurs.

            Les Religieux seront-ils satisfaits, je ne saurais le dire ; mais je crois qu'ils se soucient fort peu de ce que deviendront leurs prébendes après leur mort, pourvu qu'ils en jouissent jusque là. Et lors même qu'ils s'en soucieraient, je pense qu'on ne devrait guère s'inquiéter de leurs prétentions ; il suffit que leurs prébendes soient appliquées à la plus grande gloire de Dieu; car, pour ce qui est de la majorité, ils donnent de tels scandales qu'il faudrait mille prédicateurs pour restaurer ce qu'ils détruisent. Leurs abbayes sont situées en des lieux inhabités, sauf Talloires qui est une bourgade peu éloignée d'Annecy; de sorte que, quand même ils auraient parmi eux des théologaux (et ils sont loin de les avoir), si une autre réforme n'intervient, ils seront toujours de peu d'utilité aux populations.

            Son Altesse Sérénissime m'a dit qu'aussitôt son retour de France, [231] elle écrira à Rome pour la réforme de ces Monastères; et vraiment, la chose est indispensable, car sous prétexte de leurs exemptions et privilèges, les Religieux ne respectent ni Dieu ni les hommes. Ce que je dis sans aucun autre intérêt que celui de leur salut et de l'édification du peuple. [232]

 

 

 

XV. Mémoire adressé aux Chevaliers des Saints Maurice et Lazare [1607-1608]

 

            Outre tout ce que les ecclesiastiques tiennent maintenant, l'Evesque de Geneve demande:

            Les censes de Bellerive, pour deux ans.

            Les pretentions que lesdits sieurs Chevaliers pourroyent avoir sur Vullionnex, avec tout ce qui depend dudit Vullionnex ou en dependoyt.

            Pouvoir de rachetter tous les biens dependans des cures et chapelles, de quelle nature quilz puissent estre. [233]

            Et par ce que les sieurs Chevaliers rachettant les biens des autres benefïces pourroyent, ou par mesgarde ou autrement, prendre les biens des cures en guise des autres, seront obligés monstrer les contractz aux deputés de l'Evesque, par lesquelz il sera regardé si lesdits biens sont ou aux cures ou aux autres benefïces.

 

Revu sur l'Autographe conservé à Turin, Archives de la Grande Maîtrise

des saints Maurice et Lazare

 

XVI. Requête au Prince de Piémont, Victor-Amédée en faveur des Curés d'Armoy et de Draillant (Minute). Cession aux Genevois des bénéfices d'Armoy et de Draillant, malgré un Arrêt contraire du Sénat. — Les cent écus annuels assignés aux deux curés en dédommagement n'ont été payés que trois ans. — La piété et la justice exigent qu'il soit désormais pourvu à leur entretien.

 

[Avant avril? 1618]

 

            Il y a dix et sept ans, qu'a la poursuite de l'Evesque de Geneve fut obtenu un Arrest du Senat par lequel les cures d'Armoy et de Draillans furent adjugees a leurs curés et legitimes titulaires. Mays soudain [234] apres, par commandement expres et absolu de Son Altesse Serenissime pour certaines justes et extraordinaires considerations, lesdites cures furent remises a la ville de Geneve, les curés en demeurant privés. Et par ce que Son Altesse, selon sa pieté, voulut que neantmoins l'exercice catholique fut continué es dittes deux parroisses, a ces fins ordonna que cent escus d'or seroyent [235] delivrés annuellement aux deux prestres qui feroyent ledit exercice, assignation donnee sur la gabelle a sel; delaquelle somme, neanmoins, on n'a jamais peu estre [236] payé que pour troys ans, de sorte que les ecclesiastiques deservans es ditz benefices ont esté contraintz de s'entretenir d'empruntz faitz tant par eux que par ledit Evesque.

            Et parce que la pieté, l'equité et la justice requerans que, a l'advenir, ledit exercice catholique soit continué, et par consequent les prestres entretenuz, Son Altesse est suppliee en toute humilité de faire poser ce payement au bilan, pour cette annee et les suivantes, comme encor pour les arrerages…………………………………………………………………………………..

 

Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy. [237]

 

 

 

XVII. Autre requête au même minute pour les Curés d'Armoy et de Draillant (Inédite). Un Arrêt du Sénat contre les détenteurs des revenus d'Armoy et de Draillant, annulé par le duc de Savoie. — Maigre coupensation accordée aux curés «sur la gabelle a sel du Chablaix.» — Insouciance des gabeliers et sollicitations inutiles des prêtres. — Pourquoi la déclaration récente d'un agent à l'Evêque de Genève ôte aux suppliants tout espoir. — Humble exposé de leur misère et appel pressant à Son Altesse.

 

[Avril ou mai 1621?]

 

A MONSEIGNEUR LE SERme PRINCE DE PIEMONT.

 

            Supplient en toute humilité, les pauvres orateurs de Vostre Altesse, curés des parroisses d'Armoy et Draillans en Chablaix, disans qu'apres avoir, par un tres juste Arrest de vostre Senat de Savoye, et duquel ilz ont payé un grand emolument, otenu (sic) contre ceux de [238] Geneve, detenteurs et tres injustes occupateur (sic), la pleine possession et jouissance des dixmes et revenus dependans de leurs cures, il pleut a Son Altesse, pour certaines raysons a Elle conneues, leur commander absolument de quitter lesdits revenus ausdits de Geneve. Et pour, d'un costé, reparer aucunement l'evidente et grand (sic) perte des supplians causee par ledit commandement, comm' aussi, d'autre part, pour ne laisser les eglises et peuples desditz Armoys et Draillans destitués de pasteurs, et par consequent de Sacremens et de religion, Son Altesse assigna pour l'entretenement desditz pauvres curés, a chacun cinquante escus sur la gabelle a sel dudit Chablaix; sommes petites, mais desquelles lesdits curés, tres humbles sujetz de Son Altesse, demeuroyent contentz, si elles leur eussent esté delivrees an par an. Ce qu'il n'a onques esté possible d'obtenir, se passant maintenant la sixiesme annee sans que lesditz pauvres supplians ayt (sic) jamais peu avoir un seul liart des gabeliers, non obstant toutes les poursuites, sollicitations, supplications et remonstrances faites tant par les supplians que par le seigneur Evesque de Geneve, leur Praelat, et non obstant encor plusieurs ordres donnés par Vostre Altesse a diverses fois, et plusieurs Arrestz et sinceres diligences faitz par la Chambre des Comtes de Savoye qui n'a rien obmis en cela, jusques a ne vouloir clorre les comtes des gabeliers; en sorte que le sieur Velasque, dernierement a Chamberi, declara audit Evesque que lesditz curés [239] n'en auroit (sic) onques rien, les gabelles estant toutes espuysees et employees pour les maysons de Vos Altesses et autres assignations praecises, et que jamais nul ordre, quel qu'il fut, ne serait suffisant pour cela.

            Si que finalement, Monseigneur, les supplians ayans tant employé de peines, tant fait de frays et tant emprunté pour faire ces inutiles poursuites et continuer au moins mal qu'ilz ont peu le service esdites eglises, reduitz en extreme misere, recourent finalement a Vostre Altesse, la suppliant tres humblement, au nom de Dieu, de vouloir donner autre ordre, a ce que effectivement ilz soyent payés et pour le passé et pour l'advenir, estant chose de si grande et evidente justice, equité, pieté et conscience.

            Et ilz persevereront a prier et faire prier leurs pauvres parroissiens pour la prosperité de Son Altesse et de la Vostre, Monseigneur, et de tous ses Estatz.

 

Revu sur l'Autographe Conservé à la Visitation d'Annecy. [240]

 

B) Documents relatifs aux pays de Gex

 

 

 

I. Mémoire remis a Monseigneur del Bufalo, Nonce de France pour le rétablissement du culte catholique (Minute inédite). Deux choses demandées au Roi. — Réponses aux objections prévues, contre le rétablissement du culte catholique dans tout le pays de Gex. — Pourquoi certaines appréhensions n'ont pas de fondement. — Exposé des difficultés que présente la restitution des revenus ecclésiastiques du bailliage : les unes, insurmontables ; la justice de Sa Majesté peut triompher des autres. — Celle-ci et les droits de l'Eglise doivent l'emporter sur la crainte de mécontenter les Genevois.

 

[20 décembre 1601-fin janvier 1602.]

 

            Due cose si domandano a Sua Maestà: una, che si stabilisca l'essercitio catholico in tutti li luoghi del paese [241] di Gex; l'altra, che l'entrate ecclesiastiche si restituiscano alle persone ecclesiastiche.

            Quanto alla prima, non vi puo esser difficoltà dalla banda delli habitatori del paese; rimanendo l'essercitio loro libero et sicuro, non hanno da lamentarsi se per altri che non volessero il suo si stabilisca il catholico. Nè devono temersi li movimenti, si perchè hanno capi [242] d'importanza, essendo la maggior parte delli nobili, catholici, sì perchè non ci è roccha nessuna, nè luogo forte.

            Manco hanno interesse circa questo li Bernesi o Ginevrini, perchè Sua Maestà non è obbligata di far vivere li sudditi della Corona a modo loro. È vero che desiderano che si accresca et si conservi la religion loro ; ma questo desiderio non è degno di rispetto appresso Sua Maestà, poichè essi Bernesi, all'incontro, sapendo che detta Maestà desidera sommamente la propagatione della fede catholica, essi nientedimeno l'impediscono, cercando l'impedimento non solo fra li sudditi loro, ma etiandio fra sudditi d'altri. Ne è da temere che per questo si muovano, perchè contuttociò che il Duca di Savoya ha stabilito l'essercitio catholico nelli altri balliagi, essi non si sonno mossi, se bene se ne sonno lamentati, ad [243] instanza delli ministri loro; molto manco si muove ranno contra Sua Maestà, alla quale essi non sonno per invaginarsi di dover dar legge del modo di governare li sudditi del regno. Et l'istesso deve dirsi di Geneva.

            Quanto alla seconda cosa che si domanda, cioè che li beni della Chiesa si restituiscano, vi può esser maggior [244] o minor difficoltà secondo la diversità dell'essere nel quale essi beni si ritruovano: perchè alcuni beni sonno stati venduti et alienati da Bernesi; et circa la restitutione di questi vi sarebbe gran difficoltà, perchè li Bernesi vendendoli, hanno promesso di mantenerli a quelli che li hanno comprati. Onde per questi non si fa altra instanza se non che quando li ecclesiastici pagano (sic) li denari et il prezzo dato alli Bernesi, si potessero ricuperare in favor della Chiesa.

            Altri beni sonno nel balliagio di Gex, che furono già del Vescovo di Geneva, et adesso sonno occupati da Genevrini. Et qui sarebbe maggior difficoltà, perchè [245] li Genevrini stimando et credendo che il Vescovo fosse Principe supremo di quelle terre, essi ancora si tengono per padroni et signori assoluti di dette terre, senza ricognitione di superiore veruno. Per questo, se bene sonno nel paese di Gex, tuttavia non se ne spera se non nella Providenza d'Iddio.

            Altri beni sonno occupati dalli ministri et persone laiche, senza titolo legittimo; et circa questi non vi è difficoltà nessuna, perchè sonno nel paese del Re et sotto la [sua] giurisditione. Onde nè li Bernesi vi hanno interesse, nè altri che li ministri et simile gente; si chè in questi Sua Maestà può et deve far giustitia agli ecclesiastici.

            Altri beni sonno pur sotto la giurisditione di Sua Maestà, ma sonno occupati dalla pretesa Republica di Geneva; et questi appartengono principalmente alla Chiesa et Capitolo cathedrale, et alla capella chiamata [246] de' Machabei, unita ad essa Cathedrale. Et circa questi non vi è altra difficoltà, se non che, facendosene la giustitia, li Genevrini starebbono mal contenti et gli recarebbe dispiacere; ma non si fa mai giustitia senza disgusto della parte che ha torto, nè deve haversi minor risguardo alla ingiuria che si farebbe alla Chiesa ricusandole giustitia, che al dispiacere che si farebbe alli occupatori facendo giustitia.

            La Sua Maestà restituendo l'essercitio et questi beni delle due sorte ultime, fa giustitia, accresce la santa religione, fa benefìcio alla Chiesa, multiplica gli oratori per sua prosperità. Oltre che havendo Sua Maestà [247] dichiarato che vuole l'Editto suo esser osservato nelli paesi nuovamente uniti circa quello che è favorevole all'essercitio della heresia, par che reciprocamente debba farlo osservare circa quello che è favorevole alla Chiesa.

 

Revu sur le texte inséré dans le Ier Procès de Canonisation. [248]

 

 

 

            On demande deux choses à Sa Majesté: l'une, qu'on rétablisse l'exercice du culte catholique dans toutes les localités du pays de [241] Gex; l'autre, que les revenus ecclésiastiques soient rendus aux hommes d'Eglise.

            Quant à la première, il ne peut y avoir de difficulté du côté des habitants du pays; l'exercice de leur culte demeurant libre et assuré, ils n'auront pas à se plaindre si on établit le culte catholique pour ceux qui ne voudront pas du leur. On ne doit pas redouter [242] les séditions, soit parce que, la plus grande partie de la noblesse étant catholique, les magistrats sont des hommes de marque, soit parce qu'il n'y a aucune forteresse ni aucun château-fort.

            Les Bernois et Genevois n'ont rien à voir en cette affaire, car Sa Majesté n'est pas obligée de contraindre les sujets de la Couronne à vivre de la même manière qu'eux. Il est vrai qu'ils désirent voir leur religion s'étendre et se conserver; mais ce désir n'est pas digne de considération, puisque, au contraire, les Bernois eux-mêmes qui savent combien vivement Sa Majesté souhaite la propagation de la foi catholique, l'entravent néanmoins, et tâchent de faire surgir des obstacles non seulement parmi leurs sujets, mais encore parmi les sujets des autres. Il ne faut pas craindre que pour cela ils se révoltent; le duc de Savoie a bien établi le culte catholique dans les autres bailliages, et cependant ils n'ont pas bougé, quoique, [243] pressés par leurs ministres, ils s'en soient plaints. A plus forte raison ne se soulèveront-ils pas contre Sa Majesté, à qui ils ne sauraient songer à faire la loi sur le mode de gouverner les sujets du royaume. On doit en dire autant de Genève.

            Quant à la seconde chose qu'on demande, c'est-à-dire, que les biens de l'Eglise soient restitués, il peut y avoir plus ou moins de [244] difficulté, suivant l'état où ils se trouvent. Quelques-uns ont été vendus et aliénés par les Bernois: la restitution de ceux-ci serait bien difficile, parce qu'en les vendant, ils ont promis d'en maintenir la possession à ceux qui les ont achetés; aussi la seule requête qu'on fait au sujet de ces revenus, c'est qu'on puisse les recouvrer en faveur de l'Eglise quand les ecclésiastiques seront en mesure de payer en argent le prix exact donné aux Bernois.

            D'autres bénéfices sont situés dans le bailliage de Gex; ils appartenaient jadis à l'Evêque de Genève, et maintenant ils sont détenus par les Genevois. Ici, la difficulté serait encore plus [245] grande, parce que les Genevois estiment et croient que l'Evêque était Prince suprême de ces lieux; dès lors, eux aussi se considèrent là comme maîtres et seigneurs absolus, sans reconnaître aucun supérieur. C'est pourquoi, bien que ces revenus soient dans le pays de Gex, on n'en espère rien, sinon par la Providence de Dieu.

            D'autres sont occupés par les ministres et par des laïques, sans aucun titre légitime ; et quant à ceux-ci, il n'y a point de difficulté, puisqu'ils sont dans le domaine du Roi et sous sa juridiction. Les Bernois, ni personne quelconque, sauf les ministres et gens semblables, n'y ont donc aucun intérêt; de sorte que Sa Majesté peut et doit faire justice aux ecclésiastiques.

            D'autres enfin sont aussi sous la juridiction de Sa Majesté, mais détenus par la prétendue République de Genève; ceux-ci appartiennent principalment à l'Eglise cathédrale, au Chapitre et [246] à la chapelle dite des Machabées qui est unie à la même Cathédrale. Touchant ces derniers, toute la difficulté consiste en ce que les Genevois seraient mécontents et auraient de la peine si on en faisait justice; mais jamais on ne fait justice sans causer du mécontentement à la partie qui a tort, et l'on ne doit pas avoir moins d'égard à l'injure qui se ferait à l'Eglise refusant de lui rendre justice, qu'au déplaisir qui reviendrait aux détenteurs en la lui rendant.

            Sa Majesté, rétablissant l'exercice du culte catholique et restituant ces deux dernières parties des revenus, pratique la jutice, accroît la sainte religion, fait du bien à l'Eglise, multiplie ceux qui [247] prieront pour sa prospérité. De plus, puisqu'Elle a déclaré vouloir que son Edit fût observé dans les pays récemment unis en ce qui est favorable à l'hérésie, il semble que, réciproquement, Elle doive le faire observer en ce qui est favorable à l'Eglise. [248]

 

 

 

II. Requête au Roi de France, Henri IV au nom de Mgr de Granier (Minute inédite). Le calvinisme dans le pays de Gex. — Mgr de Granier a déjà imploré le secours du Roi pour le rétablissement de la religion catholique et la restitution, pour l'entretien des prêtres, des revenus confisqués. — Ce qu'a fait le baron de Lux, délégué par Sa Majesté. — Pourquoi l'Evêque s'adresse de nouveau à elle. — Il réclame le libre exercice du culte dans toute la province, suivant la teneur de l'Edit de Nantes. — Un traité passé entre Emmanuel-Philibert, duc de Savoie, et les Bernois, annulé. — Trois bailliages où fleurit le catholicisme. — Les détenteurs des revenus n'ont aucune raison à alléguer contre la justice et le droit.

 

Annecy, 20-25 décembre 1601.

 

                        Sire,

            Claude de Granier, Evesque de Geneve, avec tout son Clergé, remonstre tres humblement a Vostre Majesté, que, par la misere des troubles advenuz a l'occasion du schisme et division de religion, l'exercice de la religion Catholique, Apostolique et Romaine a esté entierement expulsé du balliage de Gex, et les saintz temples, maysons et patrimoines de l'Eglise occupés et detenuz violemment; les prestres et pasteurs dechassés. Ce [249] qui auroit meu le suppliant implorer l'ayde, secours et bras seculier de Vostre Majesté, affin que, selon sa bonté et pieté chrestienne, justice et equité royale, il luy pleut restablir l'exercice de la sainte religion audit balliage; reintegrer les prestres, pasteurs, comm' aussi le Chapitre de l'Eglise cathedrale Saint Pierre de Geneve, et tous doyens, prieurs, abbés, çhapellains et autres personnes ecclesiastiques, es eglises dediees de tout tems au saint service, et en leurs maysons, domeynes, terres, dixmes et revenuz affectés a leur entretenement.

            A laquelle juste supplication Vostre Majesté s'estant inclinee, a renvoyé le suppliant par devers le sieur Baron de Lux, son lieutenant general es gouvernemens de Bourgoigne, Bresse, Bieugey, Valromey et Gex; lequel, donnant commencement a l'execution d'un si saint œuvre, a restably l'exercice catholique en trois cures et parroisses, remettant par mesme moyen les trois pasteurs constitués en icelles en l'actuelle jouyssance et possession des terres, maysons, fondz et autres revenuz dependantz des dittes cures, et des dismes qui proviennent es confins des territoires des dittes parroisses, selon les limites qui souloyent estre [250] au paravant l'expulsion du Clergé: et ce, tant seulement.

            Mays pour le regard de la restitution requise, tant de l'exercice de la sainte religion en tous autres lieux anciennement dediés a cest usage, qu'aussi des autres benefices et biens d'Eglise aux personnes ecclesiastiques, ledit sieur de Lux a renvoyé ledit suppliant a Vostre Majesté et a son Conseil, pour luy estre par icelle fait droit et son bon playsir déclairé. Ce qui fait a present recourir ledit suppliant a Vostre Majesté, a ce que, selon sa justice et equité, il luy playse ordonner:

            Que la religion Catholique, Apostolique et Romaine sera remise et restablie en tous les lieux et endroitz dudit balliage de Gex ou l'usage d'icelle a esté intermis, pour y estre paysiblement et librement exercee, sans aucun trouble empechement; defendant tres expressément a toutes personnes, de quelqu'estat, qualité et condition qu'elles soyent, de ne troubler, molester ni inquieter les ecclesiastiques en la celebration du divin service, jouissance et perception des dixmes, fruitz et revenuz de leurs benefices, et autres droitz et devoirs qui leur appartiennent; et que tous ceux qui, durant les troubles, se sont emparés des eglises, maysons, biens et revenuz appartenans ausdits ecclesiastiques et qui les detiennent et occupent, leur en delaissent l'entiere possession et jouissance paysible, en telz droitz, libertés et seurtés qu'ilz avoyent auparavant qu'ilz en fussent [251] desaissis (sic). Le tout a la forme de l'Edit public a Paris le 25 febvrier 1599, lequel le suppliant requiert tres humblement estre observé pour la conservation des droitz de l'Eglise audit balliage de Gex, puisqu'il est maintenant uni a la royale couronne de Vostre Majesté, et que l'ors mesme que l'Edit sus mentionné. fut publié, il estoit des-ja reduit sous son obeissance, tenu, administré et possedé au nom d'icelle; et qu'Elle mesme a declairé estre de son bon playsir «que l'Edit soit observé es pais eschangés,» selon sa forme et teneur, touchant l'establissement «de la religion praetendue reformee»: dont on peut conclure que son intention est que le mesme Edit soit aussi gardé selon sa forme et teneur, et reciproquement, en ce qui concerne le restablissement de la religion et Eglise Catholique.

            N'estant au reste considerable le traitté jadis passé entre le Seigneur Due de Savoye d'une part, et les Seigneurs de Berne d'autre part, touchant ledit balliage de Gex et autres, au prejudice de la religion et Eglise Catholique; d'autant que ledit traitté a esté entierement [252] rompu, cassé et annullé par les guerres subsequentes. En suitte dequoy, ledit Seigneur Duc a despuis restably et remis l'exercice de la sainte religion es trois autres balliages comprins au mesme traitté et sous mesme article, a sçavoir: de Chablaix, Ternier et Gaillard, ou l'Eglise Catholique fleurit maintenant et les benefices sont en mains des ecclesiastiques. Et en particulier, le mesme Seigneur Duc restablit au balliage de Gex, dont il est question, la religion Catholique l'an 1590, rendant les benefices aux ecclesiastiques, bien que, par la misere de la continuation des guerres, ledit restablissement dura fort peu et fut rendu presque inutile.

            Si que il ne demeure aucune rayson ni apparence aux detenteurs et occupateurs des eglises et benefices de Gex, pour laquelle, le balliage estant uni a la Couronne, [253] ilz ne doivent estre contraintz de subir le droit, justice et equité portée par l'Edit de pacification, au prouffit des ecclesiastiques; lequel Edit, le suppliant implore, avec la pieté et zele de Vostre Majesté.

 

Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy.

 

 

 

III. Autre minute de la même requête (Inédite)

 

Paris, [fin janvier] 1602.

 

AU ROY.

 

                        Sire,

            Vostre Majesté s'estant inclinee a la juste supplication de son tres humble et tres-obeissant serviteur et orateur l'Evesque de Geneve, pour obtenir le restablissement de la religion Catholique et la restitution des biens ecclesiastiques au balliage de Gex, elle a renvoyé ledit [254] suppliant au sieur Baron de Lux, son lieutenant general au gouvernement de Bourgoigne et dudit balliage; lequel donnant commencement a l'execution d'un si saint œuvre, a restabli la sainte religion en trois eglises et parroisses dudit balliage, et remis les pasteurs ecclesiastiques constitués es dittes parroisses en l'actuelle jouissance des biens appartenans aux cures d'icelles, selon les anciennes limites.

            Mays pour le regard du restablissement de la religion, requis et supplié pour tous les autres lieux qui sont en grand nombre, et de la restitution des autres biens, ledit sieur de Lux a renvoyé le suppliant a Vostre Majesté et a son Conseil, pour luy estre, par icelle, fait droit et son bon plaisir declairé. En vigueur duquel renvoye, ledit Evesque suppliant recourt en toute humilité a la justice et equité de Vostre Majesté, a ce quil luy playse ordonner:

            Oue la religion Catholique, Apostolique et Romaine sera remise et restablie en tous les lieux et endroitz dudit balliage de Gex ou l'usage d'icelle a esté interims, pour y estre paysiblement et librement exercee, et que tous ceux qui, durant les troubles, se sont emparés des eglises, maysons, biens et revenuz appartenans aux ecclesiastiques, et qui les detiennent et occupent, leur en delaissent l'entiere possession et paysible jouissance, en telz droitz, libertés et seurtés quilz avoyent auparavant quilz en fussent desaisis: qui sont les termes de l'Edit publié à Paris, le 25 febvrier 1599, lequel ledit suppliant requiert tres humblement estre observé en ce qui concerne l'advancement de la foy catholique. Puisque, reciproquement, le mesme Edit sera observé, en ce qui concerne l'exercice de la religion praetendue [255] reformee, es pais eschangés comm' es autres du royaume, ainsy que Sa Majesté a declairé en la responce faitte aux Articles prsesentés par les deputés de Beugey et Valromey, qui supplioyent que l'exercice de laditte religion praetendue ne fut introduit es confins des dittes provinces; et que, au tems de la publication de l'Edit, le balliage de Gex estoit sous l'obeissance de Vostre Majesté, tenu, possedé et administré au nom d'icelle.

            N'estant en ce fait considerable (sic) les traittés faitz entre le Seigneur Duc de Savoye et les sieurs de Berne touchant ledit balliage, au praejudice de la religion Catholique, d'autant que ledit traitté a esté entierement annullé par les guerres subsequentes; en suitte dequoy, ledit Seigneur Duc a despuis restably et remis l'exercice de la religion Catholique es trois autres balliages comprins au mesme traitté, en mesme forme et sous mesme article, ou l'Eglise fleurit maintenant et les ecclesiastiques [256] jouissent paysiblement de leurs biens, sauf de certaine partie delaquelle ilz sont en proces ordinaire, [poursuivant] la jouissance par devant le Senat de Savoye.

            Si que il ne demeure aucune rayson aux detenteurs et occupateurs des eglises et benefices dudit balliage de Gex, pour laquelle ilz ne doivent subir l'equité et justice portee dans l'Edit sus mentionné, touchant le restablissement de la religion et restitution des biens ecclesiastiques: qui est ce que le suppliant et son Clergé requiert tres humblement, avec deputation de commissaires pour l'entiere et totale execution de l'Edit touchant ce chef.

            Et il continuera de prier Dieu pour la prosperité de Vostre Majesté et de sa royale Couronne.

 

Revu sur l'Autographe qui appartenait en 1893 à Mme Doroz, née d'Arcine,

à Besançon. [257]

 

 

 

IV. Requête au Roi Henri IV et a son Conseil Privé (Minute inédite). Même sujet.

 

Paris, [commencement de février] 1602.

 

Au ROY ET A NOSSEIGNEURS DE SON CONSEIL.

 

                        Sire,

            L'Evesque de Geneve, avec tout son Clergé, remonstre tres humblement a Vostre Majesté, que par la misere des troubles advenuz par le schisme et division de religion, l'exercice de la foy Catholique, Apostolique et Romaine a esté entierement expulsé du balliage de Gex; les saintz temples, maysons et patrimoine de l'Eglise, occupés et detenuz violemment; les prestres et pasteurs dechassés. Ce qui auroit meu le suppliant implorer l'ayde, secours et bras seculier de Vostre Majesté, affin que, selon sa bonté et pieté chrestienne, justice et equité royale, il luy pleut restablir l'exercice de la religion Catholique audit balliage, reintegrer les personnes ecclesiastiques es eglises dediees de tout tems au saint service, et en leurs maysons, domeynes, terres, dixmes et revenuz affectés à leur entretenement.

            A laquelle juste supplication Vostre Majesté s'estant [258] inclinee, a renvoyé le suppliant par devers le sieur Baron de Lux, son lieutenant general es gouvernemens de Bourgoigne, Bresse, Beugey, Valromey et Gex; lequel donnant commencement a l'execution d'une si sainte œuvre, a restably l'exercice catholique en trois cures et parroisses, avec provision pour l'entretenement des pasteurs establis en icelles.

            Mays pour le regard de la restitution requise, tant de l'exercice de la sainte religion en tous autres lieux anciennement dediés a cest usage, qu'aussi des autres benefices et biens d'Eglise aux personnes ecclesiastiques, ledit sieur de Lux a renvoyé le suppliant a Vostre Majesté et a son Conseil, pour luy estre par icelle fait droit et son bon playsir declairé. Ce qui fait a present recourir ledit suppliant a Vostre Majesté, a ce que, selon sa justice et equité, il luy plaise ordonner :

            Que la religion Catholique, Apostolique et Romaine sera remise et restablie en tous les lieux et endroitz dudit balliage de Gex, ou l'usage d'icelle a esté intermis, pour estre paysiblement et librement exercee, sans aucun trouble et empechement; defendant a toutes personnes, de quelque qualité et condition qu'elles soyent, de ne troubler, molester ni inquieter les ecclesiastiques en la celebration du divin service, jouissance et perception des dixmes, fruitz et revenuz de leurs benefices, et autres droitz et devoirs qui leur appartiennent; et que tous ceux qui, durant les troubles, se sont emparés des eglises, maysons, biens et revenuz appartenans ausditz ecclesiastiques, et qui les detiennent et occupent, leur en delaisseront l'entiere possession et jouissance paysible, en telz droitz, libertés et seurtés qu'ilz avoyent auparavant qu'ilz en fussent desaisis. Le tout selon l'Edit publié a Paris le 25 febvrier 1599, le benefice duquel le suppliant implore, avec le zele et pieté de Vostre Majesté, pour la prosperité de laquelle il priera tousjours Dieu Nostre Seigneur.

FRANÇS DE SALES.

 

Revu sur le texte inséré dans le Ier Procès de Canonisation. [259]

 

 

 

V. Mémoire présenté a Monsieur de Villeroy pour le rétablissement de la religion catholique (Minute). Rétablir la religion catholique dans le pays de Gex, c'est mettre à exécution l'Edit de Nantes. — Il serait injuste de respecter les «reformés» plus que les autres et d'excepter de, la règle générale «ce seul coin du royaume». — Traités entre les ducs de Savoie et les Bernois. — Usurpation par ceux-ci des revenus ecclésiastiques ; quels sont ceux qui peuvent être restitués à leurs propriétaires légitimes.

 

Paris, [vers le 8] février 1602.

 

            On fait tres humblement deux demandes a Sa Majesté, de la part de l'Evesque et Clergé de Geneve, touchant le balliage de Gex :

            L'une est que l'exercice de la religion Catholique soit restably en tous les lieux dudit balliage ou il estoit avant les troubles survenuz par le schisme et division de religion; et ce, selon les termes et teneur de l'Edit. En [260] quoy, aucun n'aura rayson de se lamenter, puisque ce sera traitter ledit balliage comme tous les autres sujetz du royaume, le laissant en mesme liberté; n'estant raysonnable que les pretenduz reformés d'iceluy soyent plus respectés que les autres, et que ce seul coin du royaume soit excepté de la regle generale de l'Edit, tous traittés faitz au contraire ayans esté cassés par les guerres subsequentes; n'y ayant mesme pas si long tems que l'exercice de la sainte religion y a esté, d'autant que l'an 1590 il y fut restably par le Duc de Savoye, apres que les Bernois eurent violé le traitté fait avec le pere dudit Duc. En suitte de quoy, bien tost a pres se fit un autre traitté en la ville de Nyon, entre ledit Duc et les Bernois, auquel il fut convenu qu'audit balliage de Gex l'exercice des deux religions seroit libre; en sorte neanmoins que celuy de la praetendue ne seroit qu'en trois lieux, celuy de la Catholique en tous les autres. Mais ledit traitté fut encor rompu et demeura sans force; si que il n'y a rien pour ce regard qui empesche ledit balliage d'estre reduit sous la loy generale de l'Edit, comme ont esté tous les autres païs eschangés.

L'autre demande est que les biens ecclesiastiques soyent restitués selon le mesme Edit. En quoy il est besoin de distinguer les divers estatz esquelz lesditz biens ecclesiastiques se retrouvent maintenant; car la difficulté sera, de mesme, diverse et differente. Les uns donq desditz biens ont esté alienés par les Bernois, desquelz partant ilz sont evictionnaires; et touchant ceux ci, on ne demande sinon qu'il soit loysible aux ecclesiastiques de les repeter, en rendant les deniers donnés par les acheteurs.

            Autres sont possedés par ceux de Geneve, mays en tiltre de souveraineté; et de ceux ci on n'en parle point, puisque, bien qu'ilz soyent riere les terres du Roy, si [261] ne sont ilz pas sous son obeyssance. Et telz sont les biens de l'Evesque.

            Autres sont possedés par ceux de Geneve, mays sous l'obeissance du Roy. Et pour ceux cy, attendu qu'ilz sont occupés sans autre tiltre que de pure usurpation, Sa Majesté est suppliee d'en faire justice. Telz sont les biens du Chapitre de Geneve, a present residant a Neci.

            Autres sont possedés par les ministres, sujetz du Roy, et riere son obeyssance, touchant lesquelz il n'y a nulle difficulté.

 

Revu sur le texte inséré dans le Ier et le IIa Procès de Canonisation. [262]

 

VI. Mémoire adressé au Conseil Privé du Roi de France (Minute inédite). Le bailliage de Gex, incorporé à la France, doit jouir de tous les privilèges du royaume. — Comment Henri IV répondit à une requête de l'Evêque de Genève. — Nouveau recours de celui-ci au Roi. — Réponse à une objection de quelques membres du Conseil de Sa Majesté. — Concessions faites aux Bernois par Emmanuel-Philibert et Charles-Emmanuel, ducs de Savoie. — Restitution du culte catholique et des biens de l'Eglise dans les bailliages soumis au second. — On espère du Roi de plus grandes faveurs pour les prêtres qui seront installés dans le pays de Gex. — Une raison pressante.

 

Paris, vers la fin de mars 1602.

……………………………………………………………………………………………………...

            Que par les articles de la paix du Roy et du Duc de Savoÿe, le balliage de Gex fut inseparablement [263] uni a ceste Couronne ; au moyen de quoy il doit, comme membre du royaume, jouïr de tous les privileges d'iceluy. De façon que le dernier Edit du Roy, de l'annee 99, fait sur les Editz praecedens, doit estre observé aussi exactement audit balliage de Gex quil l'est en tout ce royaume.

 

            Si tost que l'Evesque de Geneve sceut ladite union, il supplia le Roy de vouloir comprendre ledit balliage de Gex au benefice dudit Edit, puys quil avoit lhonneur d'estre incorporé a son royaume. A quoy Sa Majesté inclinant, remit l'execution de ceste requeste a monsieur le Baron de Lux, son lieutenant general audit balliage de Gex, lequel neanmoins, l'on ne sçait pourquoy, ne fit qu'entamer et donner commencement a ce saint œuvre, renvoyant le surplus a Sa Majesté et a Messieurs de son Conseil; mondit sieur de Lux s'estant contenté de restablir seulement l'exercice de la religion Catholique en la ville de Gex et es parroisses des vilages de Farges et Asserens, quoy que ces trois lieux ne facent pas la dixiesme partie du balliage. C'est pourquoy l'Evesque de Geneve a esté contraint d'avoir recours a la justice et pieté du Roy, pour l'execution du surplus.

            Et par [ce] que quelques uns de Messieurs du Conseil ont objecté que ledit balliage de Gex estant au Duc de Savoye il ni auroit pourtant pas restabli l'exercice de la religion Catholique, l'on respond que la verité est telle; mays il faut entendre pourquoy:

            Le Duc de Savoye estant contraint par le traitté de paix quil fit il y a fort long tems avec les Bernois, de [264] leur permettre que le balliage de Gex demeureroit en l'exercice de la religion praetendue reformee qui s'y estoit nouvellement introduitte par leur moyen, il a pensé quil ne devoit contrevenir, pour le bien de son Estat, a ceste promesse, laquelle pourtant il gardoit fort envis et contre son inclination. Ce quil monstra bien despuis, car les Bernois luy ayant suscité la guerre l'an quatre vingt et dix, et en icelle conquis le balliage de Gex, le Duc de Savoye l'ayant repris, y remit a l'instant l'exercice de la religion Catholique, lequel y demeura jusques a ce que monsieur de Sanci reconquit ledit baillage sur ledit Duc de Savoÿe.

            Est aussi a considerer que le Roy tient le baillage de Gex a pareilles conditions que le Duc de Savoye tient les autres baillages qui confinent les Bernois, ou le Duc de Savoye a restabli l'exercice de la religion Catholique sen (sic) que les Bernois s'en soyent offencéz, non plus que de l'ordre que le Duc de Savoye a mis aux biens ecclesiastiques desdits baillages qui est tel, que il a permis aux ecclesiastiques de rachepter ce qui en a esté aliené par les Bernois, selon la forme du droit. Quant a ce qui estoit occupé par les ministres, il l'a entierement remis aux ecclesiastiques; et pour le regard de ce qui est occupé par ceux de Geneve, il en a renvoyé la connoissance a sa Justice ordinaire. [265]

            Mays la difference qui est entre le Roy et le Duc de Savoye fait aussi esperer beaucoup plus de grace aux ecclesiastiques qui seront installés au balliage de Gex, que le Duc de Savoye n'a osé ouctroyer a ceux qui sont maintenant aux balliages susdits; en quoy ilz se treuvent bien fondés, tant pour la grandeur de Sa Majesté tres chrestienne, que pour ce quilz esperent estre compris au nombre de tous les autres ecclesiastiques de France qui ont esté remis en l'entiere jouissance de tous et chascuns leurs biens, droitz et privileges.

            Et pour faire mieux connoistre la rayson que l'Evesque de Geneve a de promptement poursuivre l'enterinement de sa requeste, Messieurs du Conseil seront advertiz que la noblesse du balliage de Gex estant catholique, comm' aussi plusieurs autres des principaux dudit balliage, ilz sont contraintz de rechercher avec des incommodités tres grandes l'exercice de leur religion.

Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Rennes. [266]

 

 

 

VII. Conventions relatives a la cession du Prieuré d'Asserens au Curé de Farges (Minute inédite)

 

10-20 août 1603.

 

ARTICLES ACCORDÉS, EN PRESENCE DE MONSIEUR LE BARON DE LUX ET MONSIEUR LE PRESIDENT JANIN, ENTRE L'EVESQUE DE GENEVE ET LE CHASTELAIN PASSERAT AGISSANT POUR LE SIEUR BONFILZ OU MONSIEUR DE LA BASTIE.

 

            Premierement: Que ledit sieur Bonfilz cedera et resignera le prieuré d'Asserens, avec toutes ses dependences, au prouffit du curé de Farges et Asserens, pour [268] estre, icelluy prieuré avec ses dependences, uni a la cure dudit Farges et Asserens pour l'entretenement du curé et autre prestre qui y fera le service.

            2. Et moyennant, l'Evesque de Geneve fera reserver une pension annuelle sur ledit prieuré, de la somme de [269] quarante escus trois francz piece, au prouffit dudit sieur Bonfilz, sa vie durant.

            4. (sic) Mais pour la presente annee, l'Evesque de Geneve laissera les fermiers quil a mis pour les diesmes provenus dans les confins et territoires des parroisses d'Asserens et Farges selon les anciennes limites, a la forme de l'establissement fait par monsieur le Baron de Lux. Et le reste du revenu dudit prieuré d'Asserens, qui se treuvera hors lesdites parroisses et les fillioles, demeurera, pour le payement de ladite pension, au sieur Bonfilz; au moyen dequoy, il se contentera sans plus, avec la rente.

            4. Et pour le regard des prises des deux annees escheües, le sieur Bonfilz remettra les actes et papiers [270] es mains de l'Evesque de Geneve, qui font pour repeter des ministres ce quilz en ont injustement perceuz (sic), et contre le reiglement de monsieur de Lux et confirmation du Roy; moyennant quoy, l'Evesque se contentera des deux prises passees.

            Les procureurs quil faut constituer sont le sieur Jean Reydet, notaire de la Chambre Apostolique, et le sieur... de Ratti, procureur en Pœnitenterie de Rome, l'un des deux ayant plein pouvoir.

 

Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Turin. [271]

 

 

VIII. Requête a Monsieur François Briet (Inédite). L'Evêque réclame, pour le curé de Gex, le presbytère et le jardin attenant, encore occupés par le ministre hérétique.

 

Gex, 11 mai 1604.

 

            Expose humblement Messire François de Sales, Evesque et Prince de Geneve, comme du dernier novembre 1601, suyvant le bon playsir de Sa Majesté, il avoit esté, par monsieur le Baron de Lux, mis en possession, saysie et jouissance tant de l'eglise Saint Pierre de Gex que des maysons presbiterales et biens dependans du doyenné et [272] cure de laditte eglise, comme plus a plein est contenu par ledit establissement sur ce fait lesditz an et jour, duquel il est prest faire apparoir.

            Or est il que le ministre, qui pour lhors habitoit en la mayson de la cure, auroit continué, tant luy que autres ses successeurs, la possession de laditte mayson et d'un jardin au derriere d'icelle situé. Dequoy le seigneur exposant informé, desireroit par vostre authorité, ce que dessus consideré, vous playse, en ensuyvant la teneur de la commission qu'aves de saditte Majesté, de remettre ce qui a esté establi par le sieur Baron de Lux en deu estat; ordonner que tres expres commandement sera fait au ministre qui jouit a present de laditte mayson de [273] la cure et jardin, que dans brief delay (que pour ce faire prefigeres) il ayt a en vuider, avec injonction de restituer les fruitz qu'il en a perceu: le tout en suitte dudit establissement, et sur ce, luy prouvoir remede convenable, implorant humblement vostre benigne justice.

FRANÇS, Evesque de Geneve.

                        A Monsieur

                                   Monsieur Briet,

Conseiller de la Cour souveraine du Parlement de Bourgoigne,

                                   Commissaire en cette partie, deputé par Sa Majesté.

 

Revu sur le texte inséré dans le Ier et le IId Procès de Canonisation.

 

 

 

IX. Autre requête au même (Inédite). Plaintes et demandes au sujet du cimetière de Gex disputé aux catholiques et violé par les protestants.

 

Gex, 11 mai 1604.

 

            Expose humblement Messire François de Sales, Evesque et Prince de Geneve, comme par l'establissement fait par monsieur le Baron de Lux le dernier novembre 1601, il auroit esté mis en possession de l'eglise parroissiale de Gex, cimetiere, cure et droitz appartenans et dependans de laditte eglise, avec inhibition a tous de ne le troubler, ni attenter aucune chose au prejudice dudit establissement. Il auroit esté limité lieu joignant au cimetiere, pour la sepulture des cors mortz de ceux de la pretendue religion reformee dudit Gex; ce neanmoins, se seroyent de leur authorité absolue et sans aucun pouvoir, du moins qui luy ayt apparu, saysis et emparés du cimetiere de [274] laditte eglise, et illec sousterré lesditz cors mortz: chose qui est directement contrevenante audit establissement, et par consequent a la volonté de Sa Majesté. Qu'est la cause qu'il requiert playse a vous, Monsieur, en ensuyvant la portee de vostre commission de saditte Majesté, le reintegrer de plus fort en la jouissance et possession du susdit cimetiere, par les susnommés indeuement occupé, avec inhibition et defense tres expresses de par ci apres ne commettre semblables abus, sous peyne d'estre punis selon la rigueur des ordonnances, comme vrays perturbateurs du repos publiq, et sous autres peynes qu'il vous plaira leur imposer: et sur ce, luy prouvoir et faire justice.

FRANÇS, E. de Geneve.

                        A Monsieur

                                   Monsieur Briet,

Conseiller de la Cour souveraine du Parlement de Bourgoigne,

                                   Commissaire en cette partie, deputé par Sa M.

 

Revu sur le texte inséré dans le Ier et le IId Procès de Canonisation. [275]

 

 

 

X. Requête aux Députés du Clergé de France (Minute inédite). Quelle partie du diocèse de Genève est soumise au roi de France depuis le traité de paix de Lyon. — Dans le pays de Gex, quelques paroisses seulement ont été rendues au culte catholique. — Les «mille traverses» des ministres contraignent l'Evêque à des recours fréquents aux autorités de la province, au Parlement de Dijon, et même à Sa Majesté. — La présence ordinaire des députés de Genève à la cour complique les difficultés. — Découragement des convertis. — Saint François de Sales demande l'union de cette partie de son diocèse au corps du Clergé du royaume. — La situation topographique du bailliage de Gex augmente l'intérêt que la chrétienté entière, et surtout la France, doivent avoir pour sa conversion. — A quoi seront tenus les procureurs généraux du Clergé députés à la cour.

Juillet-août 1605.

                        A MESSEIGNEURS ET TRES ILLUSTRES

                                   ET TRES REVERENDS DEPUTÉS DU CLERGÉ.

 

            Supplie humblement Messire François de Sales, Evesque et Prince de Geneve, disant que son evesché, quy estoit aultrefois tout enclos dans les Estatz de l'Altesse de Monseigneur le Duc de Savoye, sauf ce qui est detenu et usurpé par les heretiques, se treuve maintenant, et despuis la paix de Lyon de l'an mil six centz et ung, en partie riere les terres de Sa Majesté: a [276] sçavoir, tout le pays de Verromey, une partie du Bieugey et toutte la terre et baronnie de Gex, que sont envyron soixante parroysses; dont quelques unes, qui sont en laditte terre de Gex, ont obtenu naguieres, par la grace et bonté de Dieu et du Roy, l'exercice de nostre saincte foy et religion Chatollique, demeurant neanlmoins le seul exercice de la religion pretendue en tout le reste dudit pays de Gex, ou, pour ceste cause, plusieurs ministres, faisantz leur ministere a l'acoustumee, jouissent des revenuz ecclesiastiques et font jornellement mille traverses aux pauvres Chatoliques et aux curés que le sieur suppliant y a establis.

            A cause dequoy, ledit sieur suppliant se treuve contrainct de recourir a tous coups aux magistratz et officiers du Roy, iesquelz, quoy quilz monstre (sic) de n'estre mal affectionnés aux Chatoliques, neanlmoins, pour fere profession de la religion des ministres, ne peuvent leur estre si favorables que l'on desireroyt. De sorte que le sieur suppliant est contrainct bien souvent de [277] se porter pour appellant par devant la court de Dijon, et recourir en oultre, pour diverses occations, tant a monsieur le Grand, gouverneur de Bourgoingne, de Bresse, Beugey, Verromey et Gex, qu'a monsieur le Baron de Lux, lieutenant du Roy au dit gouvernement, comme encores, par foys, a Sa Majesté; non sans beaucoup de difficulté et de despens, tant pour ne pouvoir ledit sieur suppliant abandonner son evesché, qui n'est que trop pleyne d'affaires, pour fere les poursuittes qui seroyent necessaire (sic) a faire pres de sadite Majesté pour obtenir une finale resolution sur lesdites difficultés, qu'aussy pour les vives solicitations que font continuellement au contraire les scindicques et deputés de ladite pretendue religion demeurantz ordynairement en cour. Par le moyen de quoy, l'avancement de nostre saincte religion et de l'exercice d'icelle est beaucoup retardé, [278] au grand scandalle et prejudice des pauvres convertys de ladite terre de Gex, lesquelz sont tellement estonnés et degouttés, quil est a craindre que plusieurs d'entreux ne soyent contrainctz de regarder en arriere, silz ne sont retenus et confirmés par quelque esperance quil leur naisse de veoir la religion Chatolique favorizee, supportee et avancee audit pays plus qu'elle n'a esté jusques a present.

            A quoy desirant le sieur suppliant pourveoir ainsy quil doibt et le mieulx quil luy sera possible, il luy a semblé que le mellieur et unique remede seroyt de recourir a Voz Reverences, pour obtenir de leur charité que, comme lesdits pays de Beugey, Verromey et Gex sont unis et incorporés a l'Estat et Coronne du royaume, aussy son evesché, pour la part qui est dans l'obeissance de Sa Majesté, fust unie (sic) et incorporé au corps du Clergé de la France et, par ce moyen, rendu participant des faveurs, graces, benefices dont jouissent touttes les aultres personnes, dignités et biens ecclesiasticques.

            C'est pour quoy, estant informé de ceste solennelle assemblee quy se faict pour entendre l'estat et les necessités de tout le Clergé de France, afin d'y apporter les remedes et provisions convenables, il recourt a Voz Reverences, a ce qu'en consideration des choses susdites et en commiseration de tant de pauvres ames, les unes ja converties, les aultres encores captives dans les liens de l'eresie, comme encores au grand interest qu'a toutte la Chrestienté, et particullierement la France, de veoir toutte ladite terre de Gex, qui confine et aboutit aux portes de la ville de Geneve, entierement convertie et reunie a nostre saincte foy et religion Chatolique, il vous plaise, mes Seigneurs, declayrer et ordonner que ledit evesché de Geneve, pour toutte la part qui est [279] dans les terres de l'obeissance du Roy, sera par cy appres et des a present unie et incorporé au corps general dudit Clergé de la France, et que, en telle quallité, ledit evesché, pour ladite part, jouira des ores des privileges et immunités dont jouit le reste dudit Clergé. En ce faisant, que les seigneurs scindicz et procureurs generaulx dudit Clergé, qui sont et seront cy appres deputés pour demeurer en court pour traitter avec Sa Majesté les affaires dudit Clergé sellon les occurrences, seront tenus de prendre en main les memoyres, requestes et aultres poursuittes quy leur seront addressés par le sieur suppliant, pour en obtenir les provisions necessaires, soit de Sa Majesté, ou du corps mesmes dudit Clergé.

            Et le sieur suppliant, avec tout sont (sic) Clergé et tant d'ames qui implorent et attendent se (sic) secours de voz charités, seront tant plus obligés de prier Dieu, comme il faict continuellement, pour la santé et prosperité de voz, mes Seigneurs, en general et en particulier, et pour l'avancement de nostre saincte foy et religion Chatolique, Apostolique, Romaine.

 

Revu sur l'original conservé à la Visitation d'Annecy. [280]

 

XI. Mémoire adressé aux mêmes (Minute inédite). Péripéties du bailliage de Gex au cours de soixante-dix ans. — La guerre l'a privé du culte catholique ; le traité de paix doit le lui rendre. — Trois paroisses rétablies depuis quatre ans ; les habitants de quatre autres ont demandé l'exercice de la vraie religion, toujours différé cependant, malgré l'autorisation du Roi. — Les revenus ecclésiastiques affectés à l'entretien des adversaires de l'Eglise. — Une saisie et un procès.

 

Juillet-août 1605.

 

MEMOIRE DE L'ESTAT DES AFFAIRES ECCLESIASTIQUES DE GEX, SUR LEQUEL ON PEUT JUSTEMENT SUPPLIER SA MAJESTÉ DE RENDRE L'EGLISE JOUISSANTE DU BENEFICE DES EDITZ DE PACIFICATION EN CE QUI REGARDE LE RESTABLISSEMENT DE L'EXERCICE CATHOLIQUE ET RESTITUTION DES BIENS ECCLESIASTIQUES.

 

            Il y a septant' ans justement, que les Bernois occuperent le balliage de Gex, et tout aussi tost ilz chasserent les ecclesiastiques et exterminerent l'exercice catholique. Despuys, ilz rendirent ledit balliage au Serenissime seigneur Duc de Savoye Emmanuel Philibert, il y a environ 40 ans, par traitté fait avec luy, par lequel, entr'autres conditions, il fut arresté que l'exercice huguenot y seroit entretenu; lequel traitté fut rompu, il y a seize ans, par les mesmes Bernois qui, au prejudice d'iceluy et contre leurs promesses, se saysirent de laditte baronnie pour la seconde fois, les armes au poing. Mays ilz n'en demeurerent maistres que pour peu, parce que le Serenissime seigneur Duc de Savoye la reprit avec vive force tout incontinent apres, et l'ayant ainsy reprise, ne se treuvant plus engagé dans l'obligation des conditions precedentes, il restablit par tout les eglises et l'exercice catholique. [281]

            De quelque tems apres, ceux de Geneve, appuyés des forces du Roy, se saysirent du mesme balliage et renverserait tout ce qui y estoit de catholique. Et en cest estat demeura ledit balliage jusques a la paix de Lyon, par laquelle il fut laissé a Sa Majesté pour une partie de l'eschange du marquisat de Saluces ; et par ce moyen a esté ledit balliage uni et incorporé a la Couronne et au royaume. Dont on peut tirer ces conclusions:

            Que servant d'une partie de l'eschange du marquisat de Saluces, le Clergé y doit avoir les privileges et jouissances qu'il avoit au marquisat; que les Serenissimes seigneurs Ducs de Savoye y ayant remis par tout l'exercice catholique, lequel n'en a point esté osté que par la guerre, il y doit estre restabli par les articles de paix qui reduisent toutes choses a l'estat auquel elles estoyent avant les guerres. Et si bien les Bernois en avoyent osté l'exercice, cela n'est pas considerable en cest endroit, d'autant que les articles de paix ne regardent pas leur guerre (de laquelle ilz s'estoyent accommodés auparavant, sans rien excepter, au prejudice de la religion Catholique), mais ont lieu seulement pour la guerre faitte entre les deux Princes qui faisoyent la paix; si que Sa Majesté ayant uni et incorporé ledit balliage au royaume, il n'y a rien qui puisse empescher que les Editz de pacification n'y soyent executés pour ce qui concerne l'exercice catholique et les biens ecclesiastiques.

            En suite dequoy Sa Majesté commit, il y a quattr' ans, monsieur le Baron de Lux, son lieutenant general au gouvernement de Bourgoigne, Bresse, Beugey, Valromey et Gex, pour restablir audit Gex l'exercice catholique, mais seulement en trois lieux: Gex, Asserens et Farges, desquelz lieux les revenuz ecclesiastiques furent assignés pour l'entretenement des curés. Despuys, en quattr' autres parroisses du mesme balliage: Peron, Sessy, Versonnex et Challex, plusieurs habitans demanderent l'exercice catholique par requestes addressees a Sa Majesté, laquelle le leur ouctroya, et renvoya l'execution [282] au seigneur Baron de Lux; laquelle neanmoins n'a pas esté faitte, et ainsy tous les revenuz ecclesiastiques des cures, si ce n'est de ces trois premieres, sont appliqués a l'entretenement des adversaires de l'Eglise, et outre cela, encor prennent ilz des portions sur les prieurés et autres benefïces dudit balliage. Dequoy non contente l'audace d'iceux, ilz ont despuys peu fait saysir les revenuz ecclesiastiques de Gex et Asserens appliqués aux gens d'Eglise, pour suppleer certaines pensions qu'ilz estiment n'estre pas asses grasses; dequoy s'ensuyt un proces entre l'Evesque de Geneve et eux par devant la cour de Bourgoigne.

            On peut donques justement desirer, demander et solliciter que les biens ecclesiastiques soyent remis aux gens d'Eglise, et l'exercice catholique restabli par tout ou il se treuvera des personnes qui en supplieront.

 

Revu sur le texte inséré dans le Ier et le IId Procès de Canonisation. [283]

 

 

 

XII. Requête au Roi de France, Louis XIII. Les commissaires royaux au pays de Gex pour l'exécution de l'Edit de Nantes. — Oppositions des réformés et voyage infructueux de l'Evêque. — Deux autres délégués remettent celui-ci en possession des églises et des revenus ecclésiastiques du bailliage. — Une requête à laquelle ils n'ont pas fait droit. — Renvoyé au Roi pour ce qui regarde les biens de l'évêché et du Chapitre, injustement usurpés par Genève, saint François de Sales expose ses raisons et demande qu'ils soient rendus à leurs propriétaires légitimes.

 

Annecy, août-septembre 1612.

 

AU ROY ET MESSEIGNEURS DE SON CONSEIL.

 

                        Sire,

            Le sieur de Sales, Evesque et Prince de Geneve, remonstre tres humblement a Vostre Majesté, que sur la deputation des commissaires par tout vostre royaume pour l'execution de l'Edit de Nantes, iceux estans au balliage de Gex, ledit suppliant, au mois de decembre 1611, se pourveut par devant eux pour estre reintegré en la possession de toutes ses eglises, cimetieres, maysons presbiterales, revenuz et domaines ecclesiastiques; ou ceux de la religion pretendue reformee formerent tant d'oppositions, que son voyage fut infructueux pour la Catholique, et furent contraintz les ditz commissaires ordonner que des dittes oppositions et remonstrances rapport en seroit fait en vostre Conseil, pour y pourvoir selon vostre bon playsir. [284]

            Et lesditz sieurs commissaires ayans esté ouys en vostre Conseil, sans avoir esgard aux oppositions formees par ceux de laditte religion pretendue reformee, par Arrest du mois de may dernier, auries commis les sieurs Milletot, conseiller en vostre Parlement de Dijon, et de Brosses, lieutenant civil et criminel de vostre dit balliage, pour l'execution dudit Edit; les-quelz, reellement et actuellement, auroyent remis tous les ecclesiastiques dudit balliage en la possession de leurs eglises, revenuz et domaines ecclesiastiques.

            Mays pour le regard du suppliant en son particulier, et du Chapitre de son Eglise cathedrale [et] de Saint Victor, sur la demande qu'il auroit faitte pour estre reintegré en la possession des domaines ecclesiastiques usurpés par la ville et cité de Geneve en ce qui est dans la souveraineté de Vostre Majesté, et a cest effect ayant presenté requeste ausditz sieurs Milletot et de Brosses, commissaires, au lieu de luy faire droit conformement a vos Editz et commission particuliere a cest effect a eux decernee, neanmoins ilz ont renvoyé ledit suppliant par devers Vostre Majesté pour luy estre pourveu. [285]

            A ces causes, Sire, [on remontre] que ledit suppliant ne doit estre de pire condition que tous les autres ecclesiastiques de vostre royaume, duquel il a l'honneur d'estre l'un des Prelatz et en cette qualité luy a fait le serment de fidelité; et attendu qu'il ne possede autre domaine en tout vostre royaume que ce qui luy est usurpé par lesditz de Geneve, joint que, injustement, ilz luy detiennent presque tout le surplus de ses revenuz qui sont dans l'Estat et territoire dudit Geneve, et que dudit renvoy il vous appert par les pieces cy attachees: il playse a Vostre Majesté ordonner qu'il sera reintegré et restabli, tant en [son] particulier que dudit Chapitre de son Eglise cathedrale, et du Chapitre de Saint Victor et des autres ecclesiastiques, en la reelle possession et jouissance des eglises, maysons presbiterales, biens et revenuz ecclesiastiques occupés par laditte ville et cité de Geneve, dans la souveraineté de Vostre Majesté; avec defenses a tous detenteurs et occupateurs de ne le troubler ni molester, a peyne d'estre declarés perturbateurs du repos publiq. [286]

            Et le suppliant continuera de prier Dieu pour la prosperité et santé de Vostre Majesté.

G. RUOLLÉ.

            Soit la presente Requeste communicquee au Sr Anjorant, scindic de la Seigneurie de Geneve, et les parties ouyes pardevant les Sre de Vie et Le Mazuier; et soit signiffié.

            Faict au Conseil d'Estat du Roy tenu a Paris, le XVIIe jour de novembre 1612.

Signé: DE FLECELLES. [287]

 

XIII. Requête a Monseigneur André Frémyot, Archevêque de Bourges (Minute). Réclamation de mandats pour le payement d'une pension assignée au curé de Gex.

 

[Vers la fin de 1612.]

 

            Monseigneur l'Archevesque de Bourges avoit ordonné a ses fermiers du doyenné de Gex quilz eussent a payer cent escus de pension annuelle au curé de Gex, pendant [288] que ledit doyenné seroit entre leurs mains. Lesdits fermiers n'ont payé qu'une partie de ladite pension, et le reste leur est demeuré entre les mains. On ne le peut retirer qu'en vertu des accensemens et mandatz de mondit seigneur de Bourges.

            Qui fait recourir a luy et le supplier tres humblement quil luy playse faire deslivrer les ditz accensemens et mandatz au curé, affin quil puisse exiger lesdites (sic) restes [d'Jargent pour les employer a la reparation des bastimens ecclesiastiques; a quoy les revenuz presens dudit doyenné, entierement remis audit curé par la charité de mondit seigneur, avec quelques autres aumosnes donnees a cett'intention, ne peuvent nullement suffire.

 

Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Turin. [289]

 

XIV. Ordonnances pour le service divin a Gex et dans les autres paroisses du bailliage

 

Annecy, 20 novembre 1613

 

            L'ordre appreuvé sera suivi des le jour de Noël prochain inclusivement, et les sommes mentionnees s'entendent monnoye a la course presente de Gex.

 

 

 

            Soit, attendant mieux.

 

 

 

            Le droit sera observé pour ce regard, et par consequent la residence observee d'autant plus estroittement que le lieu [la] requiert plus entiere; et les contrevenans [290] estans deferés, seront punis de la privation proposee.

 

 

 

            Quant aux heures de la celebration, Nous ordonnons selon l'article proposé; et pour le regard des Messes chantees, surseance, sauf a Gex, ou il y a des bons chantres.

 

 

 

            Sauf a Gex, dont il y a article a part.

 

 

            Appreuvé, sauf de suivre les rubriques du Messel nouveau pour le regard du tems que la troysiesme chandelle doit estre allumee,

 

 

 

            Appreuvé. [291]

            Appreuvé, sauf pour le regard de la pension des deux assistans, qui continueront a deux centz livres pour un chacun, attendant que l'œconomie soit deschargee de la multitude des frais qu'il luy convient supporter maintenant.

 

 

 

 

            Appreuvé.

 

 

 

 

            Appreuvé.

 

 

 

 

            Attendu que pour le present il n'y a pas de tumbes et sepultures de memoire d'homme dans le ci-metiere, on fera un respons devant le maistre autel; et pour le reste, appreuvé. [292]

 

 

            Appreuvé.

 

 

 

 

            Appreuvé.

 

 

 

            Appreuvé.

 

 

 

            Seront suivies les rubriques du Messel et du Rituel.

 

 

 

            Appreuvé.

 

 

 

            Appreuvé, sauf que les Dimanches et testes communes il suffira de deux cierges sur l'autel; les festes solemnelles secundae classis et aux testes solemnelles primae classis, six. [293]

 

 

 

            Appreuvé.

 

 

 

            Le venerable sacristain fournira le luminaire convenable, et tiendra conte des frais qu'il fera pour ce regard, luy estant neanmoins donné par avance ce qui sera jugé necessaire; et se prendra [sur] l'œconomie generale, a laquelle sera contribué de la pension de Bonmont ce qui sera jugé raysonnable. Et pour le reste, appreuvé. [294]

 

 

 

            Le maistre d'escole se pourra contenter de huit centz florins, et sera deschargé de la sonnerie qui ne luy pourroit estre que de grande distraction; et ladite sonnerie se fera par le sieur curé.

 

 

 

            Appreuvé. [295]

 

 

 

            Appreuvé.

 

 

 

 

            Appreuvé.

 

 

 

 

            Appreuvé.

 

 

 

 

            Appreuvé. [296]

 

 

 

 

            Appreuvé, sauf que, pour le regard des chapelles de nomination, sera affigé a la porte de l'eglise le decret de la future privation des patrons.

 

 

 

 

 

 

            Appreuvé.

 

 

 

 

 

 

 

            Appreuvé. [297]

 

 

 

            Appreuvé.

 

 

 

 

            Sera traitté plus a plein sur cest article important, et ce pendant le sieur Œconome prendra l'advis du Superieur des Peres Capucins; et pour le reste, est remis a sa prudence de faire selon les occurrences.

 

 

 

            Appreuvé, pourveu qu'il soit catholique, s'il s'en treuve de capables qui veuillent accepter ladite charge.

 

 

 

ORDRE POUR LE SERVICE DIVIN

DU BALLIAGE DE GEX, ESTABLY

PAR MONSEIGNEUR LE REVERENDISSIME EVESQUE ET PRINCE DE GENEVE.

 

            1. Les lieux parroisseaux ou se fera le service divin seront, a cause de la paucité des Catholiques, pour le present seulement les huict suyvantz: Gex, Farges, Peron, Chalex, Sessiez, Divone, Thoiry et Sacconex; et, avec le tems, les quattr'autres.

            2. Tous les curés feront residence au lieu ou ilz seront institués, et ne les pourront abandonner sans licence de l'Ordinaire, sous peyne d'estre privés de leurs portions a proportion [290] de leurs absences; et continuant, seront deposés.

            3. Seront tenus celebrer la sainte Messe a huict heures, attendant neufz, les Dimanches et testes de commandement, devotion; et les autres jours, selon leur devotion et necessité de leurs parroissiens. Et ceux qui auront des vicaires deserviront les annexées a sept heures, les Dimanches et testes, par eux ou leurs vicaires, affin que tous deux assistent aux Grandes Messes au lieu de leur residence.

            4. Seront tenus faire sonner les Messes et l'Ave Maria a tems deu; fournir vin, hosties et luminaires a leur propre coust et despens.

            5. Ne celebreront qu'il n'y ait deux chandelles de cire, honnestes et decentes, et une troisiesme pour l'Elevation jusques appres la Communion, et les testes solennelles quattre.

            6. Auront une petite clochette pour sonner a l’Elevation ; feront le cathechisme toutes les Dimanches.

            7. Le curé de Gex, qui tient le premier lieu de tout le balliage pour la decoration du service divin, observera ce qui s'ensuit: [291]

            8. Sera tenu d'avoir un vicaire a ses propres coustz et despens; mais parce que celuy d'aujourduy a tous-jours fidellement et avec prou peyne servy aux faitz de nostre religion, luy sera assisté par les deux prestres institués, avec la pension de six centz florins, le tems qu'il jouyra de sa cure.

            9. Tous les jours se celebreront deux Messes basses en son eglise: la premiere a l'aube, la seconde a huit, attendant neufz.

            10. Les Dimanches et festes de commandement, la seconde Messe se celebrera a haute voix, et les festes solennelles: Pasques, Penchecoste, Ascension, Feste Dieu, Saint Pierre aux liens, Assomption et quattre festes de Nostre Dame, Noel et la Dedicace, sera avec le diacre et sousdiacre, quand commodement faire se pourra, et autres principales.

 

 

            11. Toutes les Dimanches se fera la procession des mortz, l'eau beniste et la predication au milieu de la Messe. [292]

            12. Les Laudes se chanteront aux testes solennelles cy dessus nommées.

            13. La Feste Dieu et durant l'octave, None a midy, et Complies appres soupée; et Complies se diront les jours du Caresme. Complies se chanteront tous les sammedis, veilles des festes qu'on celebre; et les jours des dites festes et Dimanches, Vespres sans Complies.

            14. Les Gaudés, les sammedis au soir.

            15. Les processions: la Feste Dieu, tres solennellement, les Rogations et autres coustumieres, et extraordinaires selon les occasions et necessité des tems.

            16. La Semaine Sainte se fera la procession des Rameaux, se chanteront Matines les trois jours, et autres ceremonies, selon les rubriques et coustumes de l'Esglise.

            17. La lampe sera allumée continuellement, fors durant qu'il y aura autre luminaire. Les Dimanches et festes communes, a la Grande Messe, quattre chandelles, et a Vespres deux; les festes solennelles, six [293] par tout, et deux a l'Elevation. A la prodession de la Feste Dieu, six flambeaux d'une livre l'un, et a Pasques, le cierge paschal de quattre livres.

            18. Le cathechisme se fera toutes les Dimanches appres Vespres.

            19. A toutes ces charges sera tenu le curé de Gex, comme aussy au vin, hosties et autres ordinaires; et percevra les fruitz de la cure et doyenné, fors le cinq pour cent des biens desdites cure et doyenné aliénés. Et parce qu'il y a charges extraordinaires, tant a cause des PP. Capucins qui celebrent a ladite esglise, et autres passantz, et que ledit sieur curé est œconome, Monseigneur le declaire exempt du luminaire, vin, hosties, et depute monsieur Jaquin pour avoir charge de cela et de la sacristie; et a ces fins luy est decerné cent francs a trois florins piece, a prendre sur la pension de Bomont. [294]

            20. Sera aussy audit lieu de Gex estably un maistre d'escoie, avec neuf centz florins de gage ; apprendra a lire et escrire aux enfans, et les rudimens ; nourrira et apprendra a chanter a deux enfans telz quilz luy seront donnés par Monseigneur, et assistera a chanter les Offices divins et sonner l'Ave Maria et les Messes parrochiales.

            21. Le curé de Farges tiendra un vicaire capable qui fasse quelques exhortations, et de bonne vie, deservira les cures de Farges et de Peron, et percevra les revenus d'Asseran et de Peron, fors les cinq pour cent. [295]

            22. Le curé de Thoiry deservira audit lieu, et prendra par les mains de l'oeconome sept centz florins, outre ce peu de terrage qui est annexé a l'esglise, a condition toutesfois qu'il restablira la maison de la cure.

            23. Le curé de Chalex deservira audit lieu, et prendra par les mains de l'oeconome la somme de six centz florins.

            24. Les curés de Sessiez et Divone deserviront ausditz lieux et percevront les pensions ordinaires deües par Messieurs les Religieux de Saint Claude.

            25. Le curé de Sacconay deservira audit lieu, et prendra par les mains de l'oeconome la somme de douze centz florins, demeurant tout le terrage, rente et revenu de ladite cure et chapelles unis a l'œconomie, fors son jardin. Sera tenu faire ferme residence. [296]

 

Pour les Chapelles

            26. Les chapelles rentées seront deservies par les institués (celles qui seront en estre); les ruinées qui seront de la nomination d'autruy, seront restablies du revenu dans dix ans, a faute dequoy seront les patrons descheuz de leurs droitz et lesditz revenus annexés a rœconomie, comm' aussy tout revenu dependant des chapelles qui ne seront d'aucune nomination.

            27. Ne sera permis a aucun d'avoir chapelle ou eriger autel sil ne l'a renté ou doté.

 

Œconomie

            28. Le sieur Dunant, curé de Gex, est declairé œconome par Arrest du Roy en son privé Conseil, entre les mains duquel seront reduitz tous les biens ecclesiastiques dependantz de l'authorité de Monseigneur de Geneve, fors l'es nommés cy dessus.

            29. Payera les pensionnaires et curés establis, ou leur delivrera [297] mandat, sans qu'il soit permis a aucun d'iceux de se faire paier par autres voyes sans son sceu, sous peine de perdre autant de leur pension qu'ilz en auront perceu. Et pour sa...

 

Conseil

            30. Pour les choses ardues et difficiles, le sieur Œconome prendra l'advis des curés de Farges et Sacconnay, et monsieur Jaquin, du Superieur des Capucins; et pour les seculiers, de monsieur le baillif, monsieur de Siccard et monsieur de la Bastie.

 

Procureur de l'Œconome et solliciteur

            Sera institué un personnage pour agent et solliciteur des affaires de l'œconomie, avec les gages de trois centz florins, a condition qu'il ne retirera rien des contratz faitz au proffit des l'œconomie, luy estant permis de retirer des autres.

 

            Le sieur Œconome, outre les charges sus escrittes, [298] fournira bled et vin aux Reverens Peres Capucins selon leur necessité, et luy sera alloué sur les comptes.

            Fait Annessi, le XX novembre 1613.

FRANÇS, E. de Geneve.

 

Revu sur une copie faite par M. Michel Favre,

conservée à la Visitation d'Annecy.

 

 

 

XV. Mandat a Monsieur Claude Jacquin pour le payement d'une somme (Inédit)

 

Annecy, 30 octobre 1617.

 

                        Monsieur Jaquin,

            Vous delivreres a M. Poncet, curé de Sessi, la somme de cent florins pour l'annee mille six cens et seze; et rapportant quitance d'iceluy, vous sera par Nous alloüee.

            Annessi, le XXX octobre 1617.

FRANÇS, E. de Geneve.

 

Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy. [299]

 

 

XVI. Délégation de M. Claude de Nambride, curé de divonne a l'administration d'une partie des biens ecclésiastiques du bailliage de Gex (Inédite)

 

Annecy, 17 décembre 1621.

 

            FRANÇOIS DE SALES, par la grace de Dieu et du Saint Siege Apostolique Evesque et Prince de Geneve.

            Nous commettons par ces presentes venerable messire Claude de Nambruide, curé de Divone, a l'administration et œconomie des biens ecclesiastiques du balliage de Gex non appliqués ny assignés aux eglises de Farges, Gex, Thoyri, Grilly, Chalex, Versoix, Divone, mais destinés aux autres eglises qui, pour le present, ne sont encor pourveues de pasteurs, a fin que [ledit messire Claude de Nambruide] en donne les admodiations et fermes ainsy qu'il vera a faire; puis retire, exige et distribue les revenus procedenz desdites fermes, selon qu'il sera requis, ainsy qu'il est porté par l'ordre estably du jour d'hyer, et autrement selon les mandaz qui luy seront faitz de nostre part: le [tout nean]tmoins en l'assistance et avec l'advis de venerable messire [300]  [Claude] Jacquin, curé de Grilly. Luy assignons pour gage et l'entretenement de son cheval la somme de trois centz florins annuelz, monnoye de ce païs la.

            Fait a Annessi, le dix septieme decembre mil six centz et vint un.

FRANÇS, Evesque de Geneve.

M. FAVRE.

 

Revu sur l'original conservé à la Visitation de Montélimar. [301]

 

C) Mémoire pour la conversion des hérétiques et leur réunion a l'Eglise (Minute). Prédication que fit l'Evêque de Genève à Sion ; réflexion d'un auditeur. — Comment ramener à la foi les provinces où ne peuvent pénétrer les prêtres, où l'hérésie devient raison d'Etat. — Lutter contre le mal avant qu'il soit incurable. — François de Sales propose une ligue pacifique entre les princes catholiques et en montre les avantages. — Afin de la réaliser, convoquer des conciles nationaux, non pour argumenter sur les questions de controverse, mais pour discuter les moyens de conversion. — Rôle du Saint-Siège. — Conduite à tenir avec les ministres. — Tenter au moins cette entreprise en Suisse. — Par quels moyens surtout obtenir cette union.

 

Annecy, vers la fin de 1615.

 

            Essendo l'anno passato nel paese de' Valesani con occasione della consecratione di Monsignore Vescovo et Principe di Sion (Sedunensis), et havendo io fatto la predica solenne per ordine di quelli Reverendissimi che ivi fecero l'Officio et trattato della successione Apostolica nella santa Chiesa, con essortare il popolo (del quale parte è heretica, ma che ivi in quel concorso venne per [302] curiosità) all' amore della santità, unità et successione della santa Chiesa, alcuni si sentirono commossi, et uno fra gli altri venne da me.

            Et al ritorno, essendo egli deputato dal paese, accompagnò Monsignore Arcivescovo di Vienna, Consecratore, et me, che ritornavamo in queste bande, sino alla estremità del Stato de' Valesani. Et per la strada, quasi sempre parlò meco, et fra le altre cose mi disse: «Signore, voi havete fatto cosa che da moltissimi anni in qua non s'era fatta nella città di Sione, perchè non fu mai permesso alli predicatori catholici de trattar cosa veruna delle controversie in pulpito. Ma la festa et la qualità vostra ha fatto pigliar in buona parte il vostro sermone, et credo che sarà utile a molti Catholici che restaranno molto confìrmati. Ma voi havete essortati gl' altri a riunirsi al grembo della Chiesa: questo è buono per i particolari. Et fra tante delle città et repubbliche intiere nelle quali non è lecito a predicatori catholici di predicare, nè stare, nè parlare, che rimedio [303] vi è di riunirle alla fede? Perchè horamai, fra noi altri Sguizzeri, et in tutta la Germania et in molti luoghi di Francia, ci sono città intiere heretiche et l'heresia passa in ragion di Stato, nè si vede neanco un tantino di speranza della conversione loro; et le cose passano tanto inanzi, che gli heretici non hanno più disturbo nessuno et sono senza rimedio.»

            Queste parole entrorno nello cuor mio et mai è stato possibile di cavarle del mio pensiero; et in somma mi venne questo concetto: È vero che se si lasciano così quelli Sguizzeri di Zurich, Basilea, Berna et altri cantoni (et l'istesso si può dire della Inghilterra et altri paesi loro), mais si convertiranno; anzi, giungendo la loro religione al Stato, stabiliranno l'una nell' altro. Et come ab assuetis non fit passio, cosi con la vechiaia quella heresia ultra quidem non proficiet, ma quello eh' importa, ultra etiam non deficiet, ma starà in quelle nobilissime parti della Europa come una paralisia incurabile. Hora, che rimedio? [304]

            Io ho considerato molte cose, et non ho trovato se non questo: Che il Santissimo nostro Padre et Signore, o vero la Santa Sede Apostolica, muovesse tutti li Principi catholici et tutte le Repubbliche, non già alle armi esteriori, ma alle interiori; cioè, a proporre la riunione delli heretici alla santa Chiesa, et che questa propositione si facesse nell' istesso tempo da tutti et con argomenti solidi et speciosi del ben publico del Christianesimo, il quale per mezzo della divisione è molto indebolito, et per mezzo della unione sarebbe molto fortificato contra il Turco et altri. Et cosi, procurare una lega et crociata fra li Catholici, non già per correre alle armi, come ho detto, ma per concorrere in questo zelo di sollecitare detta unione.

            Resta da proporre il modo di far l'unione et la via di incaminarla, et mi è parso questo seguente sarebbe utilissimo:

            1. Che li Principi procurassero un concilio nationale, cioè uno in Francia et uno in Allemagna ad hunc effectum tantum, et che con ogni sforzo possibile procurassero che in quello si trovassero deputati da [305] Principi et Repubbliche heretiche, per sentir le propositioni che si farebbono per la unione, et non per disputare o argomentare, ma solo per conferire del modo della reunione.

            2. Et in questi concilii non vi fosse l'authorità Apostolica antecedente, ma solamente consequente; cioè,

che non si facessero a nome della Santa Sede, per non impegnarla, ma solamente che i concilii promettessero ratihabitione delle risolutioni che si pigliarebbero.

            3. Et acciò questa ratihabitione si potesse sicuramente promettere, sarebbe necessario che la Santa Sede fosse di quando in quando avvertita delle propositioni, et sempre in procinto di rispondere presto; o vero, che inanzi si havessero memoriali de agendis.

            4. Si potrebbe poi sommamente facilitare la reunione alla santa Chiesa, lasciando li beni ecclesiastici o tutti o in buona parte a quelli che li occupano, et contentandosi che da quelli fosse ministrato il vitto et vestito alli sacerdoti che s'introdurrebbono. Item, o vero lasciando la nominatione de' benefìcii, o maggiori o di tutti, alli [306] Principi et Repubbliche, in quel modo che al Re di Francia si lascia quella de beneficii maggiori. Nè in questo pare che debba esser maggior pericolo di mala consequentia che in quel che si usa in Francia.

            5. Che a ministri heretici si promettesse l'istessa mercede che hanno per le loro famiglie, anzi più commodità temporali; chè in vero, la maggior parte, per quello poco pane stanno nell' heresia. Et quanto a ministri apostati, che si dispensasse con loro nel voto della continentia, massime dove havessero prole, senza però ammetterli più all' essecutione dell' Ordini loro, nè all'habito clericale. Et simili altre tante propositioni che levassero gl' ostacoli.

            6. Et se per sorte paresse che i concilii nationali non fossero a proposito, potrebbono i Principi convocare solamente alcuni Prelati et huomini di senno per trattare et proporre su tutto questo santo negotio. Nè bisognarebbe in modo veruno argomentare, ma solamente proporre li espedienti, in modo che vedessero tutti che, salva la fede catholica, la santa Chiesa è apparecchiata [307] di spargere l'entrate et altre cose che saranno a proposito per far questa riunione.

            Et quando mai questo rimedio non fosse per operar altro che la commotione di quelli cervelli, et fosse come una citatione per impedire la prescriptione del possesso che hanno gl'heretici di non esser chiamati et intimati a resipiscentia, non sarebbe poco l'utile che ne riuscirebbe.

            7. Ma se non si trovasse a proposito di fare questa impresa per tutti li paesi scommunicati et divisi o separati dalla santa Chiesa, sarebbe almanco conveniente di farla per Sguizzeri heretici; il che si potrebbe fare adoperando l'authorità di Spagna, dell' Imperatore, del Re di Francia, del Serenissimo Duca di Savoya, lor vicino, et l'opra et industria delli cantoni catholici et anco de' Valesani. Et se fosse bisogno spargere un poco di denari, si potrebbe fare con un poco di decima da pigliarsi sopra li beneficii opulenti.

            8. Et quanto a Geneva, chi volesse stringerli a lasciar almanco libertà di conscientia et stabilire in uno o duoi luoghi l'essercitio et li sermoni catholici, bastarebbe l'authorità et interventione del Serenissimo Duca nostro [308] et delli Sguizzeri catholici, con propositione di lasciarli l'entrate ecclesiastiche, o vero dargliene altre tante, et spargere fra loro un poco di denari. Et ad summum, bastarebbe se a questi duoi s'agiungesse il Re di Francia et che si perseverasse in premer il negotio.

            9. Hora sarebbe forse diffidi cosa unir i cuori de' Principi catholici, che con tante tentationi veggiamo tanto dati in preda alla divisione. Tuttavia, si potrebbe forse impetrar con orationi dal Signore Iddio, et la sacra mano del Beatissimo Padre adoprandosi sinceramente, potrebbe far questo miracolo, si come anticamente si fecero le cruciate et altre imprese belliche et pericolose, questa non essendo se non pacifica et senza pericolo.

            Questi sono i miei pensieri, già che essendo qui appresso tanti heretici et tante Republiche heretiche, non posso impedir l'animo mio di pensar spesso et compatir a tanta desolatione, non solo presente, ma futura, mentre col progresso del tempo si vanno smenticando questi nemici della Chiesa che siano stati anticamente figliuoli di essa, nascendo nelle Repubbliche [309] dove non si tratta della santa Chiesa se non con execratione.

            Mittat nobis Dominus auxilium de sancto et dilatentur a Domino tentoria Israel.

 

Revue sur une copie faite par M. Michel Favre conservée à la Visitation d'Annecy. [310]

 

 

 

            J'étais l'année dernière dans le Valais à l'occasion du sacre de Mgr l'Evêque et Prince de Sion (Sedunensis). Sur l'ordre des Révérendissimes Seigneurs qui firent l'Office, je donnai le sermon solennel, dans lequel je traitai de la succession Apostolique en la sainte Eglise, exhortant la population (en partie hérétique, mais [302] elle vint à cette assemblée par curiosité) à l'amour de sa sainteté, unité et succession. Plusieurs se sentirent touchés et l'un d'entre eux vint conférer avec moi.

            A mon départ, ayant été député par la ville, il accompagna jusqu'aux frontières de l'Etat du Valais Mgr l'Archevêque de Vienne, Prélat consécrateur, et moi, qui revenions dans ce pays. Pendant le voyage il parla presque toujours avec moi et me dit entre autres choses: «Monsieur, vous avez fait ce qui ne s'était pas fait dans la ville de Sion depuis bien des années; car il n'a jamais été permis aux prédicateurs catholiques de traiter en chaire d'aucune matière de controverse. Toutefois, la solennité et votre qualité ont fait prendre en bonne part votre sermon, et je crois qu'il sera profitable à beaucoup de catholiques qui en demeureront bien affermis. Mais vous avez exhorté les autres à rentrer dans le sein de l'Eglise: cela est bon pour les particuliers. Et pour les villes, si nombreuses, pour les républiques entières, où il n'est pas permis aux prédicateurs catholiques de se faire entendre, ni de demeurer et parler, [303] quel moyen de les ramener à la foi? Car désormais, chez nous autres Suisses et en toute l'Allemagne, voire même dans plusieurs parties de la France, des villes entières sont hérétiques et l'hérésie passe en raison d'Etat; on ne voit pas le moindre espoir de leur conversion; les choses vont même si avant, que les hérétiques ne sont pas inquiétés le moins du monde, et c'est sans remède.»

            Ces paroles pénétrèrent tellement mon cœur qu'il ne m'a jamais été possible de me les ôter de l'esprit, et en somme, voici la pensée qui m'est venue: Il est vrai que si on laisse ainsi les Suisses de Zurich, Bâle, Berne et autres cantons (on peut en dire tout autant de l'Angleterre et des autres pays hérétiques), jamais ils ne se convertiront; au contraire, leur religion parvenant à l'Etat, ils établiront l'une dans l'autre. Et comme «on ne se passionne pas pour les choses devenues familières,» ainsi, en vieillissant, cette hérésie à la vérité, ne fera pas plus de progrès, mais, ce qui importe, elle ne diminuera pas non plus et demeurera comme une paralysie incurable dans ces très nobles parties de l'Europe. Or, quel sera le remède? [304]

            J'ai pensé à beaucoup de choses, et je n'ai trouvé que ce seul moyen: Il faudrait que notre Très Saint Père et Seigneur, ou le Saint-Siège Apostolique, engageât tous les princes catholiques et toutes les républiques non pas à prendre les armes extérieures, mais les intérieures; c'est-à-dire, à proposer la réunion des hérétiques à la sainte Eglise. Cette proposition devrait se faire simultanément par tous, avec des arguments solides et clairs prouvant l'avantage public qui en reviendrait à la Chrétienté, très affaiblie par la division, et qui, par l'union, serait grandement fortifiée contre les Turcs et autres. On tâcherait ainsi de former une ligue ou croisade entre les catholiques, non point, comme je l'ai dit, pour courir aux armes, mais pour concourir dans le zèle à solliciter cette union.

            Reste à proposer le moyen de la conclure et la voie à prendre pour la préparer; le suivant me paraîtrait très utile:

            Premièrement: les princes devraient convoquer pour ce seul but un concile national, c'est-à-dire, un en France et un en Allemagne, et tâcher, par tous les efforts possibles, d'y faire intervenir [305] quelques délégués des princes et des républiques hérétiques, pour qu'ils puissent ouïr les propositions relatives à cette union, non point pour disputer ou argumenter, mais seulement pour conférer sur la façon de la ménager.

            2. Dans ces conciles, il ne faudrait pas l'autorité Apostolique antécédente, mais seulement conséquente; c'est-à-dire, pour ne pas engager le Saint-Siège, ils ne devraient pas se tenir en son nom, mais ils devraient promettre la ratification des résolutions prises.

            3. Afin que cette ratification pût sûrement se promettre, il serait nécessaire que le Saint-Siège fût averti de temps en temps des diverses propositions et qu'il se tînt toujours en mesure de répondre promptement; ou bien, qu'on eût auparavant des mémoires des choses qui doivent être traitées.

            4. Ensuite, on pourrait beaucoup faciliter la réunion à la sainte Eglise en abandonnant tous les biens ecclésiastiques, ou du moins une bonne partie, à ceux qui les détiennent, se bornant à leur demander le vivre et le vêtement pour les prêtres qu'on y introduira. Item, ou encore, en laissant aux princes et aux républiques la nomination aux bénéfices les plus considérables, voire même à [306] tous, comme on laisse au Roi de France celle des plus importants; et il n'y aurait pas en cela, semble-t-il, plus de danger de mauvaises conséquences qu'en la coutume de France.

            5. Il faudrait promettre aux ministres hérétiques le même traitement qu'ils ont pour leurs familles, et même encore plus de moyens temporels; car, c'est la vérité, la plupart, pour ce morceau de pain, demeurent dans l'hérésie. Quant aux clercs apostats, on les dispenserait de leur vœu de continence, surtout s'ils ont des enfants, sans toutefois jamais plus les admettre aux fonctions de leurs Ordres, ni leur laisser porter l'habit clérical. Et semblables propositions qui écarteraient les obstacles.

            6. Mais si, par hasard, on trouvait que les conciles nationaux ne sont pas à propos, les princes pourraient alors convoquer seulement quelques Prélats et quelques hommes de bon jugement pour traiter de cette sainte affaire en exposant leurs pensées. Cependant, il ne faudrait en aucune façon argumenter, mais seulement proposer les moyens à prendre, afin que tous pussent voir que, la foi catholique sauve, la sainte Eglise est prête à prodiguer pour cette réunion, les revenus et autres choses qui seront jugées nécessaires. [307]

            Et quand même ce remède ne devrait avoir autre résultat que d'ébranler les esprits et d'être comme un moyen d'empêcher les hérétiques d'alléguer le soi-disant droit qu'ils s'attribuent de n'être pas appelés et sommés de venir à résipiscence, l'avantage ne serait pas petit.

            7. Mais si l'on ne jugeait pas à propos de tenter cette entreprise dans tous les pays excommuniés, divisés ou séparés de la sainte Eglise, il conviendrait au moins de le faire pour les Suisses hérétiques, et on pourrait y employer l'autorité de l'Espagne, de l'Empereur, du Roi de France, du sérénissime Duc de Savoie, leur voisin, avec l'action et l'industrie des cantons catholiques, même du Valais. S'il était besoin de distribuer un peu d'argent, cela pourrait se faire au moyen de quelques décimes prélevées sur les bénéfices plus opulents.

            8. Et quant à Genève, pour la contraindre à laisser au moins la liberté de conscience et à laisser établir dans un ou deux endroits l'exercice du culte et les sermons catholiques, il suffirait de [308] l'autorité et de l'intervention de notre sérénissime Duc et des Suisses catholiques; on proposerait aux Genevois de leur abandonner les revenus ecclésiastiques ou de leur en donner tout autant, on leur distribuerait un peu d'argent. Au surplus, il suffirait que le Roi de France se joignît à ces deux autorités et que l'on mît de la persévérance à activer l'affaire.

            9. Peut-être serait-il difficile maintenant d'unir les cœurs des princes catholiques que nous voyons, excités par des tentations si multiples, se livrer en proie à la division. Toutefois, cette grâce pourrait s'obtenir de Dieu notre Seigneur par la prière, et la main sacrée du Saint-Père s'y employant sincèrement, pourrait opérer ce miracle, comme jadis on fit les croisades et autres entreprises belliqueuses et périlleuses, tandis que celle-ci serait toute pacifique et sans péril.

            Voilà mes pensées. Tant d'hérétiques et de républiques hérétiques sont si proches de moi, que mon esprit ne peut se défendre d'y songer souvent et de prendre en pitié une telle désolation, non seulement présente, mais future; puisqu'avec le temps, ces ennemis de l'Eglise oublient d'autant plus qu'ils ont été jadis ses [309] enfants, qu'ils naissent en des pays où l'on ne parle d'elle qu'avec exécration.

            Que le Seigneur nous envoie son secours d'en-haut es que les tentes d'Israël soient élargies par le Seigneur! [310]

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Appendice

 

 

 

 

 

 

 

 

Les notes marginales indiquent la corrélation des pièces de l'Appendice avec le texte de la deuxième Série des Opuscules de saint François de Sales et les volumes de ses Lettres.

 

A) Documents relatifs au Chablais et au voyage de saint François de Sales a Rome

 

 

 

I. Lettre de Charles-Emmanuel Ier, Duc de Savoie, aux Syndics et Bourgeois de Thonon

 

            CHARLES EMANUEL, par la grace de Dieu, Duc de Savoye. A nos bien amez et feaux les Scindiques et bourgeois de nostre ville de Tonon.

            Nous avons appris avec un grand contentement que vous avez ouy les piedicateurs de la parolle de Dieu et de nostre saincte foy Catholique, que vous avez heu continuellement despuis quelques mois. Or, esperant que ceste commodité vous ouvrira le chemin de vostre salut, avec le mesme zele que Nous vous avons procuré ce bien, Nous vous exhortons aussi d'en bien user; et vous en userez bien, si vous prenez garde aux raysons qui vous seront exposees, si vous les pesez esgalement, et si vous proposez les difficultez qui vous surviendront aux predicateurs; car Nous n'avons rien tant a souhait, ny qui Nous soit plus aggreable, que quand Nous entendons que vous proffitez en la saincte Religioa Catholique.

            Ainsy Dieu vous aye en sa garde.

                        [De Turin, vers la fin d'octobre 1596.] [313]

 

 

 

II. Lettre de Mgr Jules-Cesar Riccardi, Archevêque de Bari, Nonce Apostolique a Turin, au Cardinal Pierre Aldobrandini

 

……………………………………………………………………………………………………..

            Il Prevosto di Geneva si è affaticato doi anni continovi per la conversione delli heretici che sono nel Ducato di Ciables in Savoia, et finalmente è piacciuto a Dio benedetto d'illuminar molti di loro, che mostrano ottima dispositione di voler tornare alla fede cattolica ogni volta che siano provisti di curati. È venuto a posta a Torino per trattarne con Sua Altezza et con me, che, per animarlo tanto più, non solamente l'ho voluto in casa mia, ma ho procurato di farli tutte le carezze possibili.

            Il trattar della reintegratione delle parrocchie porta qualche tempo per il raguaglio che bisogna darne a Nostro Signore e per la contradittione de' Cavallieri di San Lazaro; et però, per venire a qualche expediente presentaneo, habbiamo trattato con Sua Altezza che si degni di far dare un stipendio honesto alli curati, il qual da i Cavallieri non si può ricusare, perchè Papa Pio Quarto, santa memoria nella suppressione delle sudette parecchie, aggiunge nella Bolla, che ogni volta che quelli popoli tornassero alla fede cattolica, essi fussero obligati a sostentar i curati. Et perchè le parecchie suppresse furono quaranta cinque, si contenta per adesso il Prevosto che se ne eriggano dodeci, et si mandino insieme quattro o sei predicatori, con l'opera de' quali si possano tanto più instruire quelli che tornaranno alla fede cattolica.

            Sua Altezza ha sentito gran contento di questa buona speranza che ha portato il Prevosto, et ha promesso in ogni modo di voler che queste parecchie si eriggano, se ben dovesse sostentarle del suo. Ma perchè le essecucioni vanno molto in lungo, essendo medesimamente risoluto il Signor Duca di voler intendere li Cavallieri di [314] San Lazaro, mi è parso di supplicar V. S. Illma che si degni di scrivere una lettera efficace a Sua Altezza, o vero a me che si possa mostrare, nella quale laudi il suo zelo come conviene, et l'essorti efficacemente in nome di Sua Santità ad esseguirlo quanto prima, perchè dove si tratta di conversione di heretici ogni dilatione può portare grandissimo nocumento.

            Il medesimo Prevosto mi ha ricercato che io supplichi Nostro Signore, per mezo di V. S. Illma, a degnarsi di mantenere il privilegio antico che tiene il Capitolo di Geneva, che nessun canonicato o dignità si possa dare a persone che non siano nobili, o vero dottori et graduati.

            Et le baccio humilissimamente le mani.

            Di V. S. Illma et Revma,

                        Humilissimo et divotissimo servitore,

                                               G. CESARE, Arcivescovo di Bari.

            Di Torino, a' 28 di Ottobre 1596.

 

Revu sur l'original inédit, conservé à Rome, Archives Vaticanes

(Nunz. di Savoia, vol. 33, fol. 659). [315]

 

III. Mémoire du Père Chérubin de Maurienne, Capucin

 

Memoires a Monsieur le Prevost de Geneve pour traitter tant avec Sa Saincteté qu'avec Monsr l'Illme Nonce a Turin et les Illustrisses Cardinaux a Rome.

 

 

 

Qu'il importe sur tout abattre Geneve - Chapitre 1

 

            En surmontant une seule ville de Geneve, on donnera un esbranlement estrange à tout le reste de l'heresie en l'Europe, car elle est jugée sedes Sathanæ. Et faut sçavoir plusieurs poinctz, comme ceste ville seule advance l'heresie per universum orbem.

            1° Geneve est caput calvinismi, nam in ea Calvinus et Beza sedem domicilii elegerunt.

            2° Toutes les eglises de France, ez poincts de doctrine, se rapportent aux ministres de Geneve, comme aussy en plusieurs autres choses de la police.

            3° Toutes les villes des heretiques la respectent comme azile de leur religion et ville saincte. Ceste année vint un homme de Languedoc pour visiter Geneve, comme feroit un Catholique Rome.

            4° II n'y a aucune ville en l'Europe ou il y aye tant de commodités d'entretenir l'heresie: Ia L'assiette et situation de la ville a la porte de France, de Flandres, d'Allemagne, d'Italie, Espagne et autres provinces; elle est sy commode qu'en icelle se treuvent habitants de toutes sortes de nations, voire mesme d'Angleterre; elle est comme le centre des autres provinces, et par icelle tout passe. 2a Il y a des ministres en tres grand nombre, des plus doctes [316] de leur secte, de toutes nations. L'annee passee ils en envoyarent 20 en France; un' autre annee, en Angleterre, et ainsy provoient a tous les heretiques. 3a Il y a de belles et magnificques imprimeries, dont ils emplissent le monde de livres heretiques; et ceste annee ils envoioient 40 charges des ditz livres en France. Le livret de Roche Chandiou fut imprimé a en donner pour 700 escus; car ils en font distribuer, expensis publicis, par les villes. La 4e commodité ce sont les estudes, car la commodité de la situation de la ville et le grand exercice des lettres attirent tres grand nombre d'enfants de bon lieu: de France, tesmoin Desponde quy y a estudié; d'Allemagne, comme le P. Ludovic, le Capucin, filz du Chancellier de Saxe, qu'a aussy estudié audict Geneve. 5e commodité: ils font de grands exercices de predications, lectures, conferences, disputes, compositions de livres et autres choses semblables qui conservent l'heresie, et infinies autres commodités qu'il seroit trop long de dire. [317]

            5° Il faut considerer que dans Geneve se brassent et traittent toutes les entreprinses contre la Chrestienté et le Saint Siege Apostolique, et les font exequuter avec grande diligence; et cecy s'est veriffié en une infinité d'entreprinses descouvertes. Et n'y a rien qu'il leur est venu un personnage de Levant qui, a leur solicitation, a cherché des moyens d'empoisonner Sa Saincteté et tous les Cardinaux, ou engendrer certaines vapeurs pestiferes à Rome par certaine poussiere: tesmoin monsr le chanoine de la Biollée qui a sceu cecy par un espion secret quil y a dans Geneve.

            6° Il n'y a ville en tout le monde ou l'on reçoive tant d'apostats, de toutes sortes d'ecclesiastiques et de toutes nations: res seipsa patet.

            7° Ceste ville, en faict de conservation des heresies, a une merveilleuse correspondance avec toutes les parties infectes de l'Allemagne, de la France, de l'Angleterre, de la Pologne et jusques en Danemarch, etc.

            Bref, d'une seule Geneve surmontée despend la ruyne de l'heresie ez autres lieux: voila pourquoy il faut employer contre ceste source d'heresie toutes ses forces.

 

 

 

De plusieurs moyens particuliers pour la confusion des heresies de Geneve - Chapitre 2

 

            1er. La continuation des bons predicateurs, Jesuistes et autres; mais sy [Sa] Saincteté ne commande absolute, ilz ny persevereront poinct: experientia magistra. Pour le moins six, pour estre [318] distribués ou est de besoin, et les PP. Jesuistes pour la confession. Un college de Jesuites à Thonon.

            2. Avoir un bon imprimeur à Necy pour publier à tous coups livrets, escrits, papiers contra haereticos; cecy est un bon moyen. Desja il y a des moyens, mais il faudrait encores une pension de 100 escus que Sa Saincteté pourroit bailler sur quelque abbaye, comme sur Talloeres; il y a une pension qui vacque, qui est pour une personne laicque appellé le chapte boys.

            3. Plusieurs voudroient se convertir, mais la pauvreté les retarde, comme l'experience l'a faict voir. Donc, il seroit de besoin avoir une Maison de pitié Annessy pour ceux qui travaillent aux arts mechanicques, et un Seminaire pour ceux qui estudieroient. Cela se pourroit iaire par Sa Saincteté, en appliquant quelque abbaye ou benefice ecclesiastique a ces bonnes œuvres, ou prendre autres moyens. Et par faute d'argent et de moyens, on laysse a fere de grands biens qu'on feroit pour la saincte foy Catholique; et soudain qu'on aura des moyens on en verra beaucoup sortir de Geneve, et peut estre des mesmes ministres.

            Outre cecy, il y a plusieurs autres beaux moyens desquels vous estes adverty, et que pourres advancer comme mieux vous verres a propos.

 

 

 

Du moyen de faire donner une eglise dans Geneve pour la foy Catholique et recevoir l'Interim - Chapitre 3

 

            La crainte de la guerre et le désir de paix faict fere plusieurs choses qu'on ne feroit; dont, ayants S. A. sur les bras, ilz accorderont paradventure quelque chose qu'on ne feroit autrement. Vous raconteres ce que S. A. pretend de faire propter fidem; mais cela a besoin d'ayde et de secours pour mieux reussir, lequel Sa Saincteté peut facilement nous fere avoir. Et c'est pour ces considerations:

            Voyants qu'ils seront pressés de tant de costés, facilement ilz [319] pourroient consentir a quelque chose, desirants le repos. Surtout ayants la protection du Roy de France pour leur principal appuy, quand ils se verront par luy solicités a recevoir l'Interim, ils diront : De quel costé que nous regardions, nous avons tousjours ceste poursuitte de l'Interim ; et facilement accorderont au Duc de Savoye plusieurs choses pour la commodité de la foy Catholique, qu'ils n'accorderoient jamais. Donc, il importe beaucoup qu'au mesme temps qu'on parlera de ceste paix avec S. A., ils soyent priés du Roy de France de prendre l'Interim.

            Puys, qu'on face entendre audit Roy et Cardinal d'Austriche que, traittant la paix, Geneve n'y soit comprinse s'ilz ne prennent l'Interim; ils trembleront de peur, sur tout sy le Roy les menasse de quicter leur protection. Et le Roy peut tres bien s'excuser qu'il est solicité de Sa Saincteté de cest affaire.

 

 

 

De ce qu'il faut adjouxter afin que la paix reussisse acceptantz l'Interim - Chapitre 4

 

            Ier secours. Une lettre bien ample du Roy de France a la Seigneurie de Geneve, en laquelle il les prie d'accepter l'Interim. Et n'y a rien de plus facile que d'avoir ladite lettre par ce moyen: c'est que le sieur Conte de Saconay a un amy secretaire du Roy, voire des premiers; il s'appelle monsieur Ruzé, seigneur de [320] Beaulieu, lequel facilement dresseroit la lettre a ceux de Geneve en bonne forme. Et faut noter que ce secretaire est catholique ; et sy on s'adresse a d'autres, il y a du danger, car ils sont heretiques. Et par ladite lettre le Roy commanderoit audit de Saconay, qui se tient a Lyon, d'aller a Geneve avec quelques personnes honorables qu'il choysiroit. Et icy il faut adviser que ceux qui viendront à Geneve soient encores amys de Son Altesse; autrement, l'un gastera l'autre, pour plusieurs raysons qu'on ne peut icy coucher. Pour ce, estant ledit sr Conte de Saconay bien zelé et au gré de S. A., il y pourroit venir; mais il est necessaire que Sa Saincteté le luy commande, ou prye par une Lettre ou Brief Apostolique, tant pour aller à la court de France vers Monsr le Legat, vers le Roy et vers ledit secretaire pour negocier, et autres solicitations qu'il faudra fere; luy promettant, Sa Saincteté, qu'on n'obliera de le remunerer des frays qu'il y fera. Il faut aussy un autre Brief ou Lettre au secretaire du Roy, par lequel Sa Saincteté le prye de s'y emploier comme bon catholique, et luy promettant une belle recompense sy la chose reussit. Ces deux Lettres ou Briefz sont necessaires soudainement, car l'affere presse; et pour iceux il faut encores employer Monsr le Nonce.

            Ils ont une loy a Geneve, qu'on ne peut parler de recevoir la Messe, a peinne de la vie. Pource, il faut un estranger qui en ouvre le propos, pour donner confiance au peuple de parler.

            Sy le Roy les menasse de quicter leur protection, ils y penseront a bon escient; mesmes remonstrant qu'il a accordé aux autres heretiques liberté de conscience en tant de villes de France. Et quand bien ils ne feroient rien pour le Roy, il suffit qu'on aye ouvert le propos, car cela facilitera a traitter la paix avec l'Interim. En somme, on ne demande au Roy de France, qu'une simple lettre et feullie de papier. [321]

            Mais il est tres-asseuré, comme font foy les lettres qu'aves et les attestations, que dans Geneve les uns desirent d'y avoir la Messe, comme disposez Catholiques. Autres, comme heretiques, disent que sy le Roy le commande, on le fera; d'autres disent que cela ne leur importe rien, pourveu qu'ilz ayent leur presche et liberté de conscience. Et est tres vray que ces dispositions s'y treuvent; donc, ce seroit peché de ne les ayder quand on le peut faire si facilement.

            2e secours. Ce seroit par le moyen des cantons des Suysses Catholiques, leurs voisins, qui s'ayderoit (sic) a prier ceux de Geneve d'accepter l'Interim, et que ne le faisants, s'il survient une guerre ilz ne les ayderoit, voire donneroit secours, car Sa Saincteté les en prye. Cecy se pourroit negocier par Monsr le Nonce ou Légat qui est en Suysse, auquel Sa Saincteté le recommanderoit.

            3e secours. Que l'Empereur escrivit à Geneve, qui est ville imperialle, qu'ilz doivent prendre l'Interim comme les autres villes d'Allemagne, et que, ne condescendantz, ils seroient privéz de tous honneurs, droits, privileges, mesmes du commerce en ses villes; et que sa lettre fut portée par homme qui fit bien sonner le faict. L'Empereur dirait que sa conscience l'oblige a le faire et qu'il en est pryé de Sa Saincteté. Et au plus tost faudrait avoir ceste lettre.

            4e secours. Parler avec Sa Saincteté, s'il luy plait asseurer qu'on aydera au payement des debtes de leur ville, acceptants l'exercice de la religion Catholique ; et qu'aux particuliers qui feront reussir on donnera, a l'un 4 mil, a l'autre 10 mil escus, ou choses semblables: cecy est une belle amorce pour eux. On pourroit fere une levée sur toute la Chrestienté.

            5e secours. Que la ou tant de belles offres ne vaudraient pour les ranger au debvoir, que Sa Saincteté fit un peu de semblant de vouloir ayder S. A. et menassa d'inciter tous les princes-catholiques contre eux. Encores que de facto cela n'advint, neantmoins cela feroit grand peur, et pourroit estre que le peuple dans Geneve hausserait la voix pour demander la Messe.

            Ces choses non seulement se peuvent traitter avec Sa Saincteté, [322] mais avec les Illustrisses Cardinaux et Ambassadeurs des Princes, pour prendre encores de nouvaux moyens sur le faict. [Avril-Octobre 1597.]

 

Revu sur l'Autographe inédit, conserve à la Visitation d'Annecy.

 

 

 

IV. Lettre de Claude de Granier, Evêque de Genève a Mgr Riccardi, Nonce Apostolique a Turin

 

                        Illustrissimo et Reverendissimo Signor mio osservandissimo,

            Si come mandava il Sr Prevosto de Sales in Roma col Sr de Chissé, mio nepote, per mia ubedienza, con speranza che questo viagio reuscirebe alla gloria de Iddio et essaltatione della fede Catholica, Apostolica et Romana, è sopragiunto a detto Sr Prevosto una febre continua et mortale, qual a tardato questa santissima impresa. E vedendo che altri che loro insieme non possono in modo alcuno rendere capace Sua Beatitudine, manco i miei SS. Illmi Cardinali Prefetti della santa Inquisitione, e altri deputati per ricevere l'ubedienza mia e intendere le mie ragioni sopra il Stato che mandava a S. S, non volendo in modo alcuno incorrere le pene portate per la Constitutione di felice memoria Papa Sixto, non potendo trovarsi in Roma alli 20 del mese seguente, mando a V. S. Illma et Rma l'attestatione della suoa infirmità, acciò che si degni far intendere a Nostro Signore che non tiene a me far quanto conviene alla mia ubedienza, e che non mancarò, essendo in debita convalescenza, mandarlo per ricevere gli ordini Apostolici: il che in persona havesse esseguito, se non mi ritrovasse talmente valetudinario che non posso, senza pericolo della mia vita, far'impresa di tal viagio; oltre che in questi miseri tempi la mia presenza è necessaria in questo vescovato. Però supplico V. S. Illma haver questo negotio in racomandatione.

………………………………………………………………………………………………..[323]

            Non m'occorrendo dunque altro, per fine di questo mio ragionamento farò instante preghiera a N. S. Iddio di voler concedere a V. S. Illma et Rma ogni vero contento. Di V. S. Illma et Rma

                                                                                                          Humil servitor,

                                                                                  C. DE GRANYER, Vescovo de Geneva.

            D'Annessi, alli 20 di Novembre 1597.

                        All' Illmo et Rmo Sr mio ossmo,

                        Monsigr l'Arcivescovo di Bari,

             [Nunzio Apostolico apresso di S. A.

                                               Turino.

 

Revu sur l'Autographe conservé à Rome, Archives Vaticanes

(Nunz. di Savoia, vol. 34, fol. 766).

 

 

 

V. Lettre de Charles-Emmanuel Ier, Duc de Savoie a M. Pierre-Jerome de Lambert, Gouverneur du Chablais, le Duc de Savoie.

 

                        Trescher, bien amé et feal Conseiller d'Estat et Chambellan,

            Nous avons receu vostre lettre du XXIIII du present et joinct a ycelle le double de la requeste que Nous a esté presentee par ceulx de Tonon, et vous disons, en responce, que Nostre intention aiant tousjours esté de donner l'avancement possible au service de Dieu et l'exaltation de son Eglise generalement riere noz Estatz, et particulierement de remettre riere le Chablais la mesme foy et vraye Religion que Noz predecesseurs y avoint si sogneusement plantee avant que les usurpateurs du peys en heussent desbouché Noz bien amez subjectz: Nous avons, sur ceste consideration, volontiers presté l'oreillie a ceulx qui Nous ont proposé leur soing, jeur talent et leur industrie pour la perfection d'un si bon euvre; et telz ayant esté le Pere Cherubin et le President Favre, Nous apreuvasmes le zele qui les poulsoit d'y volloir fere quelque notable fruict.

            Il est bien vray que Nous estimions que ce deubst estre par le [324] moien de bonnes exortations et par la voye des presches, et non par commination ny menaces, pour ne donner aulcun subject d'ombrage aux circonvoisins, ny subject d'alteration ausdictz de Thonon, bien sacheantz que la conjuncture du temps present ne portoit pas que l'on procedast aultrement, et que la procedure rigoureuse estoit mal convenable a la disposition des aultres affaires que Nous avons sur les bras, encores que bien deue a l'obstination de quelques particuliers dudict Thonon qui se rendent les plus difficiles. Mais silz ont en cecy un peu oultrepassé Nostre intention et Noz bons advis, leur zele et leur affection au service de Dieu les en rendent excusables. Et cependant, pour remedier aux inconvenientz qui en pourroint resulter, Nous escrivons audict President de ne proceder plus avant a la declaration des peines par luy imposees, et au Pere Cherubin d'y fere valloir par cy apres sa doctrine, sans y adjouster les menaces, jusques a ce que Nous voions quelque aultre temps plus propre pour ce fere.

            Et cependant, en vous laissant dextrement entendre a ces gens que Nostre intention n'est pas de les forcer ny contrevenir aux provisions quilz disent avoir de feu nostre Sr et Pere et de Nous, vous ne lairrez de les induire et persuader, en tant que vostre pouvoir se pourra estendre, dé Nous donner ceste satisfaction que d'ouyr et frequenter les presches qui peuvent servir a les desabuser de leur faulce opinion,…………………………………………………………………

            Et Nostre Seigneur vous ayt en sa ste garde.

            De Aultecombe, ce 31 xbre 1597.

                                                                                                          C. EMANUEL.

                                                                                                          RONCAS.

            A nostre trescher, bien amé et féal Conseiller d'Estat

                                               et Chambellan,

            Chevallier au Senat, Gouverneur de Chablais, Baron de Ternier,

                                               le Sr de Lambert.

 

Revu sur l'original conservé à Annecy, à la Bibliothèque

de l'Académie Florimontane. [325]

 

 

 

VI

 

VI. Lettres patentes du meme a M. Claude Marin, Procureur fiscal du Chablais

 

            CHARLES EMANUEL, par la grace de Dieu Duc de Savoye, Chablais, Aouste et Genevois, Prince de Piedmont, à nostre cher, bien-amé et feal Procureur fiscal de Chablais, noble Claude Marin, salut.

            Desirans de faire prouvoir prompcernent à la reparation et restauration des eglises, autels et autres choses necessaires pour les exercices de pieté et devotion, tant en ceste ville de Tonon qu'aux lieux circonvoisins: A ceste cause, et autres Nous mouvans, vous mandons, ordonnons et commandons par ces presentes qu'ayez à saisir et reduire sous Nostre main, et par bon et loyal inventaire, tous et un chacun les revenus, biens, fruicts, argens, appartenances et dependances des benefices riere le bailliage de ceste ville, et particulierement du prieuré de Sainct Hyppolite, qui n'auront charge d'ames, pour le temps de trois ans prochains advenir; et lesquels fruicts et autres choses sudittes, Nous voulons estre employez à la reparation et restauration des eglises, autels et autres choses necessaires pour les exercices de pieté et devotion, ainsi que Nous avons dit. Vous defendans tres-expressement de delivrer, mettre ou employer aucun desdicts fruicts et revenus à autre usage qu'à ce que dessus, et suivant les ordres qui vous en seront faicts par Reverendissime Claude de Granier, Evesque de Geneve, Reverend messire François de Sales, Prevost de l'eglise Cathedrale de Sainct Pierre de Geneve, et Reverend messire Claude d'Angeville, Primicier de l'eglise collegiale de Sainct Jean Baptiste de La Roche: ausquels, en tant qu'il Nous concerne et peut appartenir, leur en avons donné et attribué tout pouvoir et authorité; et à vous, de contraindre et faire contraindre tous ceux qui seront à contraindre, par toutes les voyes de justice deuë et raisonnable, d'y obeyr et obtemperer. Nonosbtant appellations et oppositions quelconques, attendu le cas dont il s'agit, ne voulans, ny pouvans, ny devans en retarder l'execution.

            Commandans à tous Nos magistrats, ministres, justiciers, officiers et subjects ausquels il appartiendra, d'observer ces presentes et, [326] pour l'execution d'icelles, prester toute aide, faveur et assistance necessaire, en tant que chacun d'eux craint de Nous desplaire.

            De ce faire vous donnons pouvoir, authorité, commission et mandement, car telle est Nostre volonté.

            Donné à Tonon, le cinquiesme jour du mois d'octobre 1598.

 

 

 

VII. Autres lettres patentes du meme (Fragment)

 

            Desormais il ne sera plus permis aux personnes qui ont charge et cause des biens et revenus ecclesiastiques, tant des Chevalliers de la Religion des Saincts Maurice et Lazare que des autres quelconques, aux bailliages de Chablais et Ternier, de les bailler directement ou indirectement à louage, ferme, exaction ou recepte, à d'autres personnes qu'à celles qui font profession de la vraye Religion Catholique, Apostolique et Romaine; à peine de confiscation.

            Qu'il soit defendu à toutes personnes, de quelque qualité et conditions qu'elles soyent, de menacer les Catholiques ou desireux de la Religion Romaine, à parolles ou actions, ou de les mal traicter en façon que ce soit, leur faire des reproches, ou les estonner; à peine de milles livres et autre arbitraire.

            Que les personnes de la religion pretenduë ne puissent plus doresenavant exercer aucunes charges publiques, ny estre promeus, receus et admis à aucuns offices ou dignitez: de sorte qu'ils ne puissent point estre juges, ny advocats, ny chastellains, ny curiaux, ny procureurs, ny notaires, ny commissaires; et que l'exercice de ces dignitez, charges et offices soit entierement defendu à tous ceux qui ont eu quelque chose de semblable jusques à present, avec abrogation, abolition et revocation des Lettres patentes, ou constitutions qu'ils ont, comme contrats et autres actes; sous peine de faux.

……………………………………………………………………………………………………..

            Donné à Tonon, le douziesme jour du mois d'octobre 1598. [327]

 

VIII. Bref de Sa Sainteté Clément VIII a Mgr Claude de Granier, Evêque de Genève

 

Venerabili Fratri Claudio, Episcopo Gebennensi,

 

CLEMENS PAPA VIII.

 

                        Venerabilis Frater, salutem et Apostolicam Benedictionem.

            Alias, sicut accepimus, fel. rec. Gregorio Papae decimo tertio, prasdecessori Nostro, pro parte bonae memoriae Emanuelis Philiberti, Sabaudia; Ducis, exposito quod cum dictus Emanuel Philibertus quaedam balliagia, videlicet Ternier, Chablaix et Gex, sub ditione ejus temporali existentia, a Bernensibus recuperasset, et ad pristinam temporalem jurisdictionem suam revocasset, licet illorum populorum pravis opinionibus et inveteratae haereticae perfidiae malitia obduratas mentes serius quam ipse Gregorius praedecessor optabat sanari posse vereretur, ejusdem tamen Ducis et publicae ecclesiae Catholicae nomine valde laetatus, conducibile fore existimabat ut religiosa loca ipsorum balliagiorum profanata, quae in pristinos usus et officia restitui non poterant, Militiae Sanctorum Mauritii et Lazari, cujus ipse Dux Magnus Magister existebat, aliquo modo inservirent. Itaque [supplicatum fuit] eidem Gregorio supradicto, quatenus dicta beneficia et alia pia loca dictorum balliagiorum et seu in illis consistentia dictae Militiae unire et incorporare dignaretur.

            Idem Gregorius, supplicationibus hujusmodi inclinatus, omnia beneficia ecclesiastica, cum cura et sine cura, secularia et quorumvis Ordinum regularia, in balliagiis praedictis consistentia, etiamsi secularia, canonicatus et praebendae, dignitates etiam principales, personatus, administrationes, monachales et canonicales portiones, et officia etiam curata, claustralia et electiva, hospitalia, leprosoriae et xenodochia essent, et alia quaecumque loca religiosa eorumque membra, grangias, possessiones et praedia, in quibus nullus ecclesiasticus cultus secularis vel regularis, seu hospitalitas exercebatur, nec tunc, saltem quoad parrochiales ecclesias et alia [328] beneficia ecclesiastica curata, restitui poterant; quaeque nulli canonice collata aut commendata, seu commissa, nec in ecclesiarum, monasteriorum, hospitalium, aut aliorum piorum locorum tunc vigentium, etiam extra balliagia praedicta consistentium, commodum et favorem unita aut suppressa essent, nec ab ecclesiis, monasteriis, Capitulis, conventibus, beneficiis, hospitalibus extra illa consistentibus veluti unita dependerent, aut [eis] uti membra pertinerent: Quae omnia salva et illaesa idem Gregorius remanere voluerat nomine, titulo, denominatione, ordine, statu et essentia, etiam regulari, in illis singulis, prout fuerant, perpetuo suppressis et extinctis, cum suis ecclesiis, domibus, bonis, jurisdictionibus, juribus, fructibus, censibus, pertinentiis et actionibus omnibus et quibuscumque; ut ad Christianae fidei propagationem aliqua ratione inservirent, Militiae praedictae perpetuo univit, annexuit et incorporavit, praedictamque unionem. annexionem et incorporationem ad ecclesias, monasteria, prioratus, dignitates, beneficia, officia, hospitalia et-loca secularia et regularia in quibus cultus ecclesiasticus secularis vel regularis, aut hospitalitas, sine magno [praejudicio] atque Sabaudiae Status periculo et pertubatione restitui non poterat, eadem auctoritate extendit et ampliavit.

            Ita tamen, quod cumprimum eorumdem balliagiorum et locorum recuperatorum homines veritatis lumen, commiserante Domino, recepissent, in quacumque ipsorum parte contingeret, parrochiales ecclesiae et alia ecclesiastica loca ad exercitium curae animarum idonea, ab Ordinariis locorum quibus illa suberant, cum dote non minore quinquaginta ducatorum annuatim, de proprietatibus bonorum praedictorum ad justum [et] competentem numerum instituerentur, illisque ab iisdem Ordinariis de rectoribus et pastoribus idoneis, juxta Concilii Tridentini dispositionem et alias canonicas sanctiones provideretur, et aliter prout in Litceris Apostolicis in forma Brevis, sub Annulo Piscatoris, sub datum videlicet XIII mensis Junii millesimo quingentesimo septuagesimo nono, Pontificatus sui anno octavo, quarum tenores pro expressis haberi volumus plenius continetur.

            Cum autem sicut nuper accepimus, dilectus Filius nobilis vir Carolus Emanuel, modernus Sabaudiae Dux, procuraverit, necnon Fraternitatis Tuae et multorum insignium virorum doctorum, verbi Dei praedicatorum ad praedictorum balliagiorum partes abs te missorum concionibus adhibitis, factum fuerit ut tandem mensibus retroactis homines pene omnes duorum ex dictis balliagiis, nempe de Ternier et Chablaix, quae in ista tua diaecesi consistunt, ab haereticorum faucibus sint erepti; qui quidem, licet eorum corda [329] hactenus valde indurata remansissent, tamen, praedictorum pradicatorum insignibus praedicationibus mellificata, ad orthodoxae fidei lumen et veritatem reversa, et eorum anteactae vitae abjuratione et detestatione per eos et eorum singulos in tuis manibus, et in dicti Caroli Emanueli Ducis, illiusque Status virorum nobilium presentia et assistentia prius facta, in Ecclesiae Catholicae et Apostolicae gremium recepti et aggregati, Deo auctore extiterunt.

            Et cum non sufficiat tot animas Dei Ecclesiae acquisisse, si modus illas retinendi ac ita manutenendi non reperiatur, et factum vix dici queat quod non durat factum, etsi praedicta unio, annexio et incorporatio quoad parrochiales ecclesias, attento quod conditio in illa seu Litteris desuper expeditis apposita, praedictorum populorum ad Catholicarn fidem et Ecclesiae unitatem reversionem purificata extitit, dissolvatur, et rectores in parrochialibus ecclesiis praedictorum balliagiorum, quae numerum quadraginta quinque vel circa ascendunt, qui in Catholica fide in iliis locis et personis conservanda et confirmanda, aliisque adhuc naeretica pravitate labefactatis ad eandem Catholicam fidem revocandis insistant constituentur, ex hoc profecto Catholicae fidei propagationi et manutentioni vaide prospiceretur.

            Sed quia ipsis rectoribus sic deputandis, ut illorum muneri sedulo et absque alia rei familiaris distractione satisfaciant, congrua sustentatio assignanda esset, et si ipsi rectores a praedictae Militiae Militibus sustentandi, aut portio quinquaginta ducatorum, ut praefertur, eis per ipsos Milites assignanda venirent, ilii proculdubio in eo quod eorum victui necessarium foret, seu praedictorum quinquaginta ducatorum exactione ab iisdem Militibus procuranda, plus temporis quam in eorum muneris et officii exercitio impenderent; si unio per Gregorium, praedecessorem, dictae Militiae, ut praefertur, facta, in totum perpetuo dissolveretur, ac revocaretur et annullaretur, ipsorumque beneficiorum unitorum hujusmodi fructus in praedictarum parrochialium ac aliarum ecclesiarum utilitatem et reparationem, earumdem parrochialium rectorum congruam sustentationem, arbitrio tuo; necnon trium aut plurium insignium secularium, vel cujusvis Ordinis regularium, verbi Dei praedicatorum et concionatorum, in eisdem balliagiis manutentionem converterentur; ex hoc profectio ipsorum conversorum in Christi fide perseverationi earumdemque animarum saluti divinique cultus incremento et manutentione ut plurimum consuleret et, annuente Domino, aliud balliagium de Gex ad eandem conversionem, ex continuo vicinorum ita piorum operum exercitio, magis ac magis in dies invitaretur: propterea Nobis humiliter [330] supplicari fecisti, ut in praemissis opportune providere de benignitate Apostolica dignaremur.

            Nos igitur, qui Catholicae fidei propagationem, quantum cum Domino possumus, procurare non desistimus, Litterarum dicti Gregorii, praedecessoris, tenores praesentibus pro expressis habentes, hujusmodi supplicationibus inclinati, Fraternitati Tuae, unionem, annexionem et incorporationem, extentionem, ampliationem et decretum in praedicti Gregorii, praedecessoris, Litteris contenti, de praedicti Caroli Emanuelis, Ducis, consensu, Apostolicam auctoritatem perpetuo dissolvendi, dismembrandi, revocandi et annullandi, ac parrochiales ecclesias supradictas restituendi, seu de novo erigendi et instituendi, ipsorumque beneficiorum fructus, redditus et proventus praedictarum ecclesiarum rectoribus illarumque reparationibus; necnon octo presbyterorum secularium qui in ecclesia parrochiali oppidi de Tonon, quod insigne est, divinis officiis et servitiis Sacramentorumque administrationi insistant, et trium ad minus magis eruditorum, et tam secularium quam cujusvis Ordinum regularium, arbitrio tuo eligendorum, verbi Dei praedicatorum, in eisdem balliagiis manutenendorum sustentationi et alimentis etiam pcrpetuo applicandi et appropriandi; praedictosque Milites, seu eorum Magnum Magistrum pro tempore existentem ex praedictorum beneficiorum tunc, ut praefertur, unitorum fructibus, redditibus et proventibus generaliter aut particulariter ab ipsarum ecciesiarum rectoribus, aut monasteriorum Abbatibus, aut prioratuum Prioribus, seu aliis quibuscumque, nihil unquam petere aut praetendere, seu lite desuper et causam quomodolibet et quovis pratextu aut colore movere ullatenus posse decernendi, sed perpetuum illis desuper silentium imponendi, Tibique de illis, ad effectum praemissum, libere et omnino disponendi in omnibus et per omnia perinde ac si eadem unio, annexio et incorporatio eis seu eorum Militiae facta non fuisset, et plena eorumdem beneficiorum dispositio ad Te spectaret hac vice dumtaxat, auctoritate Apostolica, tenore praesentium licentia et facultatem concedimus et impartimur.

            Et nihilominus, ut in ipsis parrochialibus ecclesiis aliisque beneficiis hujusmodi, ut necessarium est, idonei rectores et pastores vigiles deputentur qui ad gravem ipsarum animarum de novo conversarum curam exercendam strenue invigilent, Tibi quod de eisdem parrochialibus ecclesiis, necnon etiam perpetuis capellaniis seu ecclesiis aut capellis et aliis beneficiis bujusmodi, etiamsi de jurepatronatus quorumvis, tam laicorum, etiam nobilium, quam quorumvis aliorum cx fundatione vel dotatione existant, quomodocumque [331] per haeresim devolutionem aut aliter quomodolibet vacaverint, pro hac prima vice in favorem personae seu personarum Tibi benevisarum, et habilium et idonearum, disponendi et de illis providendi; necnon eos qui hactenus de dictis parrochialibus ecclesiis provisi fuerint quatenus ad curam animarum exercendam idonei non reperiantur, summarie de plano, sine strepitu et figura judicii, iisdem, ecclesiis privandi, ipsorumque parrochiales ecclesias aliis magis idoneis conferandi.

            Necnon, attenta sacerdotum penuria, cum Ecclesiae Gebennensis Canonicis ad animarum curam exercendam idoneis, ut cum eorum canonicatibus et prabendis quisquis eorum unam ex dictae diaecesis parrochialibus ecclesiis, dummodo utrique commode inservire valeant, ad eorum vitam, seu ad tempus Tibi benevisum. obtinere valeant, eadem auctoritate dispensandi.

            Praeterea Tibi, rectoribus earumdem aut aliarum parrochialium ecclesiarum tuae diaecesis congruam portionem super decimis et primitiis quse in eorum parrochiis percipiuntur ab Abbatibus et Prioribus, etiam extra visitationem, omni oppositione et appellatione remotis, assignandi, necnon aliis aliarum parrochialium ecclesiarum dictae diaecesis rectores magis habiles et idoneos ad id tamen voluntarios ad annum, seu aliud tempus Tibi benevisum, non tamen ultra biennium, qui curam ipsorum animarum gerant de eorum propriis ecclesiis relictis, seu his vicariis ad curam exercendam idoneis et approbatis: ita quod rectores ad aliam residentiam in dictis eorum ecclesiis ad annum, seu alio tempore durante, faciendam minime teneantur, amovendi, et ad dictas ecclesias praedictorum balliagiorum per praedictum tempus, attenta sacerdotum ad hoc habilium et sufficientium penuria, in illis partibus vigente transferendi licentiam pariter concedimus et indulgemus.

            Nonosbstantibus praemissis ac regulis Nostris de unionibus committendis ad partes vocatis quorum interest ad de exprimendo vero valore, ac generalis et Lateranensis, etiam novissime celebrati Concilii, uniones, annexiones et incorporationes perpetuas, nisi in casibus a jure permissis fieri prohibentibus, ac quibusvis aliis Apostolicis, iiecnon in provincialibus et synodalibus Conciliis edictis, specialibus vel generalibus constitutionibus et ordinationibus, caecerisque contrariis quibuscumque.

            Datum Romae, apud Sanctum Petrum, sub Annulo Piscatoris, die XXIIII Martii millesimo quingentesimo nonagesimo nono, Pontificatus Nostri anno octavo.

M. VESTRIUS BARBIANUS.

 

Revu sur le texte inedit, insere dans le Registre de 1596-1601,

de l'ancien Eveche de Geneve. [332]

 

 

 

IX. Requete des Chevaliers des Saints Maurice et Lazare au Duc de Savoie

 

            Dans leur Requête, les Chevaliers «narroyent qu'ils s'estoyent apperceuz que le Prevost de Sales, Esleu de Geneve, avoit apporté du Souverain Pontife des Lettres par lesquelles la Milice de leur Ordre estoit entierement spoliée non seulement des benefices curez, mais encore de tous autres des bailliages de Chablais et de Ternier, contre la teneur des Lettres obtenues du Pape Gregoire treiziesme, sous pretexte de l'entretenement necessaire des Prestres qui y estoyent des-ja establis, ou qu'on devoit y establir.

            «Ils disoyent de ne vouloir en façon quelconque troubler ny empescher une affaire si saincte protestans plustost d'estre prests de faire tout ce qui seroit raisonnable ; mais qu'il sembloit estre contre la raison si, apres avoir baillé aux Curez la portion congrue, et plus que congrue, ils estoyent spoliez des autres revenuz, et principalement des abbayes e t prieurez, où il n'y a point de charge d'ames.

            «Ils adjoustoyent que cela apportoit un grand prejudice aux droicts de S. A. et de ses successeurs, à raison du patronage et de la nomination; concluans, qu'il fust du bon plaisir de S. A. de commander qu'on sursoyast à toute execution, jusques à ce qu'ils fussent appelez à voir faire la discussion de tous les revenus, et que les Lettres Apostoliques r'apportées par le Seigneur Esleu de Geneve leur fussent communiquées.»

……………………………………………………………………………………………………...

            «Le Duc, par son decret, commanda que la Requeste fust intimée au Prevost de Sales, pour y respondre dans deux jours; et jusques à tant et qu'il fust autrement prouveu, de sursoyer à [333] toute execution; avec commandement de bailler copie à la Religion du Bref Apostolique et des raisons pretenduës contre icelle, à fin d'y pouvoir respondre, et apres, estre prouveu ainsi que de raison.

             «Faict à Turin, le vingt neufviesme d'avril, l'an mil cinq cens nouante neuf.»

 

X. Lettres de Mgr Jules-César Riccardi, Archevêque de Bari, Nonce Apostolique a Turin au Cardinal Pierre Aldobrandini

 

1

 

                        Illustrissimo et Reverendissimo Signor Padron colendissimo,

            Il signor Prevosto di Geneva, che di ritorno di Roma è capitato a Torino, mi ha mandato un Memoriale di diversi capi, presupponendo che V. S. Illma mi habbia date le commissioni necessarie, le quali fin qui io non ho ricevute. Et perchè sono petitioni che per il più concerneno il servitio di Dio benedetto in quella provincia, mi è parso di mandare a V. S. Illma l'istesso Memoriale, acciò possa intender la volontà de Nostro Signore et commandarmi quello che di qua si haverà da esseguire. Presuppone il signor Prevosto che possa bastare una lettera privata di V. S. Illma ; ma io credo che dal primo capo in poi ci bisognino Brevi per dar maggior validità, se ben mi rimetto a quello che V. S. Illma giudicarà più espediente.

            Il medesimo signor Prevosto, per avviso di Monsignor Vescovo di Geneva, mi fa gran instantia che io rapresenti a Nostro Signore, che per il gran numero d'anime che si sono convertite et che ogni giorno si convertono a Tonone et nelli altri baliaggi di Geneva, non hanno confessori, et che per difetto di operarii resta assai impedito il frutto. Io non ho voluto risponderli cosa nissuna per non metter in qualche gravezza Nostro Signore, ma mi è sovvenuto di metter in consideratione a Sua Santità se fusse a proposito eli trasferire in Geneva la missione di questi sei Gesuiti di Piemonte, [334] alli quali si pagano sei scudi d'oro il mese per uno; perchè adesso qui, in materia di conversione, fanno poco frutto, perchè quelli che si poteva sperar di guadagnare nelle Valli già si sono guadagnati, et delli heretici del Marchesato non bisogna sperar molto se non si finiscono le differentie di quello Stato, le quali, mentre durano, non vedo che il Signor Duca sia per darci gran calore. Per quelli che già sono cattolizati, et per instruir altri poveri Cattolici, li Gesuiti veramente sono assai utili; ma perchè S. A. vi mantiene anco otto Cappuccini che suppliscono a molte cose, forse con più servitio si potrebbono trasferire a Geneva; o almeno lassar tre di loro in queste Valli, con ordine che vadano scorrendo senza fermarsi lungamente in un loco, et lo stipendio di tre altri applicarlo a tres Gesuiti li quali vadano ad assistere, insieme col signor Prevosto, a Tonone et alli altri baliaggi di Geneva. Propongo questo espediente per dar qualche consolatione a quelle anime che n'hanno gran bisogno, et per fuggir la multiplicatione delle spese; rimettendomi a quello che Nostro Signore giudicarà più servitio di Dio benedetto.

            Et a V. S. Illma bascio humilissimamente le mani, et mi raccommando in sua gratia.

                        Di V. S. Illma et Rma,

                                                           Humilissimo et divotissimo servitore,

                                                                                              G. CESARE, Arciveso di Bari.

            Di Chieri, a' 14. di Maggio 1599.

All' Illmo et Rmo Sigr Padron colendissimo,

            Il Sigr Cardinale Aldobrandino.

                                   A Roma.

 

Revu sur l'Autographe inédit, conservé à Rome, Archives Vaticanes

(Nunz. di Savoia, vol. 36, fol. 135). [335]

 

 

 

2

 

                        Illustrissimo et Reverendissimo Signor Padron colendissimo,

            Quando il signor Prevosto di Geneva diede a V. S. Illma il Memoriale a nome del suo Vescovo, supponevo che le havesse anco data sufficiente informatione sopra tutti li capi che in esso si contengono ; ma havendo veduto dalla lettera di V. S. Illma di 29 di Maggio che non le fu dato altro ragguaglio, supplirò io in quanto son informato, come Ella mi commanda. Et rispondendo a capo per capo, dico:

            1° Quanto al primo, che circa il conceder l'essentione dimandata dal Vescovo del sussidio ducale, sarei di parere che Nostro Signore la potrebbe dare per doi anni et non più, per levar l'occasione al Clero di tumultuare, il qual è tanto pertinace che non si può usare di là da monti quel rigore che si farebbe in Piemonte. Et quando Sua Santità inclinasse a concederla, bisognarebbe anco esprimere che il carico si dividesse, sopra le Badie et benefici semplici, eccettuando li curati, che vivono di elemosine; et di questa maniera il Vescovo potrebbe venir sollevato con manco strepito. In fine poi delli doi anni, se si trovarà nella medesima necessità, se li potrà prorogar la gratia; et quando ricuperasse altre intrate della sua Chiesa, potrebbe tornare a portar la sua parte del peso.

            2° Quanto al secundo capo, credo che la dimanda sia desiderata da sudditi per liberarsi da quella servitù esorbitante, et che sarebbe anco molto utile al Vescovo, il qual adesso di quella giurisdittione cava molto poco; et accordandosi con loro ne retirarebbe tanta somma di denari che, applicati in censi o in beni stabili, si potrebbero accrescere un'intrata di mille scudi l'anno, per quello che mi disse il signor Prevosto. Ma perchè si tratta di alienar giurisdittione ecclesiastica, crederei che ci bisognasse un Breve Apostolico nel qual mi si commettesse d'informarmi se il partito ridonda in utilità della Chiesa, per farci il suo processo et la sentenza.

            3° Circa il terzo capo, dico a V. S. Illma che in quelli Monasterii o Priorati della diocesi di Geneva nei quali non ci è prebenda theologale, si potrebbe applicare et assignare una prebenda monacale. Ma dove si trova fondata, se ben sia tenue, il supprimer una delle monacali darebbe forse occasione di rumore, et più presto si potrebbe ordinare che da tutte le prebende monacali si cavasse il supplimento della theologale.

            4° Quanto al quarto capo, è verissimo l'abuso che è in Savoia [336] di quelle prebende laicali che si danno a servitori et altre persone inutili; ma è tanto inveterato, che il levarlo non passarà senza gran contrasto delli Abbati o Priori. Tuttavia, se Sua Santità mi commandarà che si tenti, io non lassarò di pigliar ogni mezo opportuno per supprimerle; o se Nostro Signore trovasse meglio che la suppressione si facesse con la morte di quelli che le possedono, il negotio passarebbe con più quiete.

            5° Quanto all' ultimo capo, mi par conveniente che Sua Santità commandi che sopra la Badia dell'Abondantia si paghi una prebenda per il predicatore et theologo di Eviano, essendoli stata assignata fin in tempo di Gregorio XIII et pagata lungo tempo, et non ci essendo causa perchè non si habbia a pagar per l'avvenire.

Sopra tutti questi capi V. S. Illma sì degnarà con suo commodo di farmi intendere la volontà di Nostro Signore, che a questo effetto le rimando il medesimo Memoriale. Et le bascio humilissimamente le mani, et mi raccommando in sua grafia.

            Di V. S. Illma et Rma,

                                               Humilissimo et divotissimo servitore,

                                                                       G. CESARE, Arciveso di Bari,

            Di Chieri a' 25. di Giugno 1599.

All' Illmo et Rmo Sigr Padron colendissimo,

            Il Signor Cardinale Aldobrandino.

                                   A Roma.

 

Revu sur l'Autographe inédit, conservé à Rome, Archives Vaticanes

(Nunz. di Savoia, vol. 36, fol. 182).

 

 

 

3

 

(FRAGMENT)

 

                        Illustrissimo et Reverendissimo Signor Padron colendissimo,

            Per via di Genova ho ricevuto due lettere di V. S. Illma di 9 di Luglio, con le quali mi ha accusate le altre mie delli 25 di Giugno.

            In una di esse ho veduto che la informatione che io le mandai circa l'eriger le prebende theologali dalle monacali nella diocesi di Geneva non evacuava bene il dubio che S. S fà nella dimanda del Vescovo; perchè esso pretenderebbe che delli Priorati o Monasterii vacanti o da vacare si supprimesse una prebenda monacale per sostentare [337] li theologali delli Canonici seculari, ma non già per fondar le theologali nelli istessi Monasterii, come io sopponevo.

            Al che io replico, che se bene il Memoriale parlava nella maniera che V. S. Illma dice, nondimeno, in un lungo discorso che io hebbi col Prevosto sopra questa materia, considerammo che la renitentia de'monaci nell' estintione di queste loro prebende sarebbe stata tale che con gran difficultà haverebbe potuto haver effetto; o almeno, li frutti o denari si sarebbono esatti tanto stentatamente da loro, etiam per via di censure, che forse sarebbe stato più riuscibile et più utile di fondar prebende theologali nelli istessi Mona, sterii, perchè realmente vi fusse stato un theologo il qual havesse potuto legger la Scrittura, instruir li monaci et il popolo, et sentir anco le loro confessioni. Et conforme al sudetto discorso io mandai anco la mia informatione, la qual fu più breve di quello che bisognava.

            Ma perchè esso si riservò di trattarne in voce col suo Vescovo et pesar meglio tutte le difficultà per darmene più distinto avviso, potrà Nostro Signore intanto tener suspeso questo capo fin che io habbia da loro più chiara risposta, la qual ho sollecitata con un altra mia lettera…….

            Di Mondovì, 27 Luglio 1599.

 

Revu sur l'Autographe inédit, conserve à Rome, Archives Vaticanes

(Nunz. di Savoia, vol. 36, fol. 237).

 

 

 

4

 

(FRAGMENTS)

 

                        Illustrissimo et Reverendissimo Signor Padron colendissimo,

            Il sigr Prevosto di Geneva mi ha scritta una lunga lettera delle cose di Tonone, la qual mando a V. S. Illma acciò possa dar pieno conto a Nostro Signore di tutto quello che si và operando in detta terra et baliaggi convicini………………………………………………………………….

            Mi ha anco mandato il sigr Prevosto l'alligata relatione che si aspettava circa l'instantia che faceva il Vescovo di Geneva di ottener da Nostro Signore la suppressione di alcune prebende monacali per erigerne altre theologali nella su a diocesi; dalla qual relatione potrà meglio S. Bne giudicar quello che più convenga di conceder per servitio di detta Chiesa di. Et trattando V. S. Illma [338] di questo negotio, potrebbe anco favorir il Vescovo dell' espeditione delli altri capi di quel suo Memoriale presentato già a Nostro Signore dal Prevosto, conforme a quello che Ella mi scrisse con una sua di 9 di Luglio. Et se ben io presuppongo che l'istesso Memoriale si trovi appresso V. S. Illma con l'informatione che le mandai con una mia di 25. di Giugno, nondimeno, a cautela, mi è parso di mandamele un'altra copia.

……………………………………………………………………………………………………...

            Di V. S. Illma et Rma,

                                               Humilissimo et divotissimo servitore,

                                                                                  G. CESARE, Arciveso di Bari.

            Di Mondovi, a' 6 di Decembre 1599.

All'Illmo et Rmo Sigr Padron colendissimo,

            Il Sigr Cardinale Aldobrandino.

                                   A Roma.

 

Revu sur l'Autographe inédit, conserve à Rome, Archives Vaticanes

(Nunz. dì Savoia, vol. 36, fol. 445).

 

 

 

XI. Requete des Cures d'Armoy et de Draillant a la Chambre des Comptes de Savoie et arret de celle-ci

 

                        A NOZ SEIGNEURS DES COMPTES.

 

            Supplient humblement les pauvres Aulmosniers d'Armoy et de Draillans, disants: quil est plus que notoire a la Chambre la pention quil a pleu a S. A. Sme leur establir vers le Sr Gabellier general, de cinquante escus annuels a chacung d'eulx, pour estre les biens desdits curés occupés par les Seigneurs de Geneve; dallieurs, les divers voiages, frais et despens quil a convenu faire et supporter pour estre paiés d'une partie d'icelle, appres tant de decretz, arrests et jugement de ceans contre les ja dits Gabelliers. A raison de quoy, ils ont plus consumé et faict de despence que receu, et quils ne peuvent plus supporter, daultant que ce de quoy ils se [339] doibvent nourrir et allimenter il fault quils le despence (sic) aux courses et poursuittes qu'il faut fere pour en obtenir le paiement; et, que pis est, ils sont contraincts de laisser le service divin» a leur grand regret, le plus souvent pour chercher leur pauvre vie.

            A quoy la Chambre est tres humblement suppliee de fere consideration et prouvoir une fois pour toutes; et, [ce] consideré, nos Seigneurs, vous plairra ordonner au sieur moderne Gabellier general leur continuer la dite pention, quartier par quartier, a la forme de leur provision, patentes de S. A. et Arrests de ceans portant veriffication d'icelles, et leur fere rescription une fois pour toutes vers le commis du grenier a sel de Chablais, pour eviter aux voyages quil convient de fere pour ce regard, et a ce que le service de Dieu ne vienne a manquer: et sur ce, plaira leur prouvoir.

            Et ils continueront leurs prieres a la prosperité de vous, nos Seigneurs, tant en general que particulier.

DE PASSIER. pour le Procureur.

            Soit monstre au Procureur patrimonial. — Faict a Chambery, au bureau des Comptes, le vingthiesme novembre 1622.

BENOIT.

            Le Procureur patrimonial n'empesche les fins de la requeste, attendu le faict duquel s'agist.

            A Chambery, le dit jour.

DIVOLEY.

 

                        ARRÊT DE LA CHAMBRE DES COMPTES

 

            La Chambre ayant esgard au faict privillegié duquel s'agist, et que ce sont charges ordinaires sur la gabelle, suivant les diverses et reiterees jussions et commandements de S. A., et au consentement sur ce presté par le Procureur patrimonial : a ordonné et mande au moderne Gabellier general, de fere rescription aux Reverends Curés suppliants sur son commis a la vente du sel en Chablais, que servira une fois pour toutes pendant le temps de sa ferme. Et cest, pour le paiement de la pention a eulx establie par S. A., par Patentes veriffiees par Arrest de ceans, du vingt neufviesme may 1610, l'estraict desquelles rapportant et du dit Arrest, ensemble du present et quictance, et leurs quictances aux [340] aultres paiements; et [ce] qu'aura esté payé en ceste conformité sera entré et alloué sur le pris de sa ferme, sans difficulté.

            Faict a Chambery, aux bureaux des Comptes, le vingthuict novembre mil six cens vingt deux.

MILLET.

LANGLOIS.

D'après l'original inédit, conservé à Turin, Archives Camérales

(Arrestz, Reg. n° 45, vol. 1622). [341]

 

B) Documents relatifs au pays de Gex et a la mission de saint François de Sales a Paris en 1602

 

 

 

I. Lettres du President Antoine Favre a Mgr Claude de Granier, Evêque de Genève

 

1

                        Monseigneur,

            J'esperois que la premiere lettre que j'aurois a vous escrire en response de celle dont il vous a pleu m'honorer vous seroit rendue par monsieur le Prevost mon frere, pour l'esperance que me donnoyent ses diligences quil pourroit estre depeché avant les testes. Mais, outre l'incommodité que luy a causé l'absence du Roy et de tous ceux de son Conseil avec lesquelz il avoit negocié, qui ne sont de retour en ceste ville que des peu de jours en ça, il a treuvé sa negociation tant espineuse pour les traverses que luy font les uns et les autres (les uns, pour estre declairés tout oultre ennemys de nostre foy; les autres, pour n'en estre amys que fort froidement, et presque tous pour estre gens d'Estat), que si sa prudence et dexterité, assistee de la grace de Dieu et de vos merites, n'avoyent combattu la malice du temps, il auroit esté contraincts des le commencement, d'abandonner l'affaire et le remettre a un autre temps. Mais j'espere que Dieu le favorisera de telle sorte, quil surmontera en ce voyage non pas peut estre toutes les difficultés, mais du moins un bonne partie, et quil s'en retournera pour le moins a demy content, si son contentement n'est du tout empeché par le desplaysir quil aura de n'avoir pas entierement satisfaict a ce que vous desirez. Ce n'est pas peu qu'en une si malheureuse conjoncture, une partie, et la principale, se face bien, et qu'une autre fois l'autre se face, et que, des a present, ceux la mesme qui [342] ne favorisent guere l'affaire en donnent presque asseurance. Monsieur de Lux est arrivé icy bien a poinct pour y faire de tres bons offices, comme Vostre Seigneurie Reverendissime entendra plus a plein quelque jour, car il seroit trop long et difficile de vous en representer par lettre toutes les particularités.

            Cependant monsieur mon Frere, parmy tant d'embarrassemens, ne laisse de se faire admirer par les doctes et belles predications qu'il faict en divers lieux, et aux plus honnorables de la ville, a certains jours de la semaine; chose qui rend favorable a luy et a sa negociation non seulement tous les bons catholiques, mais encores les princes et princesses qui assistent presque ordinairement a ses predications.

            Je me resjouys extremement et vous remercie tres humblement de la bonne nouvelle qu'avez eu de Rome, laquelle ne me pouvoit arriver meilleure en contrechange de celle qu'a eu Madame de la decision de Rote, de laquelle, toutefois, et elle et tous ces messieurs de son Conseil se donnent maintenant beaucoup moins de peine des que nous l'avons receue et veu qu'elle n'est fondee sur raison qui vaille, ny qui soit nouvelle. Tout le Conseil de Madame se doit assembler en brief pour en prendre une finale resolution, laquelle attendant de vous escrire par monsieur mon Frere, qui partira devant moy pour la retardation de l'arrivee de Monsieur, je vous baise cependant tres humblement les mains, Monseigneur, comme celuy qui est,

            De Vostre Seigneurie Reverendissime,

                                                           Tres humble et tres obeissant filz et serviteur

                                                                                              FAVRE.

            De Paris, en l'hostel de Nemours, ce 28 mars 1602.

 

Revu sur le texte inséré dans le IId Procès de Canonisation. [343]

 

 

 

2

 

                        Monseigneur,

            Je me sens obligé par double devoir, en l'absence de monsieur le Prevost mon frere, vous donner advis de sa santé, et quil est allé des hier a Fontainebleau vers le Roy, pour tirer de Sa Majesté quelque bonne resolution avant qu'elle parte pour aller a Blois, ou l'on tient qu'elle va bientost.

            Vous ne pourriez croyre, ny moy vous dire combien tous les princes et princesses de la Cour favorisent mon Frere pour les merites qu'ilz reconnoissent en luy, et pour la reputation que luy ont acquise tant de belles et doctes predications quil a faictes aux plus celebres lieux de ceste ville en ce Caresme et en ces festes de Pasques. En somme, il est tenu pour le premier predicateur que la France ayt eu des long temps en ce grand theatre, et plusieurs pensent que le Roy ne le laissera poinct venir quil ne l'aye faict prescher devant luy; ce que je desirerois, comme font aussy plusieurs autres, m'asseurant que cela donneroit beaucoup de credit a sa negociation, delaquelle ne pouvant vous escrire autre pour le present, je ne feray ceste plus longue, sinon pour vous baiser tres humblement les mains et prier Dieu quil vous doint, Monseigneur, en santé, longue et contante vie.

                        Vostre tres humble et tres obeissant filz et serviteur,

                                                                                              FAVRE.

            De Paris, ce 10 avril 1602.

            Monsieur m'a commandé de l'attendre icy; cela m'en fera partir plus tard, mais j'espere que pour tout le mois do may je pourray avoir ce bonheur d'estre pres de Vostre Seigneurie Reverendissime.

 

Revu sur le texte inséré dans le IId Procès de Canonisation. [344]

 

II. Lettre de Messieurs Milletot et de Brosses a la Seigneurie de Genève

 

                        Messieurs,

            Estantz en ce bailliage pour une commission qu'il a pleu a Sa Majesté nous addresser touchant l'execution de l'Edict de Nantes, et ayans receu quelques requestes a nous presentees de la part du sieur Evesque de ce diocese, concernant choses esquelles vous pouvez estre interessés, nous ny avons voullu pourveoir sans vous en rendre advertis. C'est pourquoy nous vous envoyons ce porteur expres, pour vous dire que nous desirons estre informez de vos droictz, pour ne faire chose au prejudice d'iceux. Et partant, s'il vous plaist envoyer par devers nous quelques ungs de vostre part, vous nous trouverez disposez a vous rendre toutte sorte de contantement qui despendra de nostre pouvoir.

            Et sur ce, nous prierons Dieu, Messieurs, qu'il vous tienne en sa saincte garde.

                        Vos tres humbles et affectionnés a vous faire service,

                                   MILLETOT.                                                  DE BROSSES.

            De Gez, ce 19e juillet 1612.

A Messieurs les Syndicz et Conseil

                        de Geneve.

 

 

 

III. Reponse de la Seigneurie de Geneve a la lettre precedente

 

                        Messieurs,

            Nous avons receu la lettre par laquelle Nous faictes entendre que vous estes au balliage de Gex pour la commission a vous addressee par S. M. touchant l'execution de l'Edict de Nantes, et [345] que le Sr Evesque mentionné en la vostre vous a presenté quelques requestes concernant choses ou Nous pouvons estre interessés.

            Sur quoy Nous vous dirons que Nous avons jugé entierement superflu l'envoy d'aucuns des nostres par dela, d'autant que l'Edict de Nantes ne regarde point (comme vous sçavez trop mieux) nostre Seigneurie et Republique, ne les terres ou droicts d'icelle. Comme aussy, le dict Evesque n'a que veoir sur nos terres ny sur nos droicts, soit sur celles que Nous tenons du costé du dict balliage en souveraineté, soit sur celles de St Victor et Chapitre, ayans des traittés avec la Couronne de France et Messieurs nos alliez de Suisse, ausquelz ceste Seigneurie est comprise avec tout son territoire, et a forme de nostre presente et ancienne possession qui est assez notoire a tout le pays. Voire, Nous avons traitté de paix avec S. A. de Savoye, en observation duquel, et de nos anciens droicts, Nous possedons du costé de Savoye diverses terres en souveraineté, et aultres du mesme St Victor et Chapitre, avec les mesmes immunitez, libertez et prerogatives, soit au regard de la religion, soit d'aultres points, que celles dont Nous jouyssons du costé du dict balliage en nos terres susspecifiees ; lesquelles, [d'abondant], le feu Roy, de tres heureuse et glorieuse memoire, par patentes authentiques, verifiees partout ou besoing faisoit, a recogneiies telles et promis de ny rien innover, ains de laisser toutes choses a Nous appartenantes au mesme estat qu'elles estoyent pendant que Sadicte Altesse tenoit le dict balliage. Et sommes encores tellement asseurez de la bienveuillance de Leurs Majestez envers ceste Republique, declaree mesmes par effects et tesmoignages tous recents et bien signalez, qu'il ne peut entrer en nostre creance qu'Elles ayent donné quelque commission pour Nous molester en nos droicts et possessions; Nous dis je, qui dez si longues annees, [soit en temps de paix, soit en temps de guerre,] avons [tousjours] faict profession de nostre tres humble et devotieux service a leurs Couronnes. Que si le dict Sr Evesque vous vouloit induire a Nous y travailler et faire quelque chose a nostre prejudice, vos prudences sçauront assez que luy respondre.

            Et finalement Nous croyons, suyvant ce qu'il vous plaist Nous promettre et protester par la vostre, que vous ne ferez rien au prejudice de nos droicts. Et si aucune chose neantmoings estoit faicte et attentee au contraire, Nous protestons dez a present, comme dez lors, de la nullité du tout et de Nous pourvoir constamment et vertueusement pour la conservation de nos droicts, ainsy que verrons estre a faire selon Dieu et raison.

            Sur quoy, apres vous avoir remercié tres affectueusement de la [346] bonne volonté qu'il vous pleust Nous tesmoigner, a laquelle Nous desirons correspondre par tous plaisirs et services a Nous possibles, d'aussy bon ceur (sic) que Nous prions Dieu, Messieurs, vous avoir en sa saincte garde.

            Vos tres affectionnés a vous faire service,

                                                                       LES SYNDICQS ET CONSEIL DE GENEVE.

                                                                                                          DU MONT.

            Ce 10/20 juillet 1612.

                        A Messieurs

Messieurs Milletot, Conseiller du Roy au Parlement de Dijon,

            et des Brosses, Conseiller du Roy et Lieutenant civil et criminel

                        au balliage de Gex.

                                                                                              A Gex.

 

IV. Memoires pour les affaires de Gex, adresses a saint François de Sales par le Cure Etienne Dunant

 

            Plairra a Monseigneur escrire a monsieur le Grand, qu'il se contente nous relascher le cinq pour cent provenant des biens d'Eglise, a la forme de l'execution de l'Edict, a quoy ont (sic) ne veult toucher sans son bon plaisir. [347]

            A Monseigneur de Bourges, qu'il luy plaise commander a ses fermiers du prieuré de Prevesin nous deslivrer les deux centz livres qu'on donnoit aux ministres; ensemble, les centz livres qu'il luy a pleu accorder a monsieur le Mazuyer d'Accrasi, et la judicature dudict lieu pour un advocat catholique.

            A Thoiry. Quand monsieur le curé Gay aura servi le temps pour lequel il a este paie, sera necessaire proavoir d'un autre: de monsieur Perrin, ou de celuy que presente monsieur de Siccard.

            A Saconay. Pour le commencement du Caresme faudra fere venir le curé, et on luy donnera pour le premier paiment 300 florins.

            Pour le soulagement de ceux qui manient les biens d'Eglise, plairra a Monseigneur fere entendre que sa volonté est de distribuer les biens d'Eglise aux curés, sans les laisser en œconomie.

 

Revu sur l'Autographe inédit, conservé à la Visitation de Turin. [348]

 

 

 

V. Establissement des Cures du bailliage de Gex fait Annessi le mercredy [15 décembre] 1621

 

 

1. La cure de Versoy,

 

a laquelle sont unies Saint Loup, qui estoit la cure, anciennement, dudict Versoy ; plus, a esté uni Malagny et certains autres hameaux. Pour le service de ladite cure et entretien du curé l'on a assigné ce qui s’ensuit :

Le disme de Versoy, vallant en communes annees                                                  25 paires

plus, le terrage du susdit Versoy, qui vaut annuellement…………                         florins 100 00

plus, le revenu de la chappelle du Saint Esprit, qui vaut annuellement………       ff. 50 00

plus, cent florins deus par le sieur de Boisy pour l'albergement de la cure de Collex, et partant……….                                                                                                ff. 100 00

plus, l'albergement de la cure du susdit Versoy, qui vaut…………………                        ff. 10 00

plus, le cinq pour cent deu pour l'albergement du prieuré de Prevessin……           ff. 113 00

 

 

2. La cure de Versonnex,

 

a laquelle l'on a annexé Villars Nostre Dame, Sauverny, Maconnex, Villars Tacon. Pour le service et pour l'entretien du curé l'on luy assigne :

Le disme du bled de Versonnex, vallant en communes annees……………           25 paires [349]

plus, huictante huict florins six solz provenus de l'albergement de l'hospital dudit Macconnex....                                                                                                                                  ff. 88 06

plus, quatorze florins de l'albergement de la cure dudit Versonnex………                        ff. 14 00

plus l'albergement de la cure de Sauverny………...                                                ff. 13 00

 

 

3. La cure d'Ornex,

 

a laquelle l'on a annexé Bossy, Collex, Fernex et Rosiers. Pour le service et entretien du curé l'on luy a assigné:

La pension de Monseigneur le Reverendissime Evesque de Bourges, a cause du prieuré de Prevessin, qui est de……………………………                                                          ff. 300 00

 

 

4. La cure de Sacconex,

 

a laquelle l'on a annexé Prigny, Chambessy, Tornex, Vallavran, Collovrex. Pour l'entretien du curé l'on luy a assigné :

Le disme de Sacconex, qui est de douze couppes froment annuellement.froment,            12 couppes

plus, les censes et terrages du dit Sacconex, qui valent annuellement………         ff. 200 00

plus, deux centz florins pour la pension de Saint Jean……………………             ff. 200 00 [350]

plus, sept escus et demy pour l'albergement de l'abbaye de Jond…………                       ff. 100 00

 

 

5. La cure de Meyrin,

 

a laquelle l'on a annexé Verny et Mattignin. Pour le service et entretien du curé l'on luy assigne les dismes de Meyrin et de Mattignin, qui vallent annuellement……………                    45 paires

 

 

6. La cure de Chevry,

 

L'on a annexé Naz-dessous, Segny, Bretigny, Vesigny (Vésignin), Veyrax (Veraz) et Fleriex. Et pour l'entretien du curé l'on luy a assigné le disme dudit Chevry, qui vaut annuellement………………                                                                                           55 paires

 

 

 

7. La cure de Prevessin,

 

a laquelle l'on a annexé Pouilly, Perignin et Saint Genix. Pour l'entretien du curé l'on a assigné:

Le terrage dudit Prevessin, qui vaut annuellement ff. 120 00 plus, le disme de Prevessin et d'Ornex, qui vallent annuellement………………………….........                                               5 paires

plus, le disme de Perignin………………………….                                                           18 paires

plus, le disme de Saint Genix………………………                                              12 paires [351]

 

 

8. La cure de Crozet,

 

a laquelle l'on a annexé Villeneufve et Avouson. Et pour l'entretien du curé l'on luy a assigné:

Le disme de Crozet, vallant annuellement…………                                                           12 paires

plus, le terrage dudit Crozet………………………..                                                          ff. 8 00

plus, le disme de d'Ars (sic)………………………..                                                           10 paires

plus, le disme de Pouilly…………………………...                                                           8 paires

plus, le disme de Mars……………………………..                                                ff. 50 00

 

 

9. La cure de Thoiry,

 

a laquelle on a annexé Allemogne, Saint Jean de Gonville, Sergy et Fenieres. Pour le service et entretien du curé l'on luy a assigné :

Le terrage de Thoiry, qui vaut annuellement………                                                           ff. 20 00

plus, le disme de Saint Jean………………………..                                                           10 paires

plus, le terrage avec les cinq pour centz, qui est de dix florins, audit Saint Jean ; le tout monte a…………………                                                                                                          ff. 60 00

plus, le disme de Villeneufve………………………                                               15 paires

plus, le disme de Sergy…………………………….                                                           6 paires

plus, le disme d'Avouson…………………………..                                                           12 paires

plus, soixante florins annuelz pour l'albergement du domaine du prieuré de Sessy………………………                                                                                             ff. 60 00

 

 

10. La cure de Challex.

 

Pour l'entretien du curé l'on luy assigne:

La troisiesme partie de la pension de Challex, qui est quattre couppes avoine et six couppes froment; argent…………………………                                                                               ff. 46 00

plus, la chappelle de Nostre Dame, fondee audit Challex, qui vaut annuellement…          ff. 25 00

plus, le terrage dudit Challex, qui vaut annuellement………………………                      ff. 35 00

plus, le disme de Tougin, qui vaut…………………                                                           ff. 500 00

lequel disme de Tougin sera remis a Monseigneur le Reverendissime, pour en disposer apres que l'on aura les autres deux tierces parties de la susdite pension qui est en proces.

 

Revu sur le texte inédit, inséré dans le IId Procès de Canonisation. [352]

 

 

 

VI. Estat de l'office estably en l'Eglise parrochiale de saint Pierre de Gex fait le mercredy [15] decembre 1621

 

            Pour le service de ladite eglise seront establis, oultre la personne du curé, trois prestres, l'un desquelz sera entretenu et payé du curé, et les autres deux auront pour chacun six centz florins par an, qui leur seront payés par ledit sieur curé sur les revenus et biens cy specifiés, et annexés a ladite cure.

            Plus, seront payés par ledit sieur curé trois centz florins pour les luminaires accoustumés et necessaires en ladite eglise, selon l'ordre qui en a esté fait par cy devant par Monseigneur le Reverendissime. Plus, sera payé au filz du sieur Paris, par ledit sieur curé, la somme de deux centz florins pour assister à l'Office qui se fera en ladite eglise de Gex; il enseignera le plain chant aux vicaires et enfans qui voudront apprendre.

            Et ledit curé, prestres et vicaires feront l'Office en ladite eglise selon ce qui a esté ordonné par cy devant par mondit Seigneur. Et pour la charge desditz prestres establis, l'un d'iceux aura la charge d'enseigner la jeunesse dudit balliage en grammaire, escriture, et servir en ladite eglise continuellement et assister a tous les Offices qui se feront; et pour ce faire luy seront payés les six centz florins sus establis. Et l'autre prestre establi sera obligé d'avoir soin de la sacristie, du luminaire et blanchissage des linges et autres choses necessaires pour ladite sacristie, pour lesquelles choses luy seront payés trois centz florins, oultre les six centz florins sus consistans.

            Et pour le payement desditz gages des vicaires, et sacristie et luminaire, et pour le filz du sieur Paris, seront annexees a ladite eure, oultre son revenu ordinaire, les choses cy apres specifiees. [353]

Et premierement, les cinq pour centz non pourveuz, qui montent par an a la somme de neuf centz septante deux florins trois solz, selon le roolle qui en sera fait et remis audit curé.            ff. 972 03

plus, luy sera remis le disme de Fleix, qui est annuellement……………………… paires 20

plus, les revenus des chappelles non pourveues de tout le balliage, qui peuvent valoir annuellement argent……                                                                                                           ff. 750 00

plus, 12 fl. dé la chappelle de Saint Theodore, situee a Collonges………              ff. 12 00

Somme toute…………………………………                                                        ff. 1.734 03

            Et parce qu'il y a quelques proces des Gex intentés, ilz' seront poursuivis a la diligence dudit sieur [curé] de Gex ou de ceux quil commettra, tant pour la recepte des deniers susditz que pour la poursuitte des proces, et aux despens et frais de l'œconomie qui sera establie par Monseigneur le Reverendissime.

            Plus, les susditz prestres et vicaires eh sus establis seront logés en la maison de la cure dudit Gex. Et quant a la grange qui a esté annexee a ladite cure et qui a esté achetee des deniers de l'œconomie, elle sera remise auxdîts prestres pour leur service, a la charge qu'ilz l'entretiendront, et ladite maison et ladite grange. Et pour le present, le sieur Paris tiendra place d'un desditz trois prestres sus consistans, aux gages sus specifiés, et sera logé en la mesme maison de la cure dudit Gex.

            Et pour le regard de la pension de l'abbaye de Bonmont qui se payoit autrefois aux ministres du balliage de Gex, qui estoit de deux centz florins annuelz, nous l'avons laissee au sieur Prevost du Chapitre de Saint Pierre de Geneve, auquel appartient le membre qui estoit [tenu] de payer ladite pension; lequel n'a aucune charge ni cure d'ames, pour estre un membre dependant de l'abbaye de Bonmont, laquelle est riere la Seigneurie de Berne. Et c'est en consideration de la grande despence qu'ilz ont faitte au Conseil du Roy a Paris pour le restablisserrient des ecclesisastiques et services au balliage de Gex.

            Et touchant l'establissement du curé de Divonne, auquel l'on avoit ordonné par cy devant la somme de, centz florins annuelz sur l'œconomie, Monseigneur le Reverendissime luy a ordonné. [354] pour lesditz centz florins, qu'il prendra douze couppes from, ent et huit d'avoine qui sont restat de la pension de Saint Jean; et ce, sa vie durant, sans tirer en consequence, ayant esgard au lieu ou il est.

            Et touchant la maison de la cure, qui reste designee pour le logement du vicaire qui fera l'office de maistre d'escole et pour le sieur Paris qui tiendra place d'un vicaire, Monseigneur le Reverendissime a ordonné que le sieur vicaire qui fera l'escole sera logé au logis le plus logeable de ladite maison, a son choix, a cause de la charge de ladite escole, et le sieur Paris aura le reste dudit logis. Et pour les jardins qui sont annexés a ladite maison de la cure, ilz seront partagés par esgales parties entre ledit sieur vicaire qui fera l'escole et le sieur Paris.

            Monsieur le duré de Gex possede annuellement:

Six vingt paires de dismes;

plus, les censés, qui vallent annuellement: argent ff. 100 00, oultre les laouds qui y arrivent souvent;

plus, son terrail et sa vigne, qui sont trois poses;

plus, deux poses de vigile qu'il a acquise des albergemens des Nicotz;

plus, trois poses de vigne qu'il a acquises des albergemens de Bordet;

plus, une pose acquise des albergemens de Mercier.

            Et veut affranchir les cinq pour centz, qui sont 26 florins, monnoye de Savoye.    L'acquisition a la cure de Meyrin. — Oultre l'establissement dessus assigné, ledit sieur curé, acquis:

Une maison, grange et curtil et jordil; le tout joinct-ensemble, contenant demy pose;

plus, un chenevrier, demy fossoree ;

plus, deux poses de bonne vigne a Verny, appelle Encrozottant ; plus, au mesme Verny, une piece de pré contenant demy seytoree.

             [Avec] tout cela, devoit quarante florins de cinq pour centz, monnoye de Savoye, donnés au sieur Paris, lesquelz ledit curé ne vent payer.

            Il a acquis aussi les biens de la cure de Mattignin, qu'il y a bien vingt deux pieces, que chams, vignes, prez, bois et autres. De mesme, pour ledit, curé, il a acquis la pluspart des biens de la chappelle de [355] Mattignin, a sçavoir: une vigne, deux poses; plus, une seytoree de pré, appelle pré Rossillion; une autre seytoree de pré appellé Espanges; plus, une piece de vigne a Verny, dependant de ladite chappelle de Mattignin. Il ne veut payer aussi le cinq pour centz d'unze florins.

            Le curé de Pouilly, oultre l'establissement cy dessus, article 7, il a acquis tous les biens de la cure de Pouilly autrefois albergez par les seigneurs de Berne, a sçavoir: une maison et grange proche de l'eglise; plus, une seytine de pré proche de ladite maison; plus, cinq seytines de prez en l'estang; plus, trois seytines de pré en praz Punel; plus, deux poses de pré proche l'eglise.

            Le curé d'Ornex, outre l'establissement fait selon l'article troiziesme, il a acquis: premierement, de la chappelle des Brochuts, d'Ornex, un pré contenant cinq seytines, duquel il doit 13 florins de cinq pour centz, et ne les veut payer audit Paris. Plus, depend de la cure de Fernex une grande vigne qu'il a acquise du sieur Diodati qu'il tenoit albergee, et payoit audit Paris 29 florins de cinq pour centz, lesquelz ledit curé ne veut payer audit Paris. Il a permuté ladite vigne pour certains biens dudit sieur Diodati; le tout au grand prejudice du futur curé de Fernex.

            En ladite cure il y a plus de trente pieces, que vignes, chams, prez, bois, censes albergez, possedés par le sieur de Fernex et encor les dismes.

            La cure de Tougin, que le curé a la portion congrue de messieurs [356] les Religieux de Saint Claude, de qui la cure depend. Ledit curé s'est acquis les biens dependantz de ladite cure, scavoir: une maison et courtine en icelle; plus, une seytine de pré en lieu dit Enfouillie; plus, une autre seytine de pré sous les vignes; plus, une autre seytine de pré en praz Gaillard; plus, trois quartz de poses de vigne en lieu dit En chaud-soleil. Doit cinq pour centz 10 fl., monnoye de Savoye, et ne veut payer audit Paris.

            Le curé de Sacconex, oultre son establissement selon l'article 4e, il a acquis tous les biens de la cure de Verny, se disant aussy curé; et ne veut payer les cinq pour centz au sieur Paris, qui sont eize florins annnuelz, monnoye de Savoye. Il y a plus de vingt pieces, que vignes, chams, prez et teppes, et dependantz de ladite cure.

            Il y a de grans restatz en ladite cure de Sacconex, que ledit sieur Paris laisse en dernier pour n'avoir les tiltres; et aussy en la cure de Fernex et en plusieurs chappelles qui tomberont en prescription, si l'on ne commet un procureur ou un œconome qui aye bon pouvoir et moyen de poursuivre.

            L'on trouve fort estrange que le curé de Peron, qui a une tres bonne cure, soit curé de Tougin, qui est a trois grandes lieues loin; laquelle cure avoit esté annexee a l'eglise de Gex pour l'entretien des vicaires. Et le curé de Sessy, qui a aussy une bonne cure, en a destourné le terrail, au prejudice du curé futur, et ne veut payer les cinq pour centz au sieur Paris, qui sont dix florins.

 

Revu sur le texte inédit, inséré dans le IId Procès de Canonisation. [357]




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